Le film Les algues Vertes, réalisé par Pierre Jolivet, est une adaptation du roman graphique éponyme d’Inès Léraud, journaliste déterminée qui a enquêté depuis des années sur le phénomène des algues vertes en Bretagne. Le documentaire dévoile la tragédie écologique et sociale entourant cette prolifération d’algues, dont les conséquences mortelles touchent certaines côtes bretonnes. À travers l’enquête d’Inès Léraud, le film met en lumière la fabrique du silence qui entoure ce désastre environnemental et appelle à une prise de conscience collective.
Un désastre environnemental aux conséquences mortelles
Les algues vertes, présentes depuis toujours dans l’océan et la mer, prolifèrent de manière incontrôlable en raison de la présence excessive de phosphate et de nitrate. Les nitrates ont fortement augmenté dans les années 1960 avec le développement de l’agriculture intensive en Bretagne, provenant notamment des lisiers d’animaux et des engrais de synthèse. Lorsque ces nitrates se retrouvent dans les cours d’eau et atteignent le littoral, ils favorisent la croissance des algues vertes.
Ces algues, qui se décomposent en une épaisse couche sur les plages, dégagent de l’hydrogène sulfuré, un gaz toxique responsable de la mort d’animaux et d’au moins trois personnes en 1989, 2009 et 2016. Le film expose ces conséquences dramatiques à travers des témoignages poignants et des récits de victimes, mettant en évidence l’ampleur du danger pour la santé humaine.
La lutte contre le déni et le mensonge des autorités
Les algues vertes dénonce la fabrique du silence qui entoure ce désastre environnemental. Inès Léraud, à travers son enquête, révèle le déni et le mensonge des autorités face à ce problème. Les alertes des scientifiques et des médecins depuis les années 1960 ont été ignorées, et les autorités ont tenté de faire taire toute discussion sur le sujet.
L’équipe du film a rencontré des obstacles durant le tournage, confrontée à des interdictions et à des pressions visant à étouffer le sujet des algues vertes. Malgré cela, la détermination des réalisateurs et des techniciens a permis d’aller jusqu’au bout, notamment en filmant caméra à l’épaule. Dans l’émission « La Terre au carré » sur France Inter, Pierre Jolivet raconte :
« J’ai dû tourner comme ça, car j’ai quand même fait pas mal de films, mais c’est la première fois qu’on m’interdit de tourner, en me disant : « On ne veut plus qu’on parle des algues vertes ». Je leur disais, mais je vais faire ce film. On est remonté jusqu’à la préfecture qui m’a conseillé le droit d’usage que je connaissais : le droit de tourner caméra à l’épaule où vous voulez, à condition de ne pas poser votre pied de caméra, à condition de ne pas installer de travelling. Il n’y avait pas de places réservées pour les voitures… Comme j’étais avec des jeunes techniciens bretons très motivés, ces interdictions nous ont galvanisés… On ne pouvait pas tourner dans la déchetterie où est mort Thierry Morfoisse en 2009, mais suite à des manifestations, cela a été possible ! »
La diffusion du film promet, elle aussi, d’être mouvementée et certains cinémas pourraient déprogrammer le film sous la pression de quelques-uns. À Lannion, l’avant-première du film a déjà été perturbée par la venue de jeunes agriculteurs déterminés à exprimer leur mécontentement et certains s’en sont pris verbalement aux intervenants prévus pour le débat après la projection.
Le sujet dérange et cette mise sous silence se retrouve même lors d’événements autour du roman graphique d’origine : un BD-concert « Algues vertes, l’histoire interdite » a été déprogrammé alors qu’il aurait dû se jouer en janvier 2024 dans la salle Solenval, à Plancoët. C’est ce que révèle le média breton Splann dans une enquête :
« La décision d’annuler revient à la communauté d’agglomération de Dinan, dirigée par le vice-président en charge de l’agriculture à la région Bretagne, M. Arnaud Lécuyer. Le groupe Mnemotechnic dénonce une « vraie censure, une ingérence politique ». Le vice-président à la culture de Dinan Communauté justifie cette annulation : « Ce qui m’intéresse, ce n’est pas d’aller prendre des coups sur les algues vertes dans mon territoire. C’est de dire ce que l’on met en place, car on met des millions d’euros pour les endiguer. »
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Ce musellement et la pression des lobbys pour faire taire le sujet n’est pas sans rappeler le livre de Nicolas Legendre, Silence dans les champs, une enquête au long cours de 7 ans sur l’agro-industrie bretonne.
Un appel à la prise de conscience et à l’action
Le film Les algues Vertes ne se contente pas de révéler les problèmes, il vise également à susciter une prise de conscience collective et à encourager l’action. En exposant l’ampleur temporelle et géographique du déni, le film révèle la nécessité d’une mobilisation générale pour préserver nos écosystèmes côtiers.
Le succès de la bande dessinée d’Inès Léraud, déjà vendue à près de 150 000 exemplaires, témoigne de l’intérêt du public pour cette problématique. Le film offre une nouvelle perspective, en donnant vie à l’écran à l’enquête d’Inès Léraud.
Retrouvez Pierre Jolivet et Inès Léraud dans l’émission « La Terre au Carré » sur France Inter
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Pour plus d’infos : https://www.youtube.com/watch?v=cB25Ev0zfLk