Il est un fait que le féminisme n’est pas une construction empruntée en Afrique, car les femmes africaines ont toujours créé des voies politiques, des réponses sociales et des idéologies pour rétablir les droits en matière de procréation, de violence domestique, de congé maternité, de harcèlement sexuel, d’égalité salariale, de droit de vote des femmes et d’abus sexuels. Le féminisme africain s’adresse aux femmes africaines et leur permet de résoudre les problèmes auxquels elles sont confrontées, et qui limitent leur rôle à part entière ou leur liberté de volonté et d’expression, et la pratique en Afrique n’est pas nécessairement basée sur des termes occidentaux.

Alors que les écrivaines anglaises des années 1800 prenaient un pseudonyme masculin pour être publiées, les femmes musulmanes âgées de Sokoto prenaient le titre de Senior Faqhi. Cela a permis à ces femmes de se débrouiller par des moyens indépendants dans la perspective de se réaliser et de créer des communautés plus connectées et plus durables.

Cependant, Nana Asma’u était une icône féministe de premier plan qui savait et comprenait ce que cela signifiait pour les femmes de prendre des décisions actives pour façonner leur communauté, ainsi que les avantages de renforcer les rôles des deux genres.

En peu de temps, son influence s’est étendue à diverses parties de l’Afrique de l’Ouest, et même aux rives du Nil et aux abords du Moyen-Orient.

Les débuts de Nana Asma’u

L’éducation et l’indépendance des femmes sont-elles possibles dans le cadre de l’Islam ? La réponse se trouve en fait dans les expériences et les activités visionnaires de personnes comme Nana Asma’u, en relation avec une communauté qui gère un équilibre de contrôle.

Nana Asma’u porte le nom d’Asma bint Abi Bakr, une compagne du Prophète. Elle a vécu la guerre des Peuls alors qu’elle n’avait que 11 ans. Elle a suivi les traces de son père, Usman dan Fodio, qui prêchait que la marginalisation des femmes dans l’éducation et la communauté entraînait la corruption dans la société. Nana a poursuivi des études coraniques et est devenue une auteure prolifique versée dans l’art d’apprendre pour enseigner à l’école soufie Qadiriyyah, où l’échange de connaissances était essentiel. La communication dans son travail a été facilitée par sa capacité à parler quatre langues : l’arabe, le peul, le haoussa et le tamasheq touareg (langue parlée au Mali).

Les hommes ont eu l’avantage de construire des réseaux avec moins d’efforts que les femmes. Dans le Hausaland (terme anglais, région habitée par les haoussas), même à la mosquée et dans les maisons privées, il y a une ambiance générale de rassemblement, souvent qualifiée de fraternité. Les enseignements de Nana Asma’u ont permis aux femmes musulmanes de se sentir plus sûres d’elles-mêmes et de se développer en une forte sororité, qui a mis en place une communauté de soutien. Les épouses en fuite qui avaient été victimes de violences, par exemple, ont exercé leur droit à la parole.

Nana Asma’u, une figure emblématique

Poète, enseignante, érudite et intellectuelle à part entière, Asma’u a contribué à éliminer les stéréotypes mythiques sur les femmes musulmanes. Historiquement, l’oppression qui réduit la voix des femmes musulmanes en échange de leur silence et de leur relégation aux activités domestiques a toujours abouti à un corps social moins concret. Les colonisateurs britanniques ont eu du mal à s’adapter lorsqu’ils sont entrés en contact avec le milieu intellectuel de la société Sokoto (capitale du califat de Sokoto qui s’étendait entre le nord du Nigeria et le nord du Cameroun).

Asma’u a rejoint un mouvement éducatif appelé Yan Taru qui mettait en relation des femmes éducatrices, les Jaji. Celles-ci transmettaient le message aux populations rurales marginalisées. Au fil du temps, Nana Asma’u est devenue une source importante de conseils pour les souverains de Sokoto de l’époque. Elle avait non seulement mémorisé le Coran, mais aussi appris le fiqh (jurisprudence) dès son plus jeune âge, et écrit plus de 60 ouvrages publiés qui sont toujours disponibles pour la recherche et les études.

Asma’u a incité ses Jajis à partager la connaissance par le biais de la poésie, même en période de voyage, et a contribué à l’essor de tout un mouvement de femmes poètes de Sokoto qui explorent le recours à la littérature arabe classique dans leurs textes. Comme le dit le proverbe : « Si vous éduquez un homme, vous éduquez un individu, mais si vous éduquez une femme, vous éduquez une famille (une nation) ». Asma’u a appliqué ce concept pour éclairer les femmes et ainsi édifier les familles, et ce dans une communauté qui souffrait des conséquences de la guerre.

Il est notable que le monde du féminisme africain a bénéficié d’une immense contribution grâce aux réalisations de Nana Asma’u, qui ne s’intéressait pas aux riches, aux célèbres et aux puissants, mais aux faibles et aux vulnérables. Son message constant portait sur la vertu de la patience, le besoin d’amour et de respect dans les relations, et l’égalité durable au sein de la communauté.

 

Traduction de l’espagnol, Ginette Baudelet

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