A l’annonce des résultats du premier tour des élections législatives en France ce dimanche 30 juin 2024, je sens tout mon être entrer en déchirement. Il y a, à l’échelle nationale, les prises de parole fanfaronnantes d’un Eric Ciotti [N.D.E. : dissident des Républicains parti historique de droite, il est parti vers le RN], qui annonce une victoire historique pour le Rassemblement National (RN, parti d’extrême droite), et s’en vante tant que cela ferait presque vomir. Il y a les résultats de la circonscription 3 de Paris dans le 17e arrondissement où je milite, qui tombent d’un bureau de vote à l’autre et chauffent notre cœur avec des pourcentages doubles pour la candidate du Nouveau Front Populaire NFP (rassemblement de la gauche) Léa Balage (Europe Écologie Les Verts ELLV) face à un ministre de la majorité présidentielle, Stanilas Guérini dont les scores se réduisent à mesure comme peau de chagrin.
Je sens mon cœur entrer en explosion. L’horreur, la détresse, la colère de voir la France se brunir à grands pas où jouxte l’allégresse folle de voir notre circonscription si près de devenir un lieu de justice sociale et de solidarité. Mon cœur fait des ratées, entre en dépression, décélère trop, et juste après rebondit, accélère comme jamais à l’annonce des 42% du Nouveau Front Populaire NFP (rassemblement de la gauche) en circonscription 3, qui distance de près de 10% le candidat macroniste. En 2022, nous n’étions qu’à 38% et Guérini nous talonnait. En 2022, il a finalement gagné avec quelques 700 voix d’avance. Cette fois, nous allons le clouer au poteau. Dans la circonscription 4, qui se trouve aussi dans le 17e arrondissement, la candidate Place Publique investie par le Nouveau Front Populaire NFP (rassemblement de la gauche) se hisse incroyablement au 2e tour avec plus de 17%, en troisième position derrière la candidate macroniste et le candidat LR (les Républicains parti historique de droite). Là aussi, mon cœur bondit, c’est une victoire historique pour la jeune avocate de 24 ans Théa Fourdinier, qui confirme remarquablement mon score de 13,27% en 2022 dans cette même circonscription.
Bref, dans le 17e arrondissement de Paris, comme dans tant d’autres circonscriptions en France, nous avons le cœur déchiré. Des Clémentine Autain, largement élue dès le premier tour en Seine Saint Denis, des Olivier Faure, de même, élu député dès hier soir, et nombre de député.e.s Nouveau Front Populaire NFP (plus de trente…), notamment Manuel Bombard, Daniéle Obono, Mathilde Panot et bien d’autres, cela me fait chaud au cœur. Au même moment, les résultats des 37 candidat.e.s RN (Rassemblement Nationale, parti d’extrême droite) élus également dès ce premier tour me mettent quasiment en arrêt cardiaque. Mon cœur hoquette et ne parvient plus à trouver son rythme. Je manque d’air.
Je suis pétrifiée et en même temps jubilante. Je suis comme nombre de français.e.s gagnée par une dissociation intérieure. Cette dissociation est à l’image de la France, qui nous montre dans sa carte l’immense marée brune du RN (Rassemblement Nationale, parti d’extrême droite), et les ilots encore épargnés de la montée du Nouveau Front Populaire (rassemblement de la gauche), dont Paris et quelques grandes métropoles et certains pôles de l’ouest et du sud-ouest. Je me dis : la croissance des valeurs démocratiques à Paris ne nous trompe-t-elle pas ? Que vivent tous ces gens qui dans les campagnes, ou en province, ont voté pour le Rassemblement National ? Je me sens soudain abstraite, séparée d’eux : comment les rejoindre ?
Comment rejoindre leur sidération identitaire, qui les a portés à adopter l’idéologie de la haine des étrangers, dans une sorte de mouvement viscéral inargumentable ? Comment les convaincre au-delà des mots de la beauté de la justice sociale et de l’importance de l’entraide ?
J’ai le cœur déchiré, et je ne suis même plus surprise : c’est mauvais signe. Quand la surprise s’absente. Comment se ressaisir, pour réactiver avec elle un levier qui soit force de changement, envers et contre tout.