Le mois d’octobre passé, le match d’adieu de Roger Federer contre son ami et adversaire Rafael Nadal, a donné lieu à une photo qui est devenue virale sur les réseaux sociaux. On y voit les deux joueurs pleurer, visiblement émus, et Federer tenir la main de Nadal, un geste exprimant leur amitié, leur camaraderie et leur empathie.
Roger Federer a mis un terme à sa brillante carrière. Il a été n°1 au classement mondial pendant 310 semaines, a fini l’année en étant cinq fois à cette position, et a triomphé dans 103 tournois ATP et 20 Grands Chelems. En plus d’exposer leur force physique, Roger Federer et Rafael Nadal ont pu montrer leurs émotions en public, devenant ainsi un exemple de l’une des caractéristiques des nouvelles masculinités.
Un tel geste en public, exprimant leur joie et leur amitié les plus sincères en cette fin de parcours, aurait été inconcevable il y a encore quelques années. Les deux joueurs de tennis de niveau mondial ont naturellement osé exprimer leurs émotions sans se conformer au stéréotype de l’homme « macho » issu de la culture patriarcale hégémonique.
Cette même photo aurait-elle eu le même impact avec des protagonistes féminins, par exemple Steffi Graf et Serena Williams ? Probablement pas. Dans notre culture patriarcale, les femmes sont associées à la sensibilité et aux émotions, elles peuvent s’exprimer émotionnellement tandis que « les hommes ne pleurent pas ». Par conséquent, une démonstration d’affection et de tendresse entre deux hommes hétérosexuels peut engendrer une remise en question de leur « masculinité », voire de leur sexualité.
Cette photo, montrant la sensibilité des deux hommes, vaut mieux que mille mots ou discours sur les nouvelles masculinités. C’est une image forte, encensée sur les réseaux sociaux pour avoir brisé les stéréotypes de la « masculinité toxique ».
La masculinité est une construction culturelle. On considère aujourd’hui qu’il s’agit d’un ensemble d’attributs, de valeurs, de comportements et d’attitudes, qui ont pour principales caractéristiques les mandats sociaux qui leur sont attribués : subvenir aux besoins de sa famille, être père, hétérosexuel et rationnel, faire preuve de galanterie, aimer le risque, et surtout, utiliser la force physique pour dominer.
Ce n’est pas un hasard si, selon les études menées par la Fundación Semilla dans des écoles, les filles sont victimes de 93 % des agressions sexuelles dans la tranche d’âge 14-17 ans. La proportion d’agresseurs est de 168 hommes pour 10 femmes, et une femme a trois fois plus de risques de subir des violences sexuelles à l’école qu’un homme.
À la Fundación Semilla, nous mettons en avant cette image, à la valeur inégalée, pour illustrer nos ateliers d’éducation socio-émotionnelle et notamment lorsque nous abordons les caractéristiques des nouvelles masculinités.
Nous nous efforçons de créer des espaces d’échanges pour comprendre et donner de la visibilité à la violence de genre, en particulier dans les écoles. Une grande partie des problèmes de coexistence sont causés par les stéréotypes et la discrimination combinés aux attentes sociales issues des caractéristiques associées au genre. Transcender ces stéréotypes c’est faire un grand pas vers le renforcement de la coexistence au sein des écoles.