Deuxième jour de guerre, dimanche 8 octobre

Après avoir répondu à un grand nombre de messages et d’appels d’amis préoccupés par ma situation et celle d’Israël, et après avoir entendu quelques alarmes concernant d’éventuels missiles palestiniens à Tel Aviv (l’un d’entre eux ayant touché un bâtiment un peu au sud de l’endroit où je me trouve), nous nous endormons en sachant que des groupes palestiniens se trouvent toujours à l’intérieur du territoire israélien, que le nombre de morts augmente à un rythme alarmant et que nous connaissons un bon nombre d’otages (dont la capture et l’enlèvement sont montrés par la télévision palestinienne et répétés par Al Jazeera).

Nous dormons sans chocs ni alarmes et aujourd’hui l’état de guerre se poursuit, les gens étant pour la plupart enfermés dans leurs maisons et appartements, 90 % des magasins étant fermés malgré le fait qu’il s’agisse d’un jour ouvrable.  En effet, en Israël, le dimanche est le premier jour ouvrable de la semaine, les jours de repos étant le vendredi après-midi et tout le samedi.

On dit que les vols à destination et en provenance d’Israël ont été suspendus, alors je suppose calmement que je vais rester dans les parages pendant un certain temps encore, ce qui me convient; je suis calme et je sens que je peux aider en remontant le moral et en soutenant les sentiments des personnes qui ont été durement touchées.

Il est 15 heures et 600 morts israéliens sont déjà confirmés, dont environ 500 civils, parmi lesquels des enfants, des femmes et le massacre du kibboutz où 3 000 jeunes célébraient un festival de musique moderne et où des images vraiment dramatiques ont été filmées de fourgonnettes remplies de Palestiniens tirant à la mitrailleuse sur ces milliers de jeunes qui s’enfuyaient en essayant de se cacher.

Plus de 2 000 blessés dans les hôpitaux du sud et du centre du pays.  Et le plus effrayant, ce sont les otages pris et amenés à Gaza, qui servent de protection contre les bombardements israéliens en masse. Des images palestiniennes montrent comment ces otages, dont beaucoup de femmes, sont pris au piège et emmenés.

La colère est totale contre l’armée israélienne, considérée comme affaiblie par le manque de sécurité et de prévention à la frontière, mais aussi par la réaction tardive.  Et pour la façon dont les Palestiniens quittent Gaza et y reviennent avec des otages, ce qui témoigne de l’extrême facilité avec laquelle les Palestiniens du Hamas peuvent se déplacer à leur guise en territoire israélien et revenir à Gaza avec les otages.

Il y a de la colère contre le gouvernement et l’armée parce qu’on a l’impression qu’ils ont passé les derniers mois à se chamailler politiquement et à défendre les Jaredim (juifs ultra-religieux), au lieu de s’occuper de la sécurité.

Près de l’endroit où je réside, il y a des communautés religieuses, silencieuses hier et aujourd’hui. En face de notre appartement vit une famille religieuse, et chaque fois qu’une alarme s’est déclenchée hier, ces enfants sont sortis dans la cage d’escalier en pleurant et en paniquant. Je me demande ce que leurs parents leur expliquent, alors que des soldats et des gens ordinaires meurent, tandis qu’ils préconisent de ne pas participer à la défense du pays et voient comme seule solution la venue du Messie ( venue qui, à son tour, dépend de ce que TOUS les Juifs deviennent religieux et suivent les préceptes bibliques à 100 %).

Je suis extrêmement effrayé par l’influence de ces groupes, et c’est là que je vois le véritable danger pour la belle démocratie israélienne, qui chancelle sous un gouvernement faible et dépendant et qui entraîne le pays dans des situations de haine et de violence.

Malheureusement, nous sommes en train de répéter quelque chose qui semblait possible dans les mondes islamiques (l’Iran et d’autres pays avec des gouvernements ultra-religieux), les mondes évangéliques (avec leur forte pression sur les gouvernements en Amérique latine et aux États-Unis), les mondes hindous (Modi discriminant le monde islamique en Inde), et d’autres espaces et gouvernements discriminants. On rêvait d’un Israël démocratique, ouvert et libéral, avec une conception élevée de ce qui est Humain.  Et comme dans d’autres parties du monde, le monde religieux semble avancer en imposant des règles et des formes pleines de haine et de violence.

On me demande de l’étranger si j’ai peur d’être dans cette situation de guerre. Non, mes amis, j’ai peur de cette perspective de violence dogmatique qui semble croître et s’emparer de pays et de populations, comme une marée noire.

 

Traduit de l’espagnol par Evelyn Tischer