Aujourd’hui dans ce monde global, en proie à de grandes divisions et fragmentations, je crois qu’il est possible de construire une force morale non-violente. Une force morale qui nous enseigne que la valeur la plus élevée est de « traiter les autres comme nous voulons qu’ils nous traitent ». Je crois sincèrement que cette impulsion morale basée sur la solidarité doit donner une direction aux nouveaux mouvements sociaux et générationnels.
Car il est de plus en plus clair qu’une majorité de gens reconnaissent que la violence et la guerre ne vont pas régler les conflits, mais plutôt accentuer la destruction en générant davantage de souffrance et de douleur à des centaines de millions de personnes à travers le monde.
En fait, la majorité des gens ne souhaitent pas vivre dans un monde avec plus de divisions, fragmentations et violence. Ils souhaitent avant tout dépasser cet état de fait et vivre en paix et en harmonie avec leur famille, amis et voisins.
Mais pourquoi la guerre est-elle si populaire ?
La guerre est populaire parce que nous nous sommes déshumanisés nous-mêmes. La guerre est populaire parce que la déshumanisation nous indique qu’il faut accepter la violence et les méthodes violentes proposées par les leaders. Même si nous constatons que leurs décisions et actions projettent des ondes de douleur et de souffrance à des centaines de millions de personnes à travers le monde, nous acceptons leurs décisions car nous croyons qu’il n’est pas possible de résoudre les conflits et les problèmes sociaux par des méthodes non-violentes.
À titre d’exemple en 2021, le total des dépenses mondiales pour l’armement militaire était de 2 113 milliards de dollars. (source: SIPRI)
Tandis que le budget des Nations unies pour le maintien de la paix, pour l’année 2021-2022 était de 6,38 milliards de dollars. (source: Nations Unies)
Cette situation est totalement ahurissante et aberrante. Ces chiffres nous démontrent à quel point nous sommes dans une période de déshumanisation globale.
Mais un grave danger nous guette, car ce n’est pas seulement les êtres humains qui se déshumanisent entre eux, mais aussi la vie qui est en train d’être déshumanisée, puisque les gens perdent confiance en eux-mêmes et en la vie. Ainsi humaniser le monde, c’est avant tout humaniser les valeurs de la vie.
En 2023, qu’y a-t-il de plus important que de surmonter la douleur et la souffrance des autres et de soi-même ? Mais pour lancer le processus d’humanisation et dépasser la violence, il faudra cesser d’être complaisant avec les dirigeants qui soutiennent les guerres et les moyens violents pour résoudre les conflits. Il faudra commencer à soutenir les individus et leaders qui proposent des moyens non-violents car ceux-ci participent à l’humanisation du monde et de l’être humain.
Mieux comprendre la violence généralisée
Il existe plusieurs facteurs sociaux et acteurs du système qui participent à la déshumanisation des valeurs sociales et à la montée du néo-irrationaliste à travers le monde. Ce sont les grandes institutions économiques et militaires qui maintiennent les déséquilibres mondiaux en utilisant la guerre, la terreur et la pauvreté afin de protéger des intérêts particuliers et maintenir un certain contrôle sur les ressources et sur le système global.
Ainsi, ceux et celles qui soutiennent les valeurs de la déshumanisation appuient les tendances à la confrontation et à la polarisation entre les cultures, les groupes ethniques, politiques et religieux. Au lieu de proposer un dialogue constructif et d’avancer des solutions diplomatiques, ils soutiennent la guerre, l’intimidation, l’agression et l’invasion. Prenons par exemple le cas des leaders Russes, Ukrainiens, Européens, Canadiens et Américains qui soutiennent la guerre et la violence en Ukraine. Tous ces gouvernements soutiennent la confrontation et la destruction des êtres humains.
De plus, cette confrontation est en train d’être manipulée par les intérêts de certaines grandes corporations pétrolières et d’autres corporations, qui évidemment ne souhaitent pas soutenir des résolutions diplomatiques car celles-ci devront les faire renoncer à des gains fabuleux en échange.
Enfin, nous avons vu en 2022, comment la confrontation entre ces leaders a affecté l’économie mondiale en générant de l’inflation, de la pauvreté, voire de la famine dans certains pays. Bien sûr, les Ukrainiens sont les victimes et devraient être au centre de l’attention. Mais d’autre part, ce sont aussi plusieurs populations qui, à travers le monde, ont subi la hausse des prix des aliments, de l’énergie et de toutes les nécessités de la vie quotidienne. Il est un peu plus clair que cette confrontation a mené à plus de déshumanisation.
Une image de l’être humain déshumanisé et violent
Par ailleurs, si la déshumanisation s’est globalisée, c’est parce que nous vivons sous le diktat d’une représentation fixe de l’être humain depuis des décennies.
L’image de l’être humain que nous renvoie le système est déshumanisante et violente. Nous n’avons qu’à regarder la majorité des productions culturelles pour s’en rendre compte. Les films, les vidéos, la musique et les réseaux sociaux participent tous à la promotion de la violence.
En fait, c’est tout un système qui donne le champ libre à certains de nier l’intentionnalité et la liberté des autres en les réduisant à des instruments de leurs propres intentions comme le font les exploiteurs, les violents et les manipulateurs. C’est là que se trouve l’essence de la discrimination du système dont la méthodologie est la violence physique, économique, sexuelle, psychologique, raciale et religieuse.
L’humanisation du monde est bien plus qu’une idée
Pour que l’humanisation du monde se concrétise, il faut d’abord lancer le processus. L’humanisation est une force morale en action. C’est une proposition qui contraste avec ce que nous voyons aujourd’hui car sous toutes les latitudes.
Humaniser le monde, c’est aussi humaniser ceux qui ont de l’influence et du pouvoir sur les autres, afin qu’ils écoutent à leur tour la voix de ceux qui ont besoin de vaincre la pauvreté, la violence, la discrimination et la douleur.
Ainsi le processus d’humanisation du monde pose comme valeur suprême la règle d’Or : « Traitez les autres comme vous voudriez qu’ils vous traitent».
Si les gens mettent en pratique ce principe de solidarité qui s’oppose à l’insensibilité, à l’égoïsme et au cynisme, nous pourrons commencer l’humanisation du monde et dépasser la violence en nous-même et dans les autres.
Comment se sortir de la violence ?
Nous devons apprendre à voir qu’il n’y a pas de bons et mauvais côtés. Si nous arrivons à comprendre les situations existentielles des protagonistes et des antagonistes, nous avons déjà une partie de la résolution du conflit.
Pour finir, nous devons chercher une nouvelle atmosphère et une nouvelle expérience comme le propose le texte de Dario Ergas qui fut publié pour la première fois lors de la Marche mondiale pour la Paix et la Non-Violence en 2009.
Nous sommes confrontés à la croyance que la non-violence active n’est pas possible au sein d’un monde violent. Pourtant, au début de l’évolution, la vie s’est manifestée dans les mers, dans l’eau et aucun être vivant ne pouvait respirer hors des mers.
Si un poisson avait pu dire : sortons à l’air, il y a un monde nouveau là-bas, tous lui auraient dit qu’il était fou et irresponsable et qu’il mettait en péril la vie de tous.
Aujourd’hui, nous vivons dans une mer de violence, on ne croit pas qu’il soit possible d’en sortir et ceux qui cherchent « une nouvelle atmosphère » pour que respire l’être humain sont regardés avec suspicion.
Quand nous parlons de non-violence, nous ne parlons pas de quelque chose de facile qui s’obtient par la bonne volonté ou par un décret de loi. Nous parlons d’évolution, d’un saut de l’humanité, de la recherche d’une nouvelle expérience et d’un nouvel être humain. Nous parlons de la création d’une atmosphère mondiale et sociale pour réaliser une société pleinement humaine.
La violence nous poursuit depuis nos ancêtres les hominidés et de la même façon qu’un jour nous nous sommes mis debout pour regarder le soleil et le ciel et qu’un autre jour nous avons appris à produire le feu pour illuminer la Terre, nous pouvons avancer vers ce jour où nous laisserons derrière nous ce comportement que nous traînons depuis la préhistoire.
Je mets intentionnellement en avant ces étapes de l’évolution pour faire comprendre l’ampleur du changement auquel nous aspirons, ce projet véritablement humain. Cette image du futur se trouve quelque part en nous et de là, projette sa lumière et donne direction et espoir à l’humanité.
L’action non-violente, est beaucoup plus qu’une position politique, c’est un acte moral. L’acte moral se reconnaît parce qu’il réveille en celui qui le réalise, inspiration, force et sens dans de la vie.