Les armes nucléaires sont conçues pour détruire des villes, tuer et mutiler des populations entières, dont des enfants. En cas d’attaque nucléaire, les enfants risquent davantage de mourir ou de subir des blessures graves, que les adultes étant donné leur plus grande vulnérabilité aux effets des armes nucléaires : chaleur, souffle et radiations. Le fait que les enfants dépendent des adultes pour leur survie les expose également à un risque plus élevé de mort et de difficultés à la suite d’une attaque nucléaire, les systèmes de soutien étant détruits. Alors que ces 6 et 9 août 2024 est commémoré le 79e anniversaire des bombardements nucléaires des villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki (1945), la Campagne ICAN publie un nouveau rapport « L’impact des armes nucléaires sur les enfants ». ICAN France vous propose une traduction de l’introduction.

Melissa Park, directrice Éxecutive de ICAN :

« Comme le montre ce rapport avec des détails convaincants et souvent déchirants, ce sont les enfants qui souffriraient le plus en cas d’attaque nucléaire sur une ville. L’impact des armes nucléaires sur les enfants est un terrible avertissement adressé aux gouvernements de tous les États dotés de l’arme nucléaire et au grand public : il est urgent d’agir pour débarrasser le monde des armes nucléaires. En partageant les histoires d’enfants tués ou blessés lors des bombardements atomiques américains d’Hiroshima et de Nagasaki en 1945 et d’enfants victimes d’essais nucléaires, nous espérons leur rendre hommage et faire en sorte que personne d’autre ne souffre jamais comme eux. »

Introduction

Des dizaines de milliers d’enfants ont été tués lorsque les États-Unis ont fait exploser deux armes nucléaires, relativement petites au-dessus des villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki en 1945.

Beaucoup ont été instantanément réduits en cendres et en vapeur. D’autres sont morts dans d’atroces souffrances en quelques minutes, heures, jours ou semaines après les attaques, des suites de brûlures ou de blessures causées par l’explosion ou encore de syndrome d’irradiation aiguë. D’innombrables autres sont morts des années, voire des décennies plus tard, de maladies liées aux radiations. La leucémie – cancer du sang – était particulièrement répandue chez les jeunes.

À Hiroshima et Nagasaki, les scènes de dévastation étaient apocalyptiques : des terrains de jeux parsemés de cadavres de jeunes filles et de jeunes garçons. Des mères berçant leurs bébés sans vie. Des enfants, dont les intestins sortent du ventre avec des lambeaux de peau pendant de leurs membres.

Combien d’enfants ont été tués ?

Dans certaines écoles proches du point zéro, plusieurs centaines d’élèves ont péri en un instant. Dans d’autres, il n’y a eu que quelques survivants. On estime que plus de 38 000 enfants ont été tués lors des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki.

  • À Hiroshima, 73 622 enfants de moins de 10 ans ont été exposés à la bombe nucléaire, dont 7 907 sont morts à la fin de l’année 1945. Parmi les enfants plus âgés et les adolescents, le nombre de morts s’élèverait à 15 543.
  • À Nagasaki, les autorités ont estimé que 49 684 enfants de moins de 10 ans ont été exposés à l’arme nucléaire, dont 6 349 sont morts à la fin de l’année 1945,

Ces estimations officielles ne tiennent toutefois pas compte des nombreux enfants qui sont décédés des années après les attaques, des suites de cancers et d’autres maladies liées aux radiations.

À gauche : un garçon de Nagasaki reçoit une ration de riz après le bombardement atomique (Photo de Yosuke Yamahata, Domaine public).  A droite : Sadako Sasaki, est une fillette japonaise née à Hiroshima en et morte à l’âge de douze ans d’une leucémie due à la bombe atomique d’Hiroshima, Domaine public.

Les enfants qui, par chance, ont échappé à la mort ont gardé toute leur vie de graves séquelles physiques et psychologiques. Ce qu’ils ont vu et vécu les 6 et 9 août 1945 et les jours suivants est resté gravé dans leur mémoire. Des milliers d’enfants ont perdu un ou deux parents, ainsi que des frères et sœurs. Certains « orphelins de la bombe A » ont été abandonnés à la rue, les orphelinats ayant dépassé leur capacité d’accueil.

De nombreux bébés qui se trouvaient dans le ventre de leur mère, lors des 6 et 9 août 1945, ont également souffert de l’exposition aux rayonnements ionisants. Pour eux, le risque de mourir juste après la naissance a été plus important, tout comme celui de souffrir d’anomalies congénitales telles que des lésions cérébrales ou de microcéphalie, ainsi que d’être atteint de cancers et d’autres maladies au cours de leur vie.

Hinamoeura bébé dans les bras de sa maman en 1989 (à gauche) et avec ses deux fils en 2023 (à droite). (Photos avec l’aimable autorisation de Hinamoeura Morgant-Cross)

Les femmes enceintes d’Hiroshima et de Nagasaki ont également connu un nombre plus élevé d’avortements spontanés et de naissance mort-nés. Mais ce sont bien les communautés du monde entier qui ont été exposées aux retombées des essais nucléaires, les enfants ont subi des dommages similaires dus aux radiations. Depuis 1945, les États dotés de l’arme nucléaire ont procédé à plus de deux mille explosions nucléaires expérimentales sur des dizaines de sites, dispersant des matières radioactives sur de vastes étendues.

Parmi la population, les enfants et les nourrissons ont été, là aussi, les plus gravement touchés en raison de leur plus grande vulnérabilité aux effets des rayonnements ionisants. Les jeunes enfants sont en effet trois à cinq fois plus susceptibles de développer un cancer à long terme que les adultes à partir d’une dose donnée de radiations, et les filles sont particulièrement vulnérables.

Aux îles Marshall, où les États-Unis ont effectué 67 essais nucléaires, les enfants jouaient dans les cendres radioactives qui tombaient du ciel, inconscients du danger. Ils l’appelaient « la neige de Bikini », en référence à l’atoll où ont eu lieu de nombreuses explosions. Ces cendres ont eu pour effet de brûler leur peau, leurs yeux, certains enfants développant des symptômes de maladie radioactive aiguë.

Pendant les décennies qui ont suivi les essais, les femmes des îles Marshall, avec un taux exceptionnellement élevé, ont donné naissance à de nombreux nouveau-nés difformes. Ceux qui sont nés vivants ont rarement survécu plus de quelques jours. Certains avaient une peau translucide ou aucun os n’était perceptible. On les appelait alors des « bébés méduses », car on avait du mal à les reconnaître comme des êtres humains.

Des histoires similaires ont été racontées par des personnes vivant sous le vent ou en aval de sites d’essais nucléaires aux États-Unis, au Kazakhstan, à Ma’ohi Nui (Polynésie française), en Algérie, au Kiribati, en Chine, en Australie et ailleurs.

Nous avons le devoir moral collectif d’honorer la mémoire des milliers d’enfants tués à Hiroshima et à Nagasaki, ainsi que celle des victimes du développement et des explosions d’armes nucléaires dans le monde entier, et nous devons poursuivre l’objectif d’un monde exempt d’armes nucléaires avec détermination et urgence, de peur qu’il n’y ait d’autres victimes, jeunes ou vieilles.

En vertu du droit humanitaire international et de la Convention relative aux droits de l’enfant, les gouvernements ont l’obligation légale de protéger les enfants contre les dangers des conflits armés. Pour s’acquitter de cette obligation, il est impératif qu’ils travaillent ensemble dès maintenant pour éliminer le fléau des armes nucléaires dans le monde.

Ce rapport, basé sur l’expérience des enfants d’Hiroshima et de Nagasaki, décrit l’horreur de l’impact des armes nucléaires sur leur vie. À travers des témoignages, il est expliqué également comment la peur permanente de la guerre nucléaire – la possibilité que des villes entières soient détruites à tout moment – cause des dommages psychologiques aux enfants du monde entier.

Ce rapport est aussi un appel d’urgence à tous les gouvernements pour qu’ils protègent les enfants d’aujourd’hui et de demain en éliminant les armes nucléaires, en adoptant le Traité des Nations unies sur l’interdiction des armes nucléaires.

Principales conclusions

Tant que les armes nucléaires existeront dans le monde, il y aura un risque réel qu’elles soient à nouveau utilisées, et ce risque semble actuellement s’accroître. En cas d’utilisation de ces armes, il est pratiquement certain que des milliers d’enfants – peut-être des centaines de milliers ou plus – figureront parmi les morts et les blessés, et qu’ils souffriront de manière unique et disproportionnée par rapport au reste de la population. En cas d’attaque nucléaire, les enfants seront plus susceptibles que les adultes :

  • de mourir de brûlures, car leur peau est plus fine et plus délicate et brûle plus profondément, plus rapidement et à une température plus basse ;
  • de mourir de blessures causées par les explosions, étant donné la fragilité relative de leur corps ;
  • de mourir d’une maladie aiguë due aux radiations, car ils ont plus de cellules qui se développent et se divisent rapidement et sont beaucoup plus vulnérables aux effets des radiations ;
  • d’être incapables de se dégager des bâtiments effondrés ou en feu ou de prendre d’autres mesures qui augmenteraient leurs chances de survie ;
  • de souffrir de leucémie, de cancers solides, d’accidents vasculaires cérébraux, de crises cardiaques et d’autres maladies des années plus tard en raison des effets différés des dommages causés par les radiations à leurs cellules ;
  • et de souffrir de privations après les attaques, ainsi que de traumatismes psychologiques entraînant des troubles mentaux et des suicides.

En outre, les bébés présents dans l’utérus de leur mère au moment de l’attaque seraient confrontés à un plus grand risque de :

  • décès peu après la naissance ou dans la petite enfance ;
  • microcéphalie, accompagnée d’une déficience intellectuelle, en raison d’une plus grande vulnérabilité du cerveau en développement dû aux dommages causés par les radiations ;
  • d’autres anomalies du développement ;
  • troubles de la croissance dus à la diminution du fonctionnement de la thyroïde ;
  • des cancers et autres maladies liées aux rayonnements pendant l’enfance ou plus tard dans la vie.

Agissez avant qu’il ne soit trop tard

Ces réalités horribles devraient avoir de profondes répercussions sur l’élaboration des politiques dans les pays qui possèdent actuellement des armes nucléaires ou dans ceux qui soutiennent leur maintien dans le cadre d’alliances militaires.

Ces réalités horribles devraient également inciter les organisations qui se consacrent à la protection des enfants et à la promotion de leurs droits de s’attaquer à la grave menace mondiale que représentent les armes nucléaires.

Si les enfants n’ont joué aucun rôle dans la mise au point de ces engins de mort, ce sont eux qui souffriront le plus en cas d’utilisation future de ces armes. De toute urgence, il est temps d’éliminer ces armes de destruction massive.

La France doit intégrer, enfin, la communauté du TIAN. Dans un premier temps, elle pourrait être un État observateur lors de la troisième réunion de ce traité (en mars 2025 au siège des Nations unies), et agir favorablement dans le processus de désarmement nucléaire en respectant ses obligations du Traité de non-prolifération nucléaire, avant de ratifier le TIAN. Ses enfants la regardent ! 

 Le rapport « The impact of nuclear weapons on children – L’impact des armes nucléaires sur les enfants », réalisé par Tim Wright de ICAN est composé de 4 parties :

  • Les enfants d’Hiroshima et de Nagasaki
  • Les enfants victimes des explosions nucléaires
  • La peur de la guerre nucléaire chez les enfants
  • Protéger les enfants par le désarmement

L’article original est accessible ici