Depuis quatre ans, Audrey et Thomas gèrent le camping Lislebonne, dans le département du Lot-et-Garonne. Un camping dans un écrin de verdure, comme il en existe beaucoup dans les campagnes françaises. Mais il y a quelques mois, Audrey et Thomas ont franchi le pas vers l’objectif qu’ils s’étaient fixés dès le début : transformer ce camping « classique », ou plutôt « textile » en camping naturiste.
Le paysage invite au calme et à la sérénité : après les emplacements de camping, pour tentes et caravanes, et les mobil-homes, on est attiré par le lac, pour s’y baigner ou en faire le tour, et au-delà les grands espaces verts ou arborés, et la vue sur les collines alentours.
Audrey et Thomas avaient découvert le naturisme il y a plus de 10 ans, mais ils n’ont pas voulu se contenter de le pratiquer durant leurs congés. Ils ont laissé leurs vies professionnelles antérieures pour un changement radical, se lancer dans ce projet de camping naturiste. Pour eux, c’est un projet qui a du sens. Ils nous expliquent que tout n’est pas simple. L’été dernier, lorsque les vacanciers repartaient, ils leur disaient : « Au plaisir de vous revoir ; l’an prochain nous transformons le camping en camping naturiste ! » Mais cette année, ils n’ont pas vu revenir les habitués. Pas facile de franchir le pas !
Il ne faut pas voir dans le naturisme le simple fait d’enlever ses vêtements, loin de là. Dans naturisme, il y a nature, et il est certain que les vêtements sont une barrière entre notre corps et ce qui nous entoure. Pour Hervé, qui a installé il y a quelques jours son camping car, et pour qui il n’y a rien de plus « naturel » que le « naturisme », cette sensation de bien être procurée par cet environnement passe aussi par le fait d’être nu, avec la sensation de l’air, du soleil ou de l’eau sur la peau. Laurence, sa compagne, a une profession qui l’oblige à porter un uniforme du matin jusqu’au soir : pouvoir se mettre nue lorsqu’elle est en vacances est pour elle une nécessité. Et cela devient vite une habitude : « Après deux semaines nue, quand tu enfiles un simple tee-shirt, tu te sens étriquée ! »
Mais mes vêtements ne sont ils pas avant tout un « déguisement » que j’utilise dans mes relations avec mon entourage, pour jouer le rôle que je me suis attribué ? Ôter ce déguisement, c’est se retrouver nu face à l’autre, et mettre de côté l’image que j’ai l’habitude de renvoyer. Réciproquement, quand je croise dans ce camping une personne que je ne connais pas, je n’ai plus les repères vestimentaires pour la classer dans mes catégories : chic, classique, branché… ou la classe sociale que j’associe à tel ou tel vêtement. Être dans un camping naturiste, ce n’est pas la même chose qu’être nu dans son jardin : c’est partager avec d’autres cette recherche d’harmonie avec la nature, et aussi la recherche de respect mutuel.
En ce début de saison, le camping se remplit. Il y a des gens de tout âge, mais la moyenne d’âge n’est pas très jeune. Audrey confirme : « Les jeunes essaient, mais nombreux sont ceux qui à l’extérieur n’osent pas dire qu’ils font du naturisme ». Il peut y avoir la crainte d’être face à des personnes qui ne comprennent pas les motivations du naturisme, et qui pensent immédiatement « sexualité ».
D’après Thomas, ce qui freine les gens pour aller vers le naturisme, c’est qu’ils le sexualisent, alors qu’au contraire c’est complètement désexualisé. « Il y a même des gens qui sont surpris quand on leur dit qu’il y a des familles avec des enfants. Ce n’est que la nudité, simple et naturelle, sans arrière pensée ».
A partir du moment où le regard porté sur l’autre est d’abord empreint de respect, ce ne sont pas ses seins ou ses fesses qui m’intéressent. Et de fait, le port d’un maillot de bain sexy ne renvoie-t-il pas plus à la sexualité qu’un corps totalement dénudé ?
Pouvoir se promener sans craindre le regard de l’autre… pour cette première année de naturisme, Thomas a remarqué que la proportion de vacanciers avec un handicap physique est plus élevé que les années précédentes. Probablement qu’ici, ils ne craignent pas de laisser découvert un corps « différent » et de ressentir les jugements dans les regards des passants.