Un hélicoptère passe près de chez vous. Un grand cerceau pend de l’appareil et envoie des ondes électromagnétiques vers le sol.
Cette scène n’a rien de rassurant. C’est la vision qui s’est présentée à plusieurs citoyens de la Mauricie récemment, alors que des compagnies d’exploration minière sondent le territoire à la recherche de métaux critiques et stratégiques, hautement convoités en cette période de transition énergétique.
Plusieurs conseils municipaux et même celui de la MRC de Maskinongé ont été interpellés par des citoyens inquiets à l’idée d’un développement minier près de chez eux.
Un territoire quadrillé
À la base de toute cette inquiétude, il y a un régime minier passéiste qui demande à être revu et mis au goût du jour. En Mauricie, le nombre de titres miniers – les fameux « claims » – a augmenté de 50 % en deux ans. On parle de plus de 4 000 titres dans la région, qui donnent à leur détenteur le droit de procéder à des activités d’exploration minière.
Partout au Québec, c’est la même histoire. L’émission des titres miniers a augmenté de 40 %, les plus fortes hausses étant localisées dans Lanaudière, en Outaouais et en Gaspésie.
Le véritable problème, c’est le système d’acquisition des titres miniers « click & claim » qui permet à n’importe qui d’acheter sur Internet des claims de la taille de 70 terrains de football pour moins de 100 $.
L’exploration minière a, quant à elle, des impacts bien réels. Lorsque les prospecteurs veulent évaluer le potentiel minier d’un secteur, les sondages, les forages, le dynamitage et le déboisement se mettent de la partie. Ce n’est pas exactement ce qu’on appelle du « bon voisinage ». Sans parler des impacts sur la biodiversité et les milieux naturels.
Délimiter le terrain de jeu
L’enjeu n’est pas tant que les « claims » se transformeront à coup sûr en mines à ciel ouvert. À l’échelle du Québec, il y a à peine 30 mines en activité. C’est plutôt le fait que les titres miniers sont des droits réels et immobiliers qui viennent bloquer les autres usages du territoire.
À Saint-Mathieu-du-Parc, où des groupes citoyens et la municipalité envisagent la création d’aires protégées, les claims peuvent rapidement devenir un obstacle à leurs ambitions. C’est pourquoi la municipalité a voté le mois dernier une résolution pour suspendre l’octroi de nouveaux titres miniers sur son territoire.
Le Québec et le Canada se sont engagés devant le monde entier,à la COP15 de Montréal en décembre dernier, à protéger 30 % du territoire. Va-t-on y arriver si on ne modifie pas le régime minier actuel ? Je pense que non.
Près de 200 municipalités et 18 MRC (municipalité régionale de comté) ainsi que les groupes environnementaux et citoyens demandent à l’unisson une réforme du régime minier. Le gouvernement s’est finalement décidé à tenir des consultations publiques. Enfin un pas dans la bonne direction.
La véritable solution réside dans la planification écologique du territoire. En d’autres mots, il faut délimiter le terrain de jeu de l’industrie minière… après avoir établi les zones importantes pour la biodiversité, l’adaptation aux changements climatiques et le développement récréotouristique. De cette manière, on favorise également l’acceptabilité sociale de futurs projets miniers. En plus, on évite les risques que ces projets se retrouvent devant les tribunaux.
À leur défense, les compagnies minières ne font que respecter les règles du jeu. Le problème, c’est que la partie est beaucoup trop facile à gagner pour elles en ce moment. Il est grand temps de remettre entre les mains des citoyens les décisions concernant le grand sous-sol québécois qui, rappelons-le, appartient à tous et à toutes.
Maintenant que l’hélicoptère a sonné l’alarme, arrêtons de tourner autour du pot et réformons le régime minier québécois.
Pier-Olivier Boudreault