Ce mercredi 12 juin 2024, le Sénat argentin se réunira pour débattre et voter pour ou contre un ensemble de mesures qui impliqueraient le démantèlement de l’État dans un ensemble de dimensions et d’attributs qui réduirait sa capacité souveraine pendant 30 ans, compromettant le présent et l’avenir du pays. Une mobilisation massive de larges secteurs opposés à l’approbation du projet de loi est attendue à l’extérieur du Congrès.
Il est impossible de résumer en quelques lignes tout ce qui s’est passé au cours des six mois d’existence du nouveau gouvernement, mais conformément à ses idées, ce gouvernement a supprimé des ministères (structure et fonctions du gouvernement), dévalué la monnaie de plus de 100 %, cessé d’envoyer de véritables ressources aux provinces, éliminé les travaux publics en cours et réduit le fonds pour le paiement des enseignants; 65 % d’inflation ont été accumulés et près de 100 000 emplois déclarés ont été perdus.
La pauvreté atteint déjà 55,5 % et l’indigence 17,5 % (près de 8 millions de personnes). On observe la réduction des revenus et la quasi-élimination des programmes de fourniture de médicaments aux retraités. Le gouvernement refuse d’homologuer les accords de négociations salariales avec les augmentations de salaires définies entre les parties et n’a pas livré près de 5 millions de tonnes d’aliments (achetées par le gouvernement précédent) à distribuer aux soupes populaires qui nourrissent près de 10 millions de personnes par jour.
Après 15 jours de mandat, il a publié un décret de « nécessité et d’urgence »[i] de 366 articles qui propose des modifications substantielles de la Constitution nationale, décret qui reste à ce jour en vigueur, bien que l’une des chambres l’ait déjà rejeté. Dans l’intention de fournir un cadre juridique à ce décret (qui pourrait être annulé), le gouvernement a envoyé ce qui est appelé la « Ley Bases » [loi Bases] [ii] au Congrès national. Celle-ci a été approuvée par la Chambre des députés et c’est maintenant au tour de la Chambre haute de décider.
Si cette loi est approuvée, nous pouvons affirmer que la République Argentine cessera d’être un pays souverain.
Dans un bref résumé de ses plus de 200 articles, la loi fondamentale propose :
- D’accorder au président des pouvoirs délégués (le parlement délègue des décisions au président sans exiger de débat et d’approbation de sa part), de réformer l’État avec pour orientation principale de :
- Réduction du personnel technique,
- Fermeture ou réduction des effectifs de diverses agences de réglementation, de recherche et de développement, d’impact communautaire et d’aide sociale, désinvestissement dans l’éducation et la santé, etc.
- Privatisation des entreprises publiques,
- Modification de la loi de procédure administrative (fonctionnement de l’État) éliminant pratiquement tous les contrôles et réglementations,
- Permettre l’exportation totale de la production d’hydrocarbures sans tenir compte de la demande intérieure d’autosuffisance et supprimer les subventions à la consommation d’énergie pour l’ensemble de la population et des ménages. Concessions d’exploitation pour 30 ans,
- Réforme du travail, réduction des droits, suppression des amendes et des pénalités pour non-paiement aux systèmes de sécurité sociale, allongement de la durée de la « période d’essai » (pour un emploi),
- Le régime d’incitation aux grands investissements (RIGI) qui les exonère des impôts, permet la sortie des bénéfices, favorise les incitations fiscales, douanières et de change et la stabilité à long terme. Dans le même temps, il n’oblige pas à acheter ou à sous-traiter la production et la main-d’œuvre nationales pour des périodes de 30 ans. Le CIRDI et d’autres juridictions sont définis comme des domaines possibles de résolution judiciaire.
- Système de retraite : élimination de toute forme de moratoire pour ceux qui n’ont pas versé les cotisations indiquées. En même temps, les moratoires sont autorisés pour les dettes patronales de sécurité sociale.
La ligne idéologique du gouvernement, définie comme anarcho-capitalisme, se concrétiserait avec l’approbation de cette loi, désarmant les pouvoirs de contrôle et de régulation de l’État, permettant aux grandes entreprises et aux investissements de s’approprier les ressources nationales sans avoir à garantir les besoins locaux et démantelant le tissu social et les droits qui ont été conquis.
[i] https://www.argentina.gob.ar/normativa/nacional/decreto-70-2023-395521/texto
[ii] https://www.senado.gob.ar/prensa/21731/noticias
Traduction, Evelyn Tischer