La coïncidence est éloquente : le même jour, le mercredi 21 juin 2023, presque au même moment, Macron et Poutine ont détecté de nouveaux ennemis pour se mettre en ordre de bataille. Tandis que Macron et son gouvernement décident de dissoudre le mouvement des Soulèvements de la Terre (SLT), Poutine se charge d’annoncer l’interdiction du WWF ou Fonds mondial pour la nature après avoir muselé Greenpeace (en mai).  Mais pourquoi cet acharnement anti-écologique ?

                                                                   Crédit image : Extinction Rebellion

Dans les deux cas, les mobiles sont aussi transparents que les motivations de leurs auteurs. Dans l’oukase des autorités russes, on apprend que les initiatives du WWF visent les grandes entreprises actives dans les secteurs de l’énergie, du pétrole et du gaz, ainsi que celles impliquées dans l’extraction des gisements de minerais et métaux précieux. Bref, le WWF a l’audace de mèner des activités risquant de perturber la mise en œuvre d’infrastructures dans l’Arctique et l’exploitation des ressources naturelles dans le Grand Nord. Alors même que le maître du Kremlin s’évertue à montrer son attachement aux combustibles fossiles, et mise sur les bienfaits du réchauffement pour transformer la Sibérie en paradis du jardinage (!) Voilà que les militants du WWF avaient poussé la curiosité jusqu’à détenir des informations sensibles et oser des évaluations qui, selon Poutine, avaient pour but d’« entraver le développement économique » du pays. Fichtre !

SOUS LES PAVES

Rien à voir bien sûr avec l’interdiction en France des Soulèvements de la Terre qui ravit le syndicat FNSEA des grands exploitants agricoles et autres patrons de l’agro-business ! Sauf que… ce lobby est parvenu à “persuader” Macron d’interdire les “Soulèvements de la Terre’ en insinuant que ‘l’impunité des militants allait conduire la France vers ‘la guerre civile’ . Un argumentaire qui ressemble étrangement à celui de Poutine et de ses acolytes qui ont qualifié l’ONG Greenpeace d’ indésirable’ car représentant une ‘menace aux fondements de l’ordre constitutionnel et à la sécurité de la Russie et cherchant à y renverser le pouvoir de façon anticonstitutionnelle’… Si pratiquement personne en Russie n’ose critiquer publiquement l’interdiction du WWF, en France, ceux et celles qui fustigent la dissolution des “Soulèvements de la Terre” sont légion pour dénoncer cet énième acte antidémocratique de la Macronie. Et, depuis que la police de Macron procède à des dizaines d’arrestations de militants écolos, il y a matière à faire des rapprochements entre Paris et Moscou.

Derrière l’épouvantail de l’éco-terrorisme

En réalité, la dissolution des “Soulèvements” et l’interdiction de Greenpeace et du WWF ne sont pas des phénomènes isolés : elle caractérise une politique similaire de déni démocratique et de sabotage environnemental. Ce n’est donc pas un hasard du calendrier si des campagnes médiatiques se concoctent pour mener la guerre (encore une !) contre l’éco-terrorisme, et les “éco-terroristes” en oubliant au passage que la crainte de ‘voir se perpétrer des actes de terrorisme écologique’ remonte aux propos du secrétaire d’État à la Défense (US), William Cohen en avril 1997, soit 25 ans avant ceux du ministre Darmanin. Ces politiques sécuritaires s’inscrivent dans un programme plus vaste : réarmer pour booster l’économie, version Poutine, et réindustrialiser pour réarmer, version Macron. En même temps !

Entre le nostalgique de la Grande Russie qui suit un plan méthodique et réfléchi, visant à démanteler les réformes et avancées (glasnost et perestroïka) de l’après-guerre froide de Gorbatchev, et le locataire de l’Élysée qui mise sur une ‘start-up nation’ pour démanteler les acquis du Conseil National de la Résistance, il y a effectivement quelques convergences. Y compris pour ‘prendre les devants’, interdire et réprimer, interdire pour réprimer, dans l’espoir de contenir le tsunami populaire qui se profile déjà à l’horizon.

Au moment où les puissances industrielles accélèrent le chaos climatique en se militarisant, le fait de s’indigner, manifester dans la rue contre la répression qui frappe les militants écologistes (les militants tout court) est une réaction saine, une obligation morale, un devoir de citoyen. Pour affirmer le droit de manifester, certes, et par la même occasion, pour défendre ce qui est vivant et mérite d’être préservé.

B.C.
À partir d’un texte de Yorgos Mitralias

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