Au début de l’année 2021, la TACAE (table d’actions contre l’apprauvrissement de l’Estrie, Québec) a mis de l’avant la campagne Sac’compte avec ses membres et allié.e.s. Cette campagne avait comme objectifs de briser l’isolement tout en permettant la fabrication de sacs réutilisables avec du tissu récupéré et de distribuer ces mêmes sacs cousus bénévolement à des personnes dans le besoin, pour qui l’achat de sacs réutilisables est une dépense supplémentaire dans un budget déjà trop serré.
La production s’est effectuée de mars à novembre 2021 et la distribution au cours des dernières semaines. Durant cette phase, nous avons rendu visite à quatre organismes luttant dans le domaine de la sécurité alimentaire : la Banque alimentaire Memphrémagog, Moisson Estrie, Sercovie ainsi que La Grande Table. Nous avons pu profiter de ces rencontres pour avoir l’heure juste sur la situation dans la région.
À la Banque alimentaire Memphrémagog, la directrice générale, Andrée Gagnon, parle d’une forte augmentation des demandes provenant surtout de jeunes familles, souvent salariées. Plusieurs personnes, n’ayant pas eu recours au service durant des années, se sont aussi retrouvées à demander à nouveau de l’aide. Le tout couronné d’augmentation de problèmes personnels et de santé mentale. Ce dernier fait démontre clairement que la précarité et la pauvreté ne touchent pas seulement la santé et l’intégrité physique des personnes et que de véritables conséquences sur la santé mentale en résultent.
C’est un son de cloche semblable qui ressort de Moisson Estrie, qui reçoit entre autres les surplus des épiceries et grandes surfaces pour en redistribuer la majorité (60 %) aux divers services d’aide alimentaire de la grande région estrienne. Le 40 % restant est distribué dans leurs divers services de dons individuels. Ici, Émilie Gamache, Coordonnatrice du service d’aide alimentaire, parle d’une augmentation des demandes de 30 % depuis le début de la pandémie. L’organisme voit directement l’impact des problèmes d’approvisionnement et d’inflation : les dons des entreprises diminuent de plus en plus et l’on voit un manque de denrées non périssables.
Sercovie fait écho aux précédents organismes. La directrice des services communautaires, Stéphanie-Claude Leclerc, parle de 20 à 30 % d’augmentations des coûts sur toutes les protéines, et ce en plus d’une baisse de près de 50 % des dons reçus, un impact direct de la situation expliqué ci-dessus. Pour y faire face, les prix demandés pour leurs services ont dû être augmentés, tout en gardant leur 600 à 900 repas journaliers accessibles.
Avec la hausse du coût de la vie, plusieurs personnes se retrouvent à devoir faire le choix entre avoir un toit au-dessus de la tête ou manger trois repas chaque jour. Dans une société riche comme la nôtre, il est aberrant de voir que cette réalité existe encore et qu’elle gagne du terrain à une vitesse qui devrait tous et toutes nous interpeller ! La charité peut être utile pour amortir une partie des problèmes, mais sans mesures structurantes de la part des gouvernements, on ne peut qu’assister à la hausse des demandes d’aide pendant que l’offre d’aide diminue.
Jean-Philippe Benjamin, Entrée Libre, Sherbrooke, Septembre 2022