Préambule : Bourges, son histoire
Avant de découvrir la cathédrale, cet autre chef-d’œuvre de l’art gothique, faisons un bref retour sur l’histoire de la ville où, dans la première moitié du XVe s, quelques personnages remarquables ont joué un rôle important : ce sont le roi Charles VII, Jeanne d’Arc et Jacques Cœur.
– Charles VII, le gentil dauphin surnommé par dérision « le petit Roi de Bourges » sera sacré roi de France, grâce à l’intervention de Jeanne d’Arc.
– A son arrivée à Bourges Jeanne d’Arc, dit être envoyée par le ciel pour libérer la France de l’occupation anglaise. Elle sera reçue par le dauphin deux jours plus tard, lors d’une entrevue au cours de laquelle elle le persuade de se faire sacrer à Reims, considérant que seul le sacre lui conférera la dignité royale. En 1429 elle délivre Orléans ; en juillet de la même année a lieu le sacre de Charles VII. En 1430 elle est faite prisonnière et jugée. Son supplice a lieu un an plus tard.[1]
– Jacques Cœur, riche marchand de fourrures devenu grand argentier du roi Charles VII est anobli, et se fait bâtir un hôtel particulier sur les murs duquel on découvre avec surprise que figurent les phases de la lune – essentielles dans le processus alchimique – ainsi que dans la chapelle, laissant supposer qu’il pratiquait l’art hermétique. Jalousé pour sa richesse et ses liens privilégiés avec le roi, il est arrêté en 1451, jeté en prison d’où il s’évade et se rend à Rome auprès du pape dont il a la confiance. Deux ans plus tard il part pour une expédition à Constantinople affronter les Turcs qui ont assiégé la ville, et meurt à Chypre en novembre 1456[2]. Il a offert, une chapelle au chapitre de la cathédrale.
Il est à noter que depuis la fin du Moyen Age, et durant la Renaissance, Bourges comme Prague ou Paris, est devenue l’une des capitales de l’Alchimie : « Bourges, c’est une cité qui « sent le soufre » avec la rue de l’Alchimie, et ce quartier au pied de la Cathédrale qui comprend la rue du Mauvais Secret, la tour du Diable ou la rue du Puits Noir » [Roland Narboux, ancien maire adjoint de la ville de Bourges].
La cathédrale St Etienne
St Etienne, premier martyr de la chrétienté est mort lapidé et la question se pose de savoir si le choix de ce saint pour la cathédrale de Bourges a un quelconque rapport avec la pierre philosophale des alchimistes pour la fabrication de l’or, compte tenu de la réputation de la ville ?
Bâtie entre 1195 et 1230, la cathédrale a été classée au titre des monuments historiques, puis inscrite en 1992 au patrimoine mondial de l’Unesco. Sur ce même site, quatre édifices avaient précédé l’actuelle cathédrale laquelle avait une grande importance pour le prestige du roi de France. Les Bituriges (rois du monde en celte) ne se sont pas installés au centre de la Gaule par hasard. « Les civilisations celtiques ont été obsédées par l’idée de centre. Sanctuaires, lieux de rassemblement, ces « ombilics » assuraient la relation du monde humain et du monde divin. Bourges, l’Avaricum gaulois [N.d.E. : Avaricum : Avaric, nom de la ville de Bourges, rebaptisée Avaricum par les romains] « des Gaules la cité première » était l’un de ces lieux privilégiés ».[3]
« Les constructeurs ont renfermé dans les cathédrales les données ésotériques traditionnelles. En même temps apparaissait en France l’ordre du Temple ».[4] Les templiers ont grandement participé financièrement à la construction des cathédrales. Certaines communications annoncent « la réincarnation actuelle d’anciens Templiers venant préparer la nouvelle ère avec celui qui est le patron des chevaliers. » [5]
Nous avons vu dans les articles précédents l’importance de l’eau sous les cathédrales de façon à ce que l’édifice se trouve au confluent des quatre éléments, Terre, Air, Eau, Feu. A Bourges trois importants courants telluriques se croisent et se dirigent l’un vers Saint Jacques de Compostelle, l’autre vers Strasbourg, le dernier vers Marseille ; c’est dans l’église basse (la crypte) que le tellurisme atteint sa puissance maximale, dans la partie nord.
1) Architecture
De par son ample superficie la cathédrale occupe le 5e rang après Cologne, Amiens, Chartres et Reims.
Son plan, qui reprend sensiblement celui de ND de Paris pourrait être dû aux liens de famille unissant l’archevêque de Bourges, Henri de Sully, et l’évêque de Paris, Odon de Sully. Le plan est en forme de basilique à 5 nefs, sans transepts, ce qui est atypique parmi les grandes cathédrales. « Saint-Étienne compte 5 portails, 5 nefs, 5 étages et 5 chapelles rayonnantes (à l’extrémité du chœur). Le chiffre 5, c’est la quintessence, ce qu’il y a de plus raffiné », explique Thérèse Legras.[6]
Les cinq portails de la façade Ouest sont consacrés, de gauche à droite, à :
– Guillaume de Bourges (archevêque), la Vierge Marie, au Jugement Dernier (portail central), St Etienne (premier martyr de la chrétienté), et St Ursin (il évangélisa le Berry au 3ème s.)
Crédit image: JPRoche | Wikipedia, CC
a) La tour Nord ou Tour de beurre
Achevée durant les années 1480, la tour Nord s’écroule en 1506 ; sa reconstruction est financée par diverses recettes et des dons, notamment ceux de riches fidèles afin d’obtenir l’autorisation de manger du beurre durant les périodes de carême.
b) La tour Sud
N’ayant jamais reçu de cloches, elle a été surnommée la « tour sourde ». Moins élevée que la tour Nord, elle a été consolidée par un important pilier butant au XIIIe siècle parce que menacée par des fissures.
2) La sculpture
La cathédrale est considérée comme étant un musée de la sculpture à travers les siècles. Les exemples ci-dessous permettent d’apprécier et la finesse des représentations, et… l’humour des tailleurs de pierre.
Portail St Guillaume : Le saint aux prises avec les tentations du démon
Crédits image : https://www.patrimoine-histoire.fr/P_Centre/Bourges/Bourges-Saint-Etienne.htm
L’arche de Noé
Crédits image : https://www.patrimoine-histoire.fr/P_Centre/Bourges/Bourges-Saint-Etienne.htm
Tympan du Jugement dernier : Le sourire des élus
Crédits image : https://www.patrimoine-histoire.fr/P_Centre/Bourges/Bourges-Saint-Etienne.htm
Sculpture insolite : Dans un angle, les fesses d’un tailleur de pierre
Crédits image : https://ne-np.facebook.com/BourgesBerryTourisme
Contrairement à l’habitude, ici ce n’est pas un coq qui domine la cathédrale, mais un pélican, une singularité unique en France. La croyance au Moyen-Age était que le pélican perçait son flanc afin de nourrir ses petits de sa chair et de son sang, en référence au Christ donnant sa vie pour sauver l’humanité.
Crédits image : Ji-Elle | Wikipedia CC
3) Intérieur
La cathédrale est de proportions harmonieuses, le fait qu’elle ne comporte pas de transepts est un cas unique en France. Elle est dotée de cinq chapelles rayonnantes au chevet, bénéficie d’une décoration de très grande qualité, et son élévation permet une appréciable luminosité. La différence de niveau du terrain a permis la construction d’une église basse, nommée à tort la crypte car elle n’est pas enterrée. Celle-ci comporte de larges fenêtres laissant pénétrer le soleil une grande partie du jour.
La nef centrale
Crédits image : Unesco
La tradition voulait que lorsqu’un cardinal de Bourges mourait il allait au purgatoire et son chapeau était hissé sous la voûte de la cathédrale. Lorsqu’il tombait, on disait que son propriétaire avait enfin été reçu au paradis.
Les vitraux
Les plus importants vitraux du XIIIe siècle se situent dans le chœur et les chapelles rayonnantes. A Bourges aussi les vitraux ont subi des mutilations absurdes dues aux chanoines, qui les ont fait remplacer par des grisailles pour être mieux vus des fidèles.
Verrières en grisaille des parties hautes du chœur, côté nord. Crédit image : http://cathedrale.gothique.free.fr/Bourges_Architecte.htm
« Le XVIIe siècle recherche la clarté : les vitres sont blanches et simplement ornées d’une bordure colorée. Au XVIIIe siècle, le vitrail de couleur est tout bonnement banni ».[7]
Vitrail de la chapelle Jacques Cœur : L’Annonciation
Crédits image :
Horloge astronomique
Crédits image : Ville Bourges
Commandée par le roi Charles VII, elle est l’une des horloges les plus anciennes de France. Sa conception est due au chanoine Jean Fusoris en 1424. Le cadran du haut indique les heures et les minutes, celui du bas donne les signes du zodiaque, la position du soleil, et les cycles lunaires. Elle se situe près de l’entrée principale sur le bas-côté sud.
La tache de lumière
Comme déjà vu dans d’autres cathédrales, cette tache de lumière se manifeste le 21 juin, à midi heure solaire, jour le plus long de l’année, provenant d’un petit trou dans le vitrail situé 19m plus haut. Ce signe lumineux était l’occasion pour les chanoines de régler les horloges et ainsi d’observer fidèlement les horaires des offices.
Voir ICI
4) L’église basse
Elle date des années 1194-95 et abrite la première crypte romane où se trouvent les reliques de St Etienne. Sont conservés dans cette église basse le gisant du duc Jean de Berry ,et les sépultures de nombreux archevêques. Les vitraux sont en partie du XIIIe s.
Cette église basse a servi pendant un temps d’atelier aux tailleurs de pierre.
Gisant du duc de Berry
Crédit image : Penelily Wikimedia Commons
Le duc Jean de Berry est passé à la postérité en tant que commanditaire d’un ouvrage de prières, vers 1410-1411, resté célèbre du fait de ses délicates enluminures : Les très riches heures du duc de Berry.
L’ours au pied du gisant porte cette inscription « Oursine ton temps viendra » ce qui témoigne de la place que l’ours occupait dans l’univers symbolique du duc. D’autre part, l’histoire de la ville de Bourges nous apprend que le nom de son saint patron « Ursin » dérive du mot ours, et dans le centre-ville existe une porte Saint Ours.
Les Très riches heures du duc de Berry
Crédits image : Frères de Limbourg (Herman, Paul et Jean) Wikipedia, Domaine public
La mise au tombeau
Crédit image : Ji-Elle, Wikimedia Commons
Traditionnellement sept personnages sont présents lors de la mise [au tombeau du Christ : Marie, sa mère, l’apôtre Jean, les trois saintes femmes [Marie Madeleine, Marie Salomé et Marie Cléophas] Joseph d’Arimathie et Nicodème.
Références
[1] Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_d%27Arc
[2] P. Audoin : Bourges cité première
[3] P. Audoin : Bourges cité première
[4] P. Le Cour : L’ère du Verseau
[5] P. Le Cour : Ibid. Concernant les Templiers, voir « Le Templier m’a dit » de Patricia Darré (Ed Lafon). A Paris, dans l’île de la Cité se trouve le bucher de Jacques de Molay, dernier Grand Maître de l’ordre du Temple.
[6] Le Berry républicain : https://www.leberry.fr/bourges-18000/loisirs/
[7] https://www.c-royan.com/arts-culture/galerie-dart/expositions/les-vitraux-de-notre-dame
Série Les Cathédrales
1. Les secrets des cathédrales
9.1. Notre Dame de Paris, l’or alchimique
9.2. Notre Dame de Paris, architecture