Un groupe indépendant affilié au mouvement De la bouffe, pas des bombes est actif depuis le mois de septembre à Trois-Rivières. La vingtaine de membres bénévoles qui le composent est adepte de glanage urbain, communément appelé dumpster diving.
Ils récupèrent ainsi des fruits et légumes encore comestibles dans les bennes à ordures et à compost des épiceries de la ville, puis organisent des « popotes autogérées » afin de distribuer des repas gratuitement à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Le mouvement dont ils se revendiquent, De la bouffe, pas des bombes (traduction québécoise de Food not bombs), a pris naissance en 1980 à Boston aux États-Unis et compte aujourd’hui plus de 1 000 collectifs indépendants partout sur la planète, incluant à Montréal, Québec et Sherbrooke.
Ouvertement inscrits dans le courant de pensée anarchiste, et contrairement à une certaine perception populaire, les participants ne prônent pas le chaos ou la violence, mais cherchent plutôt à dénoncer les injustices sociales à l’aide d’actions pacifistes. Le collectif ne vise donc pas uniquement à distribuer de la nourriture dans une optique de charité: leur objectif est aussi d’ouvrir une discussion critique sur le système capitaliste et sur le concept de propriété privée qui le sous-tend.
Des poubelles qui débordent de nourriture…en pleine crise alimentaire
Une de ces critiques s’articule autour de la problématique du gaspillage qui survient en parallèle à la crise alimentaire actuelle et comme plusieurs autres groupes de « popote autogérée », le collectif trifluvien s’adonne au dumpster diving.
Jérémie est étudiant en arts visuels et co-porteur de l’initiative à l’UQTR. Pour lui, cette pratique de glanage urbain serait désormais bien implantée, même en région :
« Ici comme ailleurs, il y a une mine d’or dans les poubelles, et même s’il y a une petite communauté qui fait du dumpster diving à Trois-Rivières, on n’arrivera jamais à tout récupérer. Les quantités sont incroyables. »
C’est dans cet esprit que son groupe a récemment commencé à récupérer de la nourriture pour en faire profiter le reste de la communauté.
La faim s’invite à l’université
« Aujourd’hui c’est spag et potage de courges! ». C’est sur ces paroles que Jérémie accueille les gens qui se présentent dans le petit local isolé du pavillon Benjamin-Sulte à l’UQTR.
Selon lui, la crise alimentaire touche particulièrement la communauté étudiante:
« C’est criant, quand il y a des distributions à la banque alimentaire, la file est longue. Ça touche encore plus les étudiants internationaux : ils ont moins de ressources dans leurs réseaux et paient souvent des prix exorbitants pour leurs logements ».
La banque alimentaire dont il parle est une autre initiative étudiante, celle de l’organisation religieuse Groupe biblique universitaire, qui gère aussi un frigo libre-service favorisant le partage d’aliments.
Selon Jérémie, c’est en réponse à l’inaction de l’administration universitaire que de telles initiatives prennent naissance actuellement:
« L’université remet la responsabilité sur les épaules des étudiants: ils nous disent essentiellement qu’ils vont nous supporter si on prend action, alors on le fait. Actuellement on est encore en phase d’organisation, mais bientôt on aimerait rejoindre plus de gens, par exemple avec une grande tablée en plein milieu de l’université », lance-t-il avec enthousiasme en ajoutant que son groupe cherche à construire la communauté en démontrant qu’il existe bel et bien des alternatives à ce que le système nous offre actuellement.
Mariannick Mercure