Comme bien d’autres travailleurs étrangers temporaires, Alex et Maynor quittent leur famille pour venir prêter main-forte aux producteurs québécois et contribuer au succès des récoltes. Ces deux Guatémaltèques ont accepté de nous faire part des espoirs qui les animent dans cet exil saisonnier exigeant.
Cela fait déjà cinq ans qu’Alexander Josue Ajtzac Cristal, 28 ans, et Maynor Calca Ejcalõn, 34 ans, quittent leur Guatemala natal pour venir travailler près de six mois par an aux Vallons Maraîchers dans la région de l’Estrie, dans le but de participer à la cueillette des asperges d’abord, mais aussi à tous les autres travaux liés aux différentes récoltes. Chacun laisse derrière lui des gens qu’il aime et à qui il parle le plus souvent possible pour étouffer l’ennui bien présent.
La famille au centre de leurs préoccupations
Les deux travailleurs vivent dans des villages similaires à celui de Compton. Alex a déjà sa maison à lui dans le secteur d’Ixmche Paxil, Tecpan, au centre du pays. Maynor vit à Xeatzãn Bajo, un village entouré de boisés et de volcans, aussi situé au centre du pays non loin de la ville de Patzún. Tous deux sont très proches de leur famille.
« Même si je n’ai pas encore de femme et d’enfants, j’ai une grande famille au Guatemala, nous explique Alex. Je suis très proche de ma mère et de mon père. Chez nous, nous cultivons une parcelle de terre où nous produisons des brocolis, des pois, des betteraves et du maïs, essentiel pour la farine et la fabrication de tortillas, la base de notre alimentation ! J’ai aussi deux frères et cinq sœurs. Je leur parle très régulièrement. Par contre, avant de fonder ma propre famille, je veux être bien installé et aussi, tant que je vais venir au Québec, je préfère ne pas avoir de femme ni d’enfants qui m’attendent au pays. »
Quant à Maynor, c’est sa femme Bilma et ses trois garçons, Fernando huit ans, Augusto, six ans, Dilan Santiago, quatre ans, qu’il a laissés là-bas. Il parle à ses bambins tous les soirs avant qu’ils se couchent.
« J’essaie de bien leur faire comprendre que le fait que nous sommes séparés pour je vienne travailler ici à l’étranger, c’est pour que nous ayons tous une vie meilleure à la maison. Je dois souvent les rassurer et leur expliquer que le travail dans les champs au Guatemala ne nous donne pas autant d’argent que ce que je gagne ici, au Québec. »
L’homme se confie un peu plus.
« Après notre mariage, ma femme et moi, nous sommes demeurés encore un an chez mes parents. Puis, j’ai enfin pu nous offrir une maison et fonder notre famille. Dans les années à venir, j’espère pouvoir construire une autre maison sur le terrain que j’ai pu acheter à côté de chez nous. Je veux offrir ce toit à mes gars plus tard. Comme ça, ils auront un pas de plus de déjà fait dans la vie. L’argent que je gagne ici va aussi servir à leur payer de bonnes études. Je veux qu’ils aient un choix de travail plus tard, qu’ils désirent occuper un poste professionnel ou être agriculteur, s’ils préfèrent travailler aux champs. Mais qu’ils puissent choisir ce qu’ils veulent faire. Ma femme, elle, travaille deux jours par semaine en alphabétisation pour les personnes âgées et elle fabrique aussi des vêtements traditionnels. »
Préserver le kaqchikel
La continuité des traditions est importante au Guatemala. Pour Alex et Maynor, préserver le kaqchikel, leur dialecte amérindien, est primordial.
Maynor nous en parle : « Pour nous, il est fondamental de conserver notre langue maternelle et de maintenir la tradition. Les enfants l’apprennent à l’école et nous le parlons toujours à la maison. Cette langue est une part de nos racines, il ne faut pas l’oublier. »
En plus de cette tradition, celle d’organiser des fêtes est aussi très populaire. Si un saint est associé à un village, ils vont tenir une célébration communautaire le jour de son anniversaire. Ils célèbrent ainsi avec beaucoup d’exubérance plusieurs fêtes religieuses tout comme les anniversaires familiaux et ils adorent créer des fêtes de quartier pour se retrouver tous ensemble autour de bons repas égayés de musique.
Et demain ?
Combien de temps pensent-ils venir encore travailler au Québec ?
Pour Alex, c’est clair. « Je vais venir travailler au Québec encore quelques saisons pour gagner un peu plus d’argent, car je veux bien m’installer, avoir ma maison et une terre avant d’avoir une famille. Je veux que ma femme et mes enfants vivent bien et ne manquent de rien. C’est pourquoi je viens travailler ici, car cela me permet de croire en un avenir meilleur et plus confortable. Puis, aussi, quand je serai finalement de retour au pays, je pourrai terminer mes études comme infirmier. Comme ces cours se donnent dans la même période où je suis ici, j’ai dû arrêter, mais je me promets d’obtenir mon diplôme un jour ! »
Quant à Maynor, il est certain qu’il espère revenir au pays pour retrouver sa famille et pouvoir enfin demeurer toujours avec eux. Mais pour lui aussi, demain se compose, encore pour quelque temps, de ces séjours de travail à l’étranger, dans l’espoir d’en arriver à cette vie meilleure à laquelle il rêve chaque matin, au réveil.
Danielle Goyette, L’Écho de Compton, Mai 2022