A l’appel de plus de 120 organisations politiques et syndicales, dont Bassines non merci, les Soulèvements de la terre et la Confédération Paysanne, la mobilisation a commencé le 16 juillet dernier au « Village de l’eau » dans la vallée d’Argentière dans les Deux-Sèvres (79). Des milliers de personnes y étaient toute la semaine pour organiser des débats et des ateliers. Puis deux journées de manifestations et d’actions se sont déroulées les 19 et 20 juillet dans la forêt de Saint-Sauvant, dans la Vienne puis à La Rochelle. Les organisateurs revendiquent l’arrêt des chantiers et un moratoire sur les projets de mégabassines.
Fabrizzio est engagé dans les luttes paysannes, en Belgique et ailleurs. La semaine dernière, il était à La Rochelle et il nous raconte les trois jours d’actions auxquels il a participé.
Le vendredi, comme environ sept mille autres militants venus d’Allemagne, de Suisse et de France, Fabrizzio arrive en voiture depuis Bruxelles pour s’installer au camping près du site des bassines. Malgré une carte routière indiquant les points de contrôle de police à éviter, il était très difficile de les contourner. Imagine : plus de 100 points de contrôle avec, au minimum, une vingtaine de policiers à chaque endroit. Tout au long de l’action, la quantité de policiers visibles est impressionnante !
Ces contrôles se traduisent par la confiscation de masques COVID, de lunettes de piscine, de sardines pour planter les tentes, de bouteilles, de bonbonnes de gaz de camping et, bien sûr, de tout couteau ou fourchette. Vous pouvez soi-disant récupérer votre matériel au commissariat, deux jours plus tard, ce qui est pratique pour les étrangers qui devraient alorss rester sur place.
A ce propos, petite parenthèse pour des dernières nouvelles : le lundi matin, une délégation de « contrôlés » s’est rendue au commissariat pour récupérer leurs affaires, mais surprise, ils sont repartis bredouilles : « vous ne pouvez pas les récupérer ». Heureusement, l’équipe juridique est bien présente pour conseiller de demander un écrit justifiant le refus de rendre leurs affaires et de suivre des procédures contre cette attitude illégale.
L’événement se déroulait dans le cadre de la « semaine de l’eau », une semaine intense ponctuée de conférences, rencontres et échanges internationaux, permettant aux militants du monde entier de découvrir les situations locales et la variété des actions menées. Pour clore cette semaine, deux grandes manifestations étaient prévues.
Dès la venue au camping du Village de l’eau, il observe le harcèlement de la police. Toute la semaine, des hélicoptères survolent le camping en rase-motte, à trois heures du matin, réveillant les dormeurs. Ensuite, c’est au tour des drones qui volent à basse altitude au-dessus des tentes, et enfin, les motos bruyantes tournant à plein régime. Ambiance !
Le vendredi, première manifestation
La première manifestation a eu lieu vendredi, dans le parc Charruyer. Malgré les nombreux blocages policiers, dix mille personnes étaient prêtes, réparties en deux groupes de voitures. Le mot d’ordre des organisateurs : « Pas de confrontation avec la police ! À la première confrontation, on s’en va ! » Un discours loin des prétendus « radicaux venus d’Allemagne, de Suisse et de Belgique » décrits par la préfète et relayés par une certaine presse locale.
La proposition était donc de se rendre sur place en voiture. Mais des policiers à cheval ont encerclé le premier groupe de voitures et ont commencé à les gazer abondamment. Les manifestants, bien plus nombreux que les policiers, sont sortis des voitures et se sont dirigés en masse vers le champ prévu pour se rassembler. Le champ était très sec et recouvert de paille coupée. Soudain, les policiers tirent des grenades lacrymogènes, enflammant dangereusement le champ en friche.
Depuis les hélicoptères, les policiers crient à la foule de se disperser pour échapper aux flammes… provoquées par leurs collègues ! Heureusement, les caméras de France 3 ont filmé ces incidents, empêchant d’accuser les manifestants de ces dégâts. Le propriétaire du champ a d’ailleurs porté plainte contre la police. Une confusion s’installe et, finalement, tous les activistes choisissent de retourner au camping, passant à nouveau par des contrôles intensifs et arbitraires.
Le samedi, blocage surprise du port industriel de La Pallice.
La journée du samedi commence tôt, avec le blocage surprise du port et de l’entreprise de négoce en céréales Soufflet par plus de 200 paysans, syndicalistes, militants écologistes et autonomes. Au port de la Rochelle, aux premières heures, des tracteurs d’agriculteurs venus soutenir la manifestation débarquent. En effet, pour éviter les contrôles routiers, ils ont choisi de passer par la mer depuis l’île de Ré et de rejoindre la manifestation, surprenant ainsi les forces de police.
Leur présence a été perçue comme très importante, signe d’union entre agriculteurs et militants écologistes dans une même dénonciation.
Comme d’habitude, trois groupes de manifestants se forment : le plus « chaud » arrive en premier sur place. Très vite, le groupe est « nacé », encerclé, par la police. Les autres groupes les rejoignent pour les aider et sortir les militants qui se font tabasser. Au moins une dizaine de manifestants ont été blessés ; heureusement, l’équipe médicale était là pour les secourir.
Le cortège a ensuite rejoint la manifestation sur le port, destinée à bloquer les transporteurs et à souligner ainsi l’importance de toute la filière responsable des méga-bassines. Au milieu des voiliers, des kayaks et des nageurs, l’ambiance était festive malgré le chassé-croisé avec la police impuissante à contrôler les eaux.
Pour Fabrizzio, l’organisation générale était très intéressante, non-violente et efficace. A chaque action, il constate de nouvelles techniques et idées, et une grande ouverture d’esprit lors des débriefings. Le mouvement « Soulèvement de la Terre » coordonne la logistique, soutenant les groupes locaux avec l’aide juridique et médicale. Toute la région participe, les gens des alentours apportant de l’eau et du ravitaillement, se montrant très présents. Toute cette solidarité donne du sens et de l’énergie. Les échanges étaient aussi essentiels pour se rendre compte que la « guerre de l’eau » est vécue de façon très violente dans d’autres parties du monde, que d’autres luttes doivent être soutenues.
Un incident est cependant survenu : selon la préfète, une « supérette » a été vandalisée sauvagement, choquant psychologiquement les propriétaires. En réalité, il s’agissait d’un « Super U » dont la caisse a été volée, et les gérants n’étaient pas sur place.
Des actions à suivre donc, en France comme ailleurs. L’eau est un enjeu vital aujourd’hui. Les actions pour le droit à l’eau sont absolument légitimes. L’absurdité étant que, aujourd’hui, ces actions sont « illégales ». La solution ? Etre de plus en plus nombreux pour ces revendications simples, essentielles, universelles.
Pour une action nouvelle, bien originale …