Tribune co-signée par 70 parlementaires et portée par M. Jean-Paul Lecoq (député), M. Benarroche Guy et M. Gontard Guillaume (sénateurs), M. Mounir Satouri (eurodéputé).

Face à une situation mondiale où le risque nucléaire s’accroît, il est nécessaire monsieur le président de se hisser à la hauteur du risque. La participation de la France comme État observateur à la Seconde réunion du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), est essentielle au multilatéralisme que vous prônez. Il est urgent de redonner à la France son rôle progressiste. En n’accomplissant pas ce geste diplomatique, vous y nuisez.

Depuis l’adoption le 7 juillet 2017 de cette nouvelle norme de droit international qu’est le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), la France n’a cessé d’émettre à son égard de vives critiques. Des communications réalisées en partie avec nos alliés britanniques et américains, mais aussi avec la Chine et la Russie (en 2018, en 2019, en 2020) vers qui sont pointées nos armes nucléaires.

Malgré vos actions pour bloquer la bonne marche du premier traité de désarmement multilatéral de ce siècle, le nombre d’États favorables ne cesse d’augmenter. 93 États l’ont signé, 69 en sont parties, dont des membres de l’Union européenne (Autriche, Malte, Irlande) ou encore des partenaires de l’OTAN à l’image de la Colombie, du Kazakhstan et de la Mongolie. Mieux, des pays qui avaient fermé totalement la porte au TIAN, et qui soutiennent la politique de dissuasion nucléaire, ont fait preuve d’ouverture d’esprit. Ainsi l’Australie, l’Allemagne, la Belgique, la Finlande, la Norvège et les Pays-Bas ont participé à la première réunion du TIAN (ONU, Vienne, 22/24 juin 2022) et d’ores et déjà l’Australie, la Norvège ou l’Allemagne ont annoncé leur participation à la seconde réunion qui se tiendra, du 27 novembre au 1er décembre, au siège des Nations Unies. L’Allemagne a même, dans sa « Stratégie de sécurité nationale » (juin 2023), souligné sa volonté de « créer les conditions préalables à des mesures de désarmement notamment dans le cadre du traité de non-prolifération, mais aussi dans le cadre d’un dialogue avec les signataires du traité sur l’interdiction des armes nucléaires. »

Certes, rien ne laisse penser à ce stade que ces États vont ratifier le TIAN dans le court terme, mais ils sont réalistes. Ils reconnaissent l’existence de ce traité des Nations Unies et comprennent qu’il n’est pas possible d’ignorer une écrasante majorité des États – la majorité du monde – avec qui en même temps, ils nourrissent des relations diplomatiques fortes pour une plus grande stabilité mondiale. À ce titre, c’est aussi le réalisme qui a engagé 171 États (dont 28 des 31 membres de l’OTAN) à voter en faveur d’une résolution de la Première commission de l’ONU (27 octobre) « Traiter sur l’héritage des armes nucléaires : Fournir une assistance aux victimes et des mesures d’assainissement de l’environnement aux États membres touchés par l’utilisation ou l’essai d’armes nucléaires ». Cette résolution rassemble les États et non les divise, alors même que ce texte s’appuie sur le TIAN et ne crée pas de hiérarchie avec les autres traités indiqués. La résolution rappelle également que les parties au Traité de non-prolifération nucléaire – comme la France – ont exprimé, lors de sa 8e Conférence d’examen, « être profondément préoccupée par les conséquences humanitaires catastrophiques de tout recours aux armes nucléaires ».

La France – et nous le dénonçons – s’est opposée à cette résolution, aux côtés des Britanniques, mais aussi de la Russie et de la Corée du Nord. « Le multilatéralisme n’est pas seulement un acte de foi, c’est une nécessité opérationnelle » avez-vous indiqué à l’ONU, le 14 septembre 2021 ; nous vous engageons à appliquer votre maxime. Il est inconvenable que la France ne se tienne pas au côté de ceux qui ont conscience de ce sujet, et préfère s’associer à des régimes dictatoriaux et assombrir une relation avec des partenaires de zones géopolitiques clés plutôt que de soutenir cette résolution. . En refusant de voter positivement ou a minima de s’abstenir (comme l’on fait toutes les autres puissances nucléaires), la France voit sa crédibilité être remise en cause. Comment défendre le TNP, alors même qu’elle récuse par ce vote des éléments majeurs de celui-ci ? Comment créer une relation plus forte avec l’Algérie — comme avec les Polynésiens — tout en niant, au niveau international, ce sujet des victimes des essais nucléaires ?

Cessez d’isoler la France. Prenez enfin la mesure qui s’impose pour la crédibilité de la France en indiquant qu’elle sera présente comme État observateur afin de participer à ce mouvement diplomatique historique. Il est aujourd’hui intenable que la France refuse de rejoindre la majorité de la communauté internationale sur ce sujet, dans ses heures où sombre le monde vers toujours plus d’instabilité et de risques de conflits généralisés.

La volonté diplomatique de la France devrait la conduire à occuper ce siège, laissé jusqu’à présent vide, et ainsi de montrer aux États qui soutiennent le TIAN, sa préoccupation d’État nucléaire dit responsable. Cela aurait aussi un sens démocratique, puisque 76 villes (dont Paris, Montpellier, Lyon,…) et 4 collectivités territoriales (région Bourgogne Franche-Comté, Métropole du Grand Lyon, Assemblée de la Polynésie française, département de Seine-Saint-Denis) apportent leur soutien au TIAN.

Restez encore à l’écart de ce processus, et vous aggraverez encore l’embourbement diplomatique de la France.

 

33 parlementaires du Sénat
• M. Benarroche Guy
• M. Gontard Guillaume
• Mme Raymonde Poncet Monge
• Mme Mathilde Ollivier
• Mme Céline Brulin
• Mme Anne Souyris
• Mme Antoinette Guhl
• M. Pascal Savoldelli
• Mme Cathy Apourceau-Poly
• M. Jérémy Bacchi
• M. Pierre Barros
• M. Éric Bocquet
• M. Ian Brossat
• Mme Evelyne Corbière Naminzo
• Mme Cécile Cukierman
• M. Fabien Gay
• Mme Michelle Gréaume
• M. Gérard Lahellec
• Mme Marianne Margaté
• M. Pierre Ouzoulias
• Mme Silvana Silvani
• Mme Marie-Claude Vraillas
• M. Grégory Blanc
• M. Ronan Dantec
• M. Thomas Dossus
• M. Jacques Fernique
• M. Yannick Jadot
• Mme Monique de Marco
• Mme Akli Mellouli
• M. Paul Toussaint
• M. Daniel Salmon
• Mme Ghislaine Senée
• Mme Mélanie Vogel

22 parlementaires de l’Assemblée nationale
• M. Jean-Paul Lecoq
• M. Julien Bayou
• M. Hubert Julien-Laferrière
• M. Bastien Lachaud
• M. Aurélien Saintoul
• M. Tematai Le Gayic
• Mme Mereana Reid Arbelot
• Mme Cyrielle Chatelain
• M. Aurélien Taché
• M. Yannick Monnet
• M. Sebastien Jumel
• M. Pierre Dharreville
• M. Jean-Marc Tellier
• M. Nicolas Sansu
• M. Stéphane Peu
• M. Christian Baptiste
• M. Amar Gabriel
• M. Paul Molac
• M. Fabien Roussel
• Mme Sabrina Sebaihi
• Mme Pascale Martin
• Mme Murielle Lepvraud
• Mme Marie Pochon

12 parlementaires du Parlement européen
• M. Mounir Satouri
• Mme Marie Toussaint
• M. François Alfonsi
• M. Benoît Biteau
• M. Damien Carême
• M. David Cormand
• Mme Gwendoline Delbos-Corfield
• Mme Karima Delli
• M. Claude Gruffat
• Mme Lydie Massard
• Mme Michèle Rivasi
• Mme Caroline Roose
2 représentants de l’Assemblée de la Polynésie française
• Mme Hinamoeura Morgant-Cross
• M. Teremuura Kohumoetini-rurua

L’article original est accessible ici