On oppose souvent, dans les luttes, la radicalité de la violence à la mollesse que représenterait la non-violence.
Alors, en quoi la non-violence est-elle radicale ?
Transcription de la vidéo
En réalité, la violence n’a rien de radical car elle n’agit pas sur les causes du conflit.
Être radical, c’est s’attaquer, non pas aux personnes qui sont les représentants de l’État, ou aux personnes qui seraient responsables de l’injustice, c’est s’attaquer à la racine des conflits, à la racine des situations d’injustice.
La violence est incapable de déraciner les injustices car elle procède d’un défaut d’analyse. La violence estime qu’en s’attaquant aux personnes ou aux biens, on s’attaque véritablement aux symboles de l’injustice et on fait peur aux puissants. C’est une erreur.
Ce qui fait la force des injustices, c’est notre passivité, notre silence, notre résignation au désordre établi. La révolte contre l’injustice est donc nécessaire, mais elle ne doit pas se tromper d’objectif.
Il s’agit de rompre par une action radicale avec l’obéissance et le consentement du plus grand nombre qui fonde le pouvoir responsable de l’injustice.
La force de la non-violence, et donc sa radicalité, c’est qu’elle cherche à tarir les sources du pouvoir, en mettant en œuvre des actions de non-coopération et de désobéissance ciblées qui visent à ébranler le système qui produit l’injustice.
La violence, elle, ne fait que renforcer le pouvoir d’État car la capacité de violence du pouvoir d’État sera toujours supérieure à celle des citoyens. Combien de luttes ont été étouffées parce qu’elles ont basculé dans la violence ?
En réalité, la violence est essentiellement un mode d’expression, ce n’est pas un mode d’action politique. Elle exprime une colère, une rage, mais c’est tout. Elle agit ponctuellement, mais une fois qu’elle s’est exprimée, qu’elle a détruit ce qu’elle pouvait détruire, il ne reste rien et la cause a beaucoup perdu.
En agissant par la non-violence, on prive le pouvoir d’un élément de justification de sa violence. Ce qui ne signifie pas que le pouvoir n’exercera pas de violence.
Au contraire, il peut exercer une plus forte violence à l’encontre de manifestants non-violents, car son objectif est de faire basculer le mouvement dans la violence. La violence est donc un piège tendu par l’État pour discréditer un mouvement et justifier la répression.
Il est donc impératif de garder le cap de la non-violence, malgré la répression. Il s’agit, ne l’oublions pas, de gagner l’opinion publique qui peut exercer une très forte pression politique sur le pouvoir.
En résumé, je crois que la meilleure façon d’expliquer la radicalité de la non-violence, c’est d’écouter cette analyse de Gandhi.
« Tout mouvement qui se respecte passe par cinq phases : l’indifférence, la raillerie, les injures, la répression et l’estime. […] Tout mouvement qui survit à la répression, modérée ou cruelle, commande invariablement le respect, ce qui est synonyme de succès. Si nous sommes fidèles, cette répression peut être considérée comme le signe précurseur de la victoire. Mais, si nous sommes fidèles, il ne faudra jamais nous laisser intimidés, ni, poussés par la colère, faire acte de vengeance et de violence. La violence est un suicide ».
Tout est dit. La violence est un suicide, elle ne peut que détruire le mouvement. La répression doit être anticipée, pour mieux la juguler et la vaincre. La répression est inévitable et tout l’enjeu, et toute la radicalité de la non-violence c’est de se préparer à vaincre cette répression, en l’absorbant, en la rendant inutile.
La vraie force, et la vraie radicalité sont bien du côté de la non-violence.