Le monde est dans un « triste état » en raison d’une « myriade de défis et de problèmes interdépendants », dont le changement climatique et des guerres, dont celle en Ukraine, qui s’accumulent « comme des voitures dans un accident à réaction en chaîne », a alerté mercredi le chef de l’ONU, lors de la réunion du Forum économique mondial de Davos (Suisse).
« Je ne suis pas ici pour édulcorer l’ampleur de ce défi – ou l’état déplorable de notre monde », a dit le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres, relevant que le monde est en proie à une tempête parfaite sur plusieurs fronts. De nombreuses régions du monde sont en récession et le monde entier est confronté à un ralentissement.
A la réunion de Davos, il a dressé un sombre tableau de la planète, avec des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement et une pénurie d’énergie. Une situation marquée par une flambée des prix et de l’inflation alors que des niveaux d’endettement élevés frappent les pays vulnérables.
« Je ne suis pas convaincu que le monde plus riche et ses dirigeants saisissent vraiment le degré de frustration et même de colère dans le Sud », a dit António Guterres, appelant à œuvrer pour mettre un terme à la colère des seconds sur la pandémie, le climat ou les questions financières.
Instaurer la confiance et adopter le multilatéralisme
Le chef de l’ONU a ainsi mis en garde contre les effets de cette « frustration et colère face à un système financier en faillite morale dans lequel les inégalités systémiques amplifient les inégalités sociétales ». Un système dans lequel la plupart des pays les plus pauvres du monde ont vu le service de leur dette monter en flèche de 35% rien que l’année dernière.
Plus globalement, la planète est loin d’être :
« dans le meilleur des mondes – et le monde est loin d’être uni ». Face aux « graves niveaux de division géopolitique et de méfiance jamais vus depuis des générations », il a estimé qu’il n’y avait pas « de solution parfaite dans une tempête parfaite ».
Ajoutez à tout cela les effets persistants de la pandémie de Covid-19.
Davos lui a donné aussi l’occasion de réitérer son plaidoyer pour la protection de la planète et la lutte contre le changement climatique, afin de mettre fin « à notre guerre autodestructrice contre la nature » au moment où la planète flirte avec « la catastrophe climatique ».
« Si nous ne prenons pas de nouvelles mesures, nous nous dirigeons vers une augmentation de 2,8 degrés Celsius », a prévenu le chef de l’ONU à propos du réchauffement de la planète.
Un « grand mensonge » : le secrétaire général de l’ONU a appelé mercredi à poursuivre les majors pétrolières, comme les cigarettiers l’ont été, pour avoir caché pendant des années les informations dont elles disposaient sur le réchauffement climatique.
« Certains producteurs d’énergies fossiles étaient parfaitement conscients dans les années 1970 que leur produit phare allait faire brûler la planète », a affirmé Antonio Guterres dans un discours au Forum de Davos, en Suisse.
« Mais, comme l’industrie du tabac, ils ont fait peu de cas de leur propre science », a-t-il ajouté, en déduisant que « certains géants pétroliers ont colporté le grand mensonge ».
Pour y mettre fin, il importe de combler le fossé des émissions de gaz à effet de serre, d’éliminer progressivement le charbon et d’accélérer la révolution des énergies renouvelables, estime M. Guterres qui en a profité pour dénoncer « le grand mensonge de l’industrie pétrolière ».
« Nous avons appris la semaine dernière que certains producteurs d’énergies fossiles étaient parfaitement conscients dans les années 1970 que leur produit phare allait faire brûler la planète. Mais comme l’industrie du tabac, ils ont fait peu de cas de leur propre science. Certains géants pétroliers ont colporté le grand mensonge », a-t-il fait valoir, relevant que « les responsables doivent être poursuivis » comme les cigarettiers l’ont été.
En attendant, ce n’est pas la direction que prend apparemment l’industrie pétrolière, se désole le chef de l’ONU :
« Aujourd’hui, les producteurs de combustibles fossiles et ceux qui les soutiennent continuent de se battre pour accroître la production, tout en sachant pertinemment que leur modèle économique est incompatible avec la survie de l’humanité. Cette folie relève de la science-fiction, mais nous savons que l’effondrement de l’écosystème est un fait scientifique indéniable », a-t-il martelé.
« Ajoutez à ce mélange toxique un autre facteur combustible – le conflit, la violence, la guerre », a-t-il dit pour rappeler les conséquences de la guerre en Ukraine et ses effets sur les prix alimentaires et de l’énergie.
Sur un autre plan, le Secrétaire général de l’ONU a appelé à nouveau à éviter une nouvelle Guerre froide entre Occidentaux et Chinois qui détériorerait encore la situation.
« Le Fonds monétaire internationale (FMI) a indiqué que la division de l’économie mondiale en deux blocs pourrait réduire le PIB mondial d’un montant considérable de 1.400 milliards de dollars (…). Pour les historiens qui pourraient nous écouter : Nous devons éviter une suite du « piège de Thucydide » au XXIe siècle », a-t-il fait remarquer.
Le piège de Thucydide est un concept de relations internationales qui désigne une situation où une puissance dominante entre en guerre avec une puissance émergente, la première étant poussée par la peur que suscite chez elle la seconde du fait de sa montée en puissance.
Autre problème, les tensions entre pays riches et en développement augmentent.
Mais le monde peut désormais s’efforcer de limiter les dégâts et de saisir les opportunités qui se présentent.
« Plus que jamais, il est temps de forger les voies de la coopération dans notre monde fragmenté », a conclu le Secrétaire général de l’ONU, exhortant la communauté internationale « à adopter des institutions multilatérales, à instaurer la confiance là où elle fait cruellement défaut, car le monde ne peut attendre ».