Notre dernier article sur le cas de Julian Assange fait état des événements qui ont permis de mettre un terme à la procédure d’extradition contre le fondateur de Wiki Leaks, Julian Assange. Après des mois de tractations intenses entre l’équipe des avocats d’Assange et le ministère de la justice des États-Unis, un accord a finalement été trouvé.

Ayant reconnu sa culpabilité dans le cadre d’une conspiration visant à obtenir et diffuser des informations de la Défense nationale, Assange a été condamné à une peine de prison qu’il a déjà purgée. Aujourd’hui, c’est un homme libre qui vit avec sa famille dans son pays, l’Australie.

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Transcription complète de la vidéo : Nos dernières nouvelles sur le cas Assange

La transcription est susceptible de ne pas rendre compte au mot près du contenu original de l’entretien du fait soit de la qualité du son soit d’autres facteurs.

Taylor Hudak (TH) : Bonjour à tous, bonjour à toutes, je suis la journaliste Taylor Hudak, et j’ai des informations toutes fraiches sur l’affaire Julian Assange. Après un procès qui a duré près de quinze ans, Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, est aujourd’hui un homme libre dans son pays, l’Australie. Après des mois de tractations intenses entre l’équipe d’avocats de Julian Assange et le ministre de la justice des États-Unis, un accord a finalement été trouvé, ce qui représente un véritable précédent pour la liberté de la presse.

Journaliste : Excuse-moi, Jérémy, je suis obligé de t’interrompre. Nous avons à l’instant une retransmission en direct de Julian, à sa descente d’avion. Oh c’est un… il prend l’escalier roulant.

TH : Ce lundi 24 juin, Julian Assange, qui était incarcéré à la prison de Belmarsh, vient d’être mis en liberté conditionnelle contre une caution financière ; il s’est envolé pour les îles Mariannes du Nord, plus précisément pour Saipan, où il va reconnaître sa culpabilité dans une accusation de conspiration. Les îles Marianne sont un groupe d’îles rattaché au territoire des États-Unis, situé dans le Pacifique ouest, et Saipan est la plus grande île de la région. En vertu d’une décision judiciaire signée par le juge britannique Jeremy Johnson, Assange a quitté le territoire national le 24 juin vers 18h30. C’est à cette heure-ci qu’il a pris un avion qui l’a emmené à Saipan, à plus de 20heures de vol de Londres. Il était accompagné par des membres de son équipe d’avocats, entre autres Jennifer Robinson et Barry Pollack ainsi que de l’ambassadeur australien pour les États-Unis, Kevin Rudd. Assange a atterri le matin du mercredi 26 juin à Saipan. A son arrivée au tribunal, il a été salué par la presse et les représentants des médias au moment où il se présentait devant la juge Ramona V. Manglona, au tribunal.

Journaliste : M. Assange, un commentaire ? Journaliste : Julian comment allez-vous ?

Journaliste : M. Assange, un commentaire pour vos soutiens ici ?

TH : Lors de l’audition, Assange a reconnu sa culpabilité sur le premier chef d’accusation qui, dans l’accord, est rédigé comme suit : « conspiration pour s’être approprié des documents, des écrits et des notes en lien avec la Défense nationale et avoir transmis délibérément des documents en lien avec la Défense nationale à des personnes habilitées ou non à détenir ces documents, selon le titre 18 du Code des États-Unis, § 793(g). Au cours de l’audition, la juge Manglona a expliqué à Assange le déroulé du procès et l’accord de règlement. Après avoir donné lecture de l’acte d’accusation, la juge demanda à Assange ce qu’il avait fait qui allait remplir les éléments constitutifs de l’acte d’accusation. Il répondit en ces termes :

Julian Assange (JA) : Dans mon travail de journaliste, j’encourageais mes sources à me fournir des informations supposées être classifiées comme documents confidentiels ; je voulais publier ces informations. Je pensais que le premier amendement de la Constitution protégeait cette activité mais j’accepte que cela constitue une infraction à la loi sur l’espionnage.

La juge Manglona : Vous aviez donc des avis sur la question ; mais vous savez aussi ce que la loi prescrit en réalité ?

Julian Assange : Je crois que le premier amendement de la Constitution et la loi sur l’espionnage se contredisent. Mais je reconnais que dans un tel cas, il serait difficile de gagner dans les circonstances actuelles

TH : Vers la fin de l’audition, la juge Manglona se tourna vers Assange et le condamna à une peine de prison.

La juge Manglona : Monsieur Assange, vous comparaissez devant moi pour être condamné dans cette affaire pénale ; comme je l’ai exposé, parmi les facteurs qui permettent de fixer la peine compte tenu de la valeur indicative et de l’accord, je voudrais porter à votre connaissance ces quelques points suivants.

Les aspects de temporalité sont importants, voici ce que je voudrais vous dire : si ces faits avaient été portés à ma connaissance autour de 2012, sans que je sache que vous aviez effectivement déjà purgé une peine de prison qui, en fonction de ce dont nous avons déjà parlé, équivaut au minimum à cinq ans, et ce, dans l’un des établissements les plus durs du Royaume-Uni – on pourrait dire qu’elle correspond éventuellement au Bureau fédéral des prison, un quartier de haute sécurité, c’est un fait important.

Autre fait, et pas des moindres, le gouvernement a mentionné que, dans le cas présent, il n’y a pas de victime. Ce qui me laisse penser que je peux partir du fait que la diffusion de ces informations, dans ce cas précis, n’a entraîné aucune blessure corporelle connue…

Je vous condamne à une peine de prison, que vous avez purgée. En supposant que vous remplissez effectivement toutes les conditions et qu’il n’y a pas d’infraction à l’accord, d’après moi, votre affaire, ici, à Saipan, serait close.

TH : Immédiatement, la juge déclara Julian Assange libre et demanda le retour au calme.

La juge Manglona : Avec ce jugement, il semble que vous allez pouvoir quitter ce tribunal en homme libre. J’espère que vous allez pouvoir retrouver un peu de paix, Monsieur Assange. Manifestement, c’est un joyeux anniversaire, pour vous, juste un peu précoce : pour autant que je sache, votre anniversaire tombe la semaine prochaine.

Julian Assange : C’est exact, Votre Honneur.

La juge Manglona : C’est vraisemblablement le premier que vous allez fêter en-dehors de la prison et sans la moindre restriction. J’espère que vous allez recommencer votre nouvelle vie dans ce sens positif.

Julian Assange : Merci.

La juge Manglona : Je vous souhaite beaucoup de bonheur ! Je vous remercie. La séance est levée.

Julian Assange : Merci, Votre Honneur.

TH : Conformément à l’accord conclu, Assange ne sera pas poursuivi en justice pour ce qu’il a publié avant la conclusion de l’accord. Il est important de rappeler que, avant l’audition d’Assange, l’accord exigeait de prendre toute mesure pour retrouver toute information non publiée qui se trouverait encore en sa possession, ou entre les mains de WikiLeaks ou de toute organisation proche de celle-ci et les rapporter aux États-Unis ou les détruire.

Barry Pollack : Ces poursuites judiciaires contre Julian Assange, c’est du jamais-vu dans l’histoire de la loi sur l’espionnage, qui a un siècle. Jamais les États -Unis n’en ont jamais fait usage, que ce soit pour poursuivre un éditeur ou un journaliste comme monsieur Assange. Et dans son combat pour la liberté d’expression, pour la liberté de la presse et pour s’assurer que l’opinion publique américaine et la communauté internationale obtiennent des informations conformes à la vérité, il a énormément souffert. Nous sommes intimement convaincus que Monsieur Assange n’aurait jamais dû être inculpé au titre de l’Espionage Act et nous exprimons notre reconnaissance à ces journalistes qui reprennent chaque jour ce flambeau. Il est temps de mettre un terme à ce combat, il est temps que la juge, comme elle l’a fait aujourd’hui, en vienne à la conclusion qu’il ne serait ni juste, ni approprié de prolonger la détention de M. Assange et qu’il retrouve sa famille.

TH : Peu après l’audition et après une brève conférence de presse tenue à Saipan, Assange a été transféré vers Canberra, en Australie, son ultime destination. Sur place, il a été accueilli chaleureusement par ses soutiens, sa femme Stella et sa famille.

Journaliste : C’est un grand moment. Il serre les poings… c’est un moment historique auquel il nous est donné d’assister ensemble. Oh mon Dieu, il est difficile dans ces moments de ne pas être ému !

TH : Depuis des années, nous avons mis en garde sur la menace sérieuse que cette affaire représentait dans le monde entier pour la liberté de la presse et sur le fait qu’elle contrevenait au premier amendement à la Constitution des États-Unis. Cela n’a pas changé depuis. Julian Assange a bel et bien dû reconnaître sa culpabilité sur le fait qu’il avait conspiré pour récupérer et diffuser des informations liées à la défense du pays. En d’autres termes : il a dû se reconnaître coupable de pratiquer le journalisme et il a été puni pour cette raison.

Jennifer Robinson: Le journaliste australien multiprimé, nominé pour le prix Nobel de la paix pour ses publications, a passé plus de cinq ans dans une prison de haute sécurité parce que les États-Unis avaient demandé son extradition. Pour recouvrer sa liberté, Julian a reconnu qu’il était coupable d’avoir publié dans le monde entier des preuves de crimes de guerre commis par les USA, d’atteinte aux droits de l’homme et d’injustice américaine. C’est cela, le journalisme. C’est cela, la criminalisation du journalisme.

TH : Il faut insister sur le fait que l’accord en lui-même ne représente en aucune manière un précédent juridique, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une décision judiciaire. Alors que l’accusation en elle-même, oui. Et pourtant, cette menace sur le journalisme a toujours été présente depuis le jour où le ministère de la justice américaine a déposé sa plainte. D’après les données de l’avocate d’Assange, Jennifer Robinson, son équipe d’avocats avait essayé depuis un certain temps déjà de négocier un accord avec le ministère de la justice américain, sans obtenir la moindre réponse. Après la visite de Kevin Rudd, l’ambassadeur australien, aux États-Unis, les choses ont évolué à Washington. D’après Robinson, les négociations s’étaient déroulées sur plusieurs mois et avaient fini par trouver une issue le dernier mois. À peu près au même moment, deux juges de la Cour suprême du Royaume-Uni ont autorisé Assange à porter plainte pour avoir été lésé lors d’un procès aux États-Unis en raison de sa nationalité. On pouvait craindre qu’Assange ne bénéficie pas de la protection offerte par le premier amendement de la Constitution des États-Unis dans la mesure où il était un citoyen australien et non américain.

Rebecca Vincent : Et ça a été une lutte difficile. Il n’était absolument pas sûr que nous réussissions d’une manière ou d’une autre à obtenir son retour. Il s’agit donc probablement d’une des affaires les plus complexes sur lesquels il m’ait été donné de travailler au cours des dix-huit années que j’ai passées à travailler sur les droits de l’Homme. Cette affaire a véritablement mis à l’épreuve les limites de notre démocratie ; elle a questionné la nature du journalisme et les valeurs qui nous tiennent à cœur, à nous tous : la liberté de l’information, la liberté d’opinion, le droit à la publicité de l’information.

TH : Aujourd’hui, beaucoup de gens sont curieux de savoir ce que va faire Julian Assange. Va-t-il reprendre son travail avec WikiLeaks ? Et si oui, quand ? Ou bien va-t-il suivre un autre chemin dans cette nouvelle phase de sa vie ? Stella, sa femme, a dit qu’il continuerait à s’investir pour les droits de l’homme et la justice. Mais aujourd’hui, ce dont il faut qu’il se préoccupe prioritairement, c’est de récupérer, de s’occuper de sa santé et de retrouver l’habitude de vivre comme un homme libre.

Stella Assange : Julian arrive d’un vol de 72 heures en avion, un long vol vers la liberté après plus de cinq ans d’incarcération dans une prison de haute sécurité, précédée de sept ans d’incarcération arbitraire à l’ambassade équatorienne, sans compter l’année et demie de maison d’arrêt. C’est la première fois aujourd’hui, depuis quatorze ans, qu’il peut jouir de sa liberté. Il a besoin de temps pour se reposer et se remettre. Il redécouvre petit à petit la vie des gens normaux, et pour cela il a besoin de prendre du recul.

TH : Après cinq ans de procédures d’extradition et près de quinze ans d’insécurité juridique, la procédure des États-Unis contre Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, a officiellement pris fin. Julian Assange est maintenant un homme libre dans son pays. et il ne sera plus jamais poursuivi pénalement. La libération d’Assange a été rendue possible par une mobilisation commune d’activistes, de journalistes, d’avocats, de militants, de négociateurs en coulisses et par tous ceux d’entre vous qui ont fait des recherches actives pour obtenir des informations véridiques sur cette affaire et mis leurs connaissances à profit pour obtenir quoi que ce soit. Je voudrais remercier tous ceux qui, ces dernières années, ont suivi nos actualités sur l’affaire Julian Assange. Ce fut, toutes ces dernières années, une grande responsabilité et en même temps un honneur de vous tenir informé de cette affaire emblématique de la liberté de la presse, et j’apprécie largement que vous m’ayez soutenu, vous et acTVism Munich, dans nos reportages Sur ce, je voudrais vous remercier tous et toutes une dernière fois d’avoir regardé ces dernières informations sur l’affaire Julian Assange. Je suis la journaliste Taylor Hudak. Continuez, je vous en prie, à chercher activement la vérité. Faites attention à vous.

 

Traduit de l’allemand par Didier Avat

L’article original est accessible ici