Ce 9 novembre à 11 heures, à la Haye, sera présentée devant la Cour Pénale Internationale une plainte pour génocide et autres crimes (art.15.1) concernant en particulier la Palestine. L’inspiration de fond est « la justice est la réponse à la violence ». L’initiative a été prise par un groupe international d’avocats coordonné par Maître Gilles Devers (Lyon).
Par Riccardo Petrella, Agora des habitants de la Terre
Plusieurs associations, dont l’Agora des habitants de la Terre se sont portées partie en tant que témoins. On sait bien que, dans le contexte actuel, le recours à des instances juridiques internationales n’a pas le poids qu’il devrait leur revenir. D’ailleurs, parmi les Etats dont la responsabilité est grande dans le cas en question, les Etats-Unis et Israël n’ont pas reconnu la légitimité de la Cour Pénale Internationale CPI et empêchent l’éventuelle entrée d’inspecteurs de la Cour dans leur territoire ! En outre, les Nations Unies ont voté plusieurs motions pour un appel au cessez-le-feu, mais les États-Unis ont mis leur veto et les ont bloquées.
Malgré cela, la présentation de la plainte est de grande importance car il s’agit de défendre bec et ongles le droit, le droit international, les droits des peuples ! Il faut affirmer la primauté du droit, de la justice, sur toute autre urgence ou « impératif » de nature opportuniste et utilitaire politique, économique, culturelle, technologique et religieuse.
Nos sociétés sont (re)devenues très violentes contre la vie car elles ont fait de la violence l’une des modalités légitimée de leur comportement. Pensons à la destruction de la nature (l’écocide) sur l’autel de la croissance économique et de l’enrichissement des riches. Pensons à la violence dans les stades et dans d’autres domaines, politiques aussi. On ne doit pas se taire devant la barbarie de celles et ceux des dirigeants qui dans le cas de la guerre en Ukraine ont prêché et prêchent, avec le consentement de leurs populations « la guerre jusqu’à la victoire ».
On ne doit pas se taire lorsque, comme le rappellent les promoteurs de la plainte :
« En juin 1967, Israël a conduit une opération militaire l’amenant à prendre la maitrise de tout le territoire de l’ancienne Palestine sous mandat, sous le régime de l’occupation militaire pour la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est. Israël a annexé la partie Est du territoire de Jérusalem et 38 communes avoisinantes, en violant le principe de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force armée (…) Depuis 1967, à ce jour, Israël conserve le statut de puissance militaire occupante sur l’ensemble du territoire palestinien occupé, dont Gaza. L’ONU a toujours dénoncé le caractère illégal de ses colonies, mais aucune mesure n’a été prise ni pour les colonies, ni pour Jérusalem(…) En 2008, 2012, 2014 et 2021, Israël a lancé des opérations militaires causant d’importantes pertes humaines et destructions. Ces actions ont été bien documentées par l’ONU, mais malgré maints efforts, aucune procédure juridictionnelle n’a été engagée ».
Est-ce possible que la communauté internationale persévère dans le non-respect du droit international et des résolutions de l’ONU ? Comment prétendre que nos sociétés soient considérées encore comme des « Etats de droit ?
Il faut s’insurger au nom de l’humanité contre les déclarations citées dans la plainte en tant qu’éléments factuels de l’argumentaire que voici :
Le 9 octobre 2023, le ministre de la Défense Yoav Gallant a ordonné le siège complet de la bande de Gaza : « There will be no electricity, no food, no fuel, everything is closed. We are fighting human animals and we act accordingly ». Il a menacé de « to bomb those attempting to provide aid to the Gaza Strip » Le général réserviste Giora Eiland a écrit dans Yedioth Ahronoth : « Creating a severe humanitarian crisis in Gaza is a necessary means to achieve the goal. Gaza will become a place where no human being can exist ». Selon le ministre de l’énergie Israel Katz : « All the civilian population in Gaza is ordered to leave immediately. We will win. They will not receive a drop of water or a single battery until they leave the world ».
Le secrétaire général de l’ONU a entièrement raison lorsque le 13 octobre a réaffirmé que « le droit international humanitaire n’est pas un menu à la carte à appliquer de manière sélective. Toutes les parties doivent le respecter, y compris les principes de précaution, de proportionnalité et de distinction. »
La justice est la seule réponse à la violence. Les actions en cours contribuent lourdement à la déconstruction de l’humanité et nous sommes déjà dans l’abîme. C’est criminel de ne pas écouter et suivre les cris dramatiques pour cesser les massacres. On ne doit pas proposer des solutions réalistes pour que le cessez-le-feu puisse être approuvé. Le chemin de la recherche de solutions ne peut commencer par le cessez-le-feu. La plainte présentée par les avocats est un éloge de la justice.