La misère historique des groupes sociaux dominants, qui se sont enrichis en volant la vie de milliards d’êtres humains et de la nature
Riccardo Petrella, Professeur émérite de l’Université Catholique de Louvain, Belgique
Il faut arrêter de maintenir, même sans le vouloir, l’idée que l’inégalité face aux droits à la vie, la pauvreté en particulier, sont des phénomènes « naturels », inévitables, insolubles sauf localement . Il faut arrêter de croire qu’il faut cesser d’entretenir certaines catégories sociales.
Nous devons réaffirmer que la pauvreté est un processus, une construction sociale, le résultat de l’appauvrissement, provoqué et entretenu par les groupes sociaux dominants, précisément les «appauvrisseurs » .
Le plus souvent, l’abondance de données qui font réfléchir, les chiffres intolérables, les rapports annuels sur l’extrême pauvreté, les milliardaires toujours plus nombreux et les appauvris dans des conditions de vie toujours plus extrêmes, se terminent par des pétitions adressées aux puissants pour qu’ils réduisent l’injustice, des appels aux gouvernements et aux riches pour qu’ils soient un peu moins égoïstes, des exhortations à la solidarité et à la compassion.
Assez.
Depuis plus de 50 ans, la litanie se répète, par exemple les rapports d’Oxfam, sans compter la multitude de rapports des différentes agences de l’ONU, de la Banque mondiale et même du grand temple, le Forum économique mondial, où se réunissent chaque année les principaux « appauvrisseurs » (et enrichis) de la planète. Entre-temps, tout le monde sait aujourd’hui que depuis l’apparition de la pandémie de Covid- 19, le nombre de milliardaires a augmenté (573) alors que 263 millions de personnes sont « tombées » (sic !) dans l’extrême pauvreté.
Et que se passe-t-il, au-delà des dignes dénonciations du Pape François et de milliers de petites associations dans les différents coins de la terre ? Rien. Ce qui aurait dû « logiquement » se produire (changements de système) ne s’est pas produit.
Mais nous devons être reconnaissants envers les millions de citoyens ordinaires qui, avec passion, à titre bénévole ou rémunéré, dans tous les domaines (de la santé à l’aide aux plus faibles, aux exclus, aux migrants ; de l’enfance à l’éducation, au logement, aux droits humains et sociaux…) font en sorte que, par leurs actions, les immenses villes prédatrices du monde puissent encore être un peu vivables…
Les « appauvrisseurs » du monde, cependant, poursuivent leurs guerres et la dévastation de la vie sur Terre uniquement pour préserver et accroître leur pouvoir et continuer à voler la vie des autres et de la nature.
Assez. Depuis des années, le cri planétaire « changeons le système » résonne sur tous les continents, mais lui non plus ne semble pas faire bouger d’un pouce la minorité des «appauvrisseurs » et des prédateurs.
Se rendre ? Abandonner ? Essayer de se sauver ? Même ces solutions, qui prédominent aujourd’hui, ne semblent pas donner de bons résultats ; au contraire, la peur de l’extinction massive augmente, tout comme le manque de confiance dans les autres.
Non, nous ne devons pas abandonner, nous ne devons pas céder. Nous devons dénoncer toujours, avec force, sans compromis, les œuvres des « appauvrisseurs », des semeurs de racisme, de classisme, de xénophobie, de suprématisme, en tous lieux, en tous temps. Nous devons jurer contre le cynisme, l’hypocrisie et la lâcheté des puissants, des « appauvrisseurs » et des prédateurs, y compris la mesquinerie des opportunistes. Ils ne méritent aucune admiration, ni aucun respect.
Nous devons unir nos actions au niveau mondial car l’histoire montre que les faibles, les exclus, les démunis ne peuvent vaincre l’inégalité que lorsqu’ils sont unis. Au contraire, ils sont vaincus lorsque, comme au cours des quarante dernières années, ils se sont divisés et ont perdu la foi en leur capacité à changer le cours de l’histoire. Pour exemple, le cas des ouvriers et des « intellectuels progressistes ».
L’histoire de l’humanité et de la vie de la Terre reste à écrire.
Debout, habitants de la Terre. Unis.