Dans ce début du 2025, Pressenza invite à regarder la tentative que représente l’espèce humaine, depuis la perspective présentée dans l’argile du cosmos, un des chapitres du conte Le Jour du Lion Ailé, faisant partie du livre du même titre, Le Jour du Lion Ailé, de l’auteur Mario Rodríguez Cobos, nom de plume Silo.
Quand la superficie de ce monde commença à se refroidir, un précurseur arriva et choisit le modèle de processus qui devrait s’autogérer. Rien ne lui parut plus intéressant que de projeter une matrice de « n » possibilités évolutives divergentes. Alors, il créa les conditions de la vie. Avec le temps, les contours jaunâtres de l’atmosphère primitive virèrent au bleu et les boucliers protecteurs commencèrent à fonctionner à des niveaux acceptables.
Plus tard, le visiteur observa les comportements des diverses espèces. Certaines avancèrent vers les terres fermes et commencèrent à s’accommoder timidement à celles-ci, d’autres retournèrent à la mer. De nombreux avortons de milieux différents succombèrent ou poursuivirent leurs transformations déjà amorcées. Le hasard fut respecté jusqu’à ce que finalement se dresse une créature de dimensions animales moyennes, parfaitement capable d’apprendre, apte à transférer l’information et à emmagasiner la mémoire hors de son circuit immédiat.
Ce nouveau monstre avait suivi un des schémas évolutifs, adapté à la planète bleue : une paire de bras, une paire d’yeux, un cerveau divisé en deux hémisphères. En lui, tout était symétrique de façon élémentaire, aussi bien les pensées que les sentiments et les actions qui avaient été codifiés sur la base de son système chimique et nerveux. L’amplification de son horizon temporel et la formation des couches de registres de son espace interne prendraient encore quelque temps. Dans la situation où il se trouvait, il pouvait rarement différer les réponses ou reconnaître les différences entre la perception, le rêve et l’hallucination. Son attention était irrégulière et, bien entendu, il ne pouvait réfléchir à ses propres actes, faute d’être en mesure de capter la nature profonde des objets avec lesquels il était en relation. Sa propre action était vue en référence à des objets éloignés d’un point de vue tactile et tant qu’il continuerait de se considérer comme un simple reflet du monde externe, il ne pourrait laisser le passage à son intention profonde, capable de transformer son propre esprit. C’est en attrapant et en fuyant qu’il avait modelé ses premiers sentiments ; ceux-ci s’exprimaient par attirance et rejet, modifiant très lentement cette bipolarité maladroite et symétrique, ébauchée déjà chez les proto espèces. Sa conduite était alors trop prévisible, mais viendrait le moment où, en s’auto-transformant, il produirait un saut vers l’indétermination et le hasard.
Ainsi, le visiteur espérait une nouvelle naissance de cette espèce en qui il avait reconnu la peur de la mort et le vertige de la furie destructrice. Il avait été témoin du vécu de ces êtres qui vibraient sous l’hallucination de l’amour, qui s’angoissaient face à la solitude du vide de l’univers, qui imaginaient leur futur, luttaient pour déchiffrer les traces du commencement qui les avait vu naître. À un moment donné, cette espèce, faite de l’argile du cosmos, se mettrait en marche pour découvrir ses origines et le ferait en passant par des chemins imprévisibles.
Livre Le Jour du Lion Ailé, en français, en version PDF : http://silo.net/collected_works/day_winged_lion
Livre Le Jour du Lion Ailé, en français, en version papier : https://www.editions-references.com/lion.html