« Si vous utilisez cette calculatrice, vous aurez l’air stupide. » C’est une phrase que j’ai entendue de la bouche d’un de mes professeurs à l’école d’ingénieurs de l’université du Chili. Son utilisation était interdite.

Qui aurait imaginé que quelques années plus tard, un appareil numérique tel qu’un téléphone portable, une tablette, un ordinateur portable ou une montre intelligente pourrait avoir une capacité opérationnelle et des fonctionnalités supérieures à celles de l’ordinateur qui occupait tout le sous-sol du bâtiment central et qui faisait la fierté de notre faculté ?

Les progrès technologiques ont toujours suscité l’inquiétude et les réticences de ceux qui voient leur mode de vie, leurs pratiques professionnelles et leurs méthodes de travail menacés. Cela a toujours été le dilemme de l’humanité au cours de l’histoire. Les conservateurs qui défendent le statu quo et les pionniers qui ouvrent la voie à l’adoption de nouvelles technologies.

Aujourd’hui, c’est au tour des téléphones portables de se retrouver sur le banc des accusés, confrontés au dilemme de l’interdiction ou de l’autorisation de leur utilisation par les élèves dans les établissements d’enseignement.

Il est toujours plus facile d’interdire que d’éduquer. La question n’est pas le téléphone portable, mais l’intérêt supérieur de l’enfant ou du jeune, ce qui implique de repenser les pratiques pédagogiques. Dans notre système éducatif, le téléphone portable est plus attrayant, plus stimulant et plus utile qu’un professeur enseignant une matière qui est bien mieux expliquée et apprise grâce à des millions de vidéos sur YouTube.

Il y a quelques jours, nous étudiions le théorème de Pythagore avec l’un de mes petits-enfants et nous avons trouvé une vidéo qui l’expliquait bien mieux que je ne pourrais le faire, même si j’ai une formation en mathématiques.

Le système doit repenser les pratiques pédagogiques. Les capacités et la multifonctionnalité d’une tablette sont incommensurables. Non seulement en termes d’enseignement et d’apprentissage, mais aussi en termes de travail d’équipe, de communication entre pairs, d’esprit critique, de curiosité et de créativité.

Doivent-ils rester tels qu’ils sont aujourd’hui, où chacun fait ce qu’il veut, ou devons-nous chercher à promouvoir une pratique informelle de socialisation ? Nous devons être conscients que les réseaux sociaux génèrent une dépendance et isolent leurs utilisateurs, mais les interdire sans offrir de soutien et d’alternatives devient une pratique punitive et non pédagogique.

La fondation Semilla démontre qu’il est possible de développer du matériel éducatif sur des plateformes numériques. Dans le cadre de nos compétences, nous venons de lancer une nouvelle application « Décide d’agir » qui vise à prévenir la violence sexiste en milieu scolaire.

Nous ne soutenons pas l’utilisation libre et indiscriminée des téléphones portables dans les établissements d’enseignement ; il devrait y avoir des régulations et des recommandations pédagogiques. Nous proposons une approche intégrale et segmentée par âge. Mais surtout, les enseignants doivent être prêts à exercer un rôle de guide auprès de leurs élèves.

Il y a des siècles, c’était la machine à imprimer qui menaçait les détenteurs du savoir, il y a un demi-siècle, la calculatrice faisait irruption dans les salles de classe, aujourd’hui ce sont les téléphones portables et les appareils numériques, demain ce sera autre chose. Il y aura toujours une technologie sur le banc des accusés. Il ne s’agit pas de juger la technologie, mais de faire passer l’intérêt des élèves en premier.