La solidarité internationale et la paix sont mises à mal au Québec par les médias, en particulier Radio-Canada et Le Devoir qui ont substitué à leur devoir d’informer, une propagande guerrière pro-OTAN sur l’Ukraine, Israël et l’Arabie saoudite profitant de nos quinze milliards de $ de blindés. Les universités ne font hélas pas exception, bastions du conservatisme comme le disait Pierre Bourdieu, me rappelait récemment Nicolas Merveille, professeur à l’UQAM en responsabilité sociale et environnementale.
Il existe heureusement un bouquin, Le Québec et la guerre en Ukraine dont le sous-titre coiffe mon article, pour nous offrir une information digne de ce nom, étayée par d’essentielles notes historiques et par une remarquable préface de huit pages de Gilles Gagné, professeur associé de sociologie à l’Université Laval et membre du Groupe interuniversitaire d’étude de la postmodernité qui publie les Cahiers Société.
Ses deux cent vingt pages foisonnent de références incontournables, tels Jeffrey Sachs, conseiller de trois Secrétaires généraux de l’ONU et professeur à l’université Columbia, John Mearsheimer de l’Université de Chicago et bien sûr Noam Chomsky, unanimes à nous avertir de la perversité des pays de l’OTAN réduisant les jeunes ukrainiens en chair à canons russes, une vérité écartée par les médias qui misent encore sur Zelensky(1) par peur de contrecarrer les politiques infâmes de ventes d’armes des Biden et Trudeau.
Armés d’informations multiples, les professeurs de l’Université de Montréal Samir Saul et Michel Seymour, avec leur revue de l’année 2023 sur Pressenza.com, ont remis efficacement les pendules à l’heure, mais leurs collègues les frères Philpot, ainsi que l’ensemble des contestataires canadiens – the Breach, the Bullet, Rabble, TASC, Yves Engler, Martin Lukacs, Cuccioletta, World beyond War, etc. – se refusent à critiquer les Russes (et même le Hamas terroriste), un choix justifiable par le fait que les médias le font à satiété : cette facilité pour faire triompher leurs arguments me semble contreproductive pour convaincre le NPD et le Parti Vert de la nécessité, pour la paix, que le Canada tourne le dos à l’OTAN en appuyant le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires.
Loin d’éliminer l’invasion russe de la réalité guerrière ukrainienne, Pierre Dubuc livre un recueil équilibrant « des sources vérifiées et pondérées les unes par les autres et mises au service d’une description du contexte général qui donne son sens à cette guerre en trompe-l’œil », écrit Gagné. S’il puise chez Jocelyn Coulon et d’autres des accusations d’influences néonazies chez la vice-première ministre Chrystia Freeland (ne devrait-elle pas rejoindre Poilièvre?), Dubuc préfère la juger sobrement sur ses actes, sa déplorable « économie de guerre » néolibérale, qui met à mal nos pauvres, mal ou non logés, privés d’éducation et à la santé ébranlée.
Quant aux tentatives idéalistes des Artistes pour la Paix de créer un front des femmes ministres fédérales du Québec contre la guerre (2), Dubuc les croit aussi illusoires que celles de Gorbatchev – en lesquelles Pierre Elliott Trudeau et moi croyions naïvement -, alors que la population russe y perçut un affaiblissement national proche d’une trahison et préféra ensuite Poutine, ce qui est raconté avec documentation convaincante à l’appui.
S’il se méfie sagement « des nostalgiques qui continuent à peindre aux couleurs du socialisme la Russie et la Chine » malgré leurs richissimes oligarques, l’humble Québécois, prolétaire par vocation, exalte avec lyrisme « l’extraordinaire mobilisation qui a vu, à trois reprises, plus de 200 000 personnes, de toutes origines ethniques, descendre dans les rues montréalaises pour s’opposer à la participation du Canada à la guerre en Irak ».
Mais loin de constater la trahison des médias qui empêcherait toute réédition d’un tel mouvement de masse pacifiste, il y voit encore – est-ce pas pécher par naïveté à son tour ? – la possibilité d’une majorité à un référendum gagnant. Membre du Parti Québécois et proche du Bloc, Dubuc pourrait se rapprocher de Québec Solidaire afin d’organiser un congrès trans-partisan examinant l’orientation pacifiste d’un Québec indépendant. Elle tiendrait d’abord réalistement compte d’un Donald Trump susceptible de reprendre le pouvoir avec des tendances dictatoriales menaçant un Québec séparé, proie facile pour ses appétits d’ogre en eau et en énergie hydroélectrique. Avant-gardiste par son écologisme militant anti-nucléaire, notre état aurait ensuite pour tâche de consolider la solidarité mondiale contre le réchauffement climatique, par exemple à la COP30 au Brésil, plutôt que risquer de se sacrifier en combat solitaire contre les forces armées réactionnaires.
C’est vraiment le seul bémol apporté par les Artistes pour la Paix à ce livre de paix si nécessaire, dont la dédicace nous honore : procurez-le-vous, illico, aux Éditions du Renouveau Québécois (3), avant que le glas ne sonne fin février deux années révolues d’une guerre absurdement fratricide condamnée par l’ONU, encore à court de solution.
Pierre Jasmin
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Source:
1: https://gordonhahn.com/2023/12/11/sad-clown-with-the-circus-closed-down-zelenskiys-demise/
2: https://www.pressegauche.org/Signes-prometteurs-de-paix
3: www.lautjournal.info