Les militants et l’équipe de défense acceptent de commencer le processus de demande d’amnistie. Déclaration sévère du HCDH (Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme)
Par un verdict partagé à deux contre un, le tribunal de Tocoa a déclaré coupables six des huit défenseurs de l’eau et de la vie de Guapinol.
José Márquez Márquez, Kelvin Romero Martínez, José Abelino Cedillo Cantarero, Porfirio Sorto Cedillo, Ewer Cedillo Cruz et Orbin Nahún Hernández ont été reconnus responsables des délits de dommages simples et aggravés contre l’entreprise minière Inversiones Los Pinares, et de privation illégale de liberté et de dommages aggravés contre le contractant de l’entreprise, Santos Corea.
Les deux autres défenseurs, Arnol Alemán et Jeremías Martínez Díaz, ont été acquittés de toutes les charges.
Tous sont membres du Comité Municipal de Défense des Biens Communs et Publiques de Tocoa (CMDBCP).
Cette condamnation intervient après près de 30 mois de détention provisoire injuste, illégale et arbitraire, contre laquelle d’innombrables organisations nationales et internationales et des organismes multilatéraux, tels que les Nations unies, se sont élevés.
Edy Tabora, de l’équipe de défense juridique des huit défenseurs, a condamné la décision des juges Ricardo Rodríguez Barahona et Henry Duarte Zaldívar.
“Clairement c’est une décision politique basée sur les intérêts de l’entreprise. C’est une décision corporative prise entre le ministère public, la compagnie minière Inversiones Los Pinares et les deux juges. C’est une décision qui reflète la prostration du cadre institutionnel.”
Un jugement truqué
Cette décision partagée, poursuit Tabora, montre que nous avions raison depuis le début et que les camarades sont innocents. Depuis trois ans, le ministère public orchestre un montage judiciaire, mais il n’a jamais été capable de le maintenir.
Selon le défenseur, les preuves présentées étaient basées sur des témoins qui “sont venus pour mentir et qui ont répondu à des intérêts économiques, puisqu’ils sont tous liés à l’entreprise”.
“Il s’agit d’une décision fabriquée de toutes pièces et fondée sur l’arbitraire. Ils n’ont jamais pu prouver l’existence des dommages qui leur étaient reprochés, ni la participation des huit défenseurs. Tout cela n’était qu’une farce”, a déclaré l’avocat de la défense.”
Face à une situation devenue extrêmement grave, les six défenseurs et l’équipe juridique ont accepté de présenter un document demandant l’application du décret d’amnistie, récemment approuvé par le Congrès national.
“Il est important de préciser qu’ils ne sont pas coupables, qu’ils se considèrent comme des prisonniers politiques, qu’ils n’ont rien fait de mal et qu’ils n’ont fait que défendre l’environnement et l’eau. Ils demandent que leur innocence soit reconnue.”
Le décret d’amnistie 04-2022, déjà sanctionné par la présidente Xiomara Castro – qui, dans son discours d’investiture, a demandé la liberté pour les défenseurs de Guapinol – et publié au Journal officiel, est un outil permettant aux défenseurs qui ont été criminalisés et poursuivis pendant les douze années qui ont suivi le coup d’État (N.d.T. : 2009) d’obtenir leur liberté.
Le décret prévoit plusieurs motifs, entre autres, qu’ils ont été arbitrairement condamnés pour des actes de défense de la souveraineté, du territoire, des biens communs (…), que leurs actions ont été criminalisées par les opérateurs de justice “pour des motivations politiques dans un contexte d’anomalie démocratique, générant un conflit social extrême pour des raisons économiques”.
De même, que les crimes pour lesquels ils ont été poursuivis s’inscrivent dans le cadre normatif de l’ancien et du nouveau Code pénal.
A ces égards, les six défenseurs condamnés remplissent toutes les conditions pour l’application immédiate de l’amnistie. Le tribunal devra prochainement convoquer une audience ad hoc afin que les défenseurs puissent présenter leurs arguments et démontrer qu’ils remplissent les conditions pour que l’amnistie leur soit appliquée.
Réactions
Le Bureau au Honduras du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits humains (HCDH) a publié une déclaration exprimant sa profonde préoccupation quant au jugement rendu contre les défenseurs de la rivière Guapinol.
“Nous réaffirmons que les défenseurs de Guapinol sont des défenseurs des droits humains , de la terre, du territoire et de l’environnement, qui réalisent un travail louable en faveur de la démocratie dans le pays.
Ils ont purgé plus de 29 mois de privation arbitraire de liberté et, comme l’a déterminé le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, ils devraient être libérés et recevoir une réparation complète”, a déclaré Isabel Albaladejo, représentante du HCDH au Honduras.
Le Bureau a appelé les autorités à garantir la vie et l’intégrité des défenseurs condamnés et acquittés, de leurs familles, de la communauté et de leurs représentants légaux.
“L’État doit garantir que le droit de défendre les droits humains se développe sans aucun type de pression arbitraire ou abusive qui entrave son exercice légitime”, a-t-il ajouté.
Enfin, le HCDH a reconnu que les actions du ministère public n’étaient pas régies par le principe d’objectivité et ne répondaient pas au standard minimum de preuve pour démontrer la culpabilité des défenseurs.
“Nous regrettons que les décisions judiciaires (détention provisoire et procès oral et public) présentent des signes de manque d’impartialité et de motivation, ce qui se traduit par une violation des garanties d’une procédure régulière et du droit à un procès équitable”, a-t-il déclaré.
Le Secrétaire d’État aux droits humains (Sedh) a également condamné fermement cette affaire, rappelant dans un communiqué comment ce ministère a assuré le suivi et l’accompagnement des défenseurs de Guapinol “qui, pour avoir défendu le droit à la terre, ont été criminalisés et injustement détenus, et qui reçoivent aujourd’hui un verdict de culpabilité que cette institution ne partage pas, et se joint aux voix qui appellent à une véritable application du droit à la justice”.
Contexte
Ces dernières années, au moins 32 personnes ont été poursuivies pour avoir défendu le territoire et les rivières qui descendent du parc national de la “Montaña de Botaderos”, dont la zone centrale est menacée par l’entreprise minière Inversiones Los Pinares (NE Holdings Inc et NE Holdings Subsidiary Inc), anciennement EMCO Mining Company.
Dans cette zone, il existe environ 34 sources d’eau qui alimentent les villes et les communautés. Les rivières Guapinol et San Pedro, en particulier, subissent les principaux impacts. Les communautés et les populations de la zone n’ont jamais été consultées avant l’octroi des concessions à la société minière.
Les sociétés holding qui gèrent Inversiones Los Pinares sont contrôlées par Lenir Pérez Solís, déjà impliqué dans d’autres conflits miniers par le passé, et Ana Facussé Madrid, fille du célèbre propriétaire de palmiers Miguel Facussé Barjum.
Le nom de Facussé a été lié par le passé au grave conflit agraire de Bajo Aguán, où des dizaines de paysans organisés ont perdu la vie, et à la dépossession territoriale dans la péninsule de Zacate Grande.
Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a déterminé que les défenseurs de Guapinol “sont détenus de manière arbitraire” et que cette mesure “contrevient à la Déclaration universelle des droits de l’homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques”.
Elle a également considéré que le remède approprié est “de libérer immédiatement les défenseurs, en leur accordant le droit d’obtenir la réparation nécessaire pour la violation de leurs droits”.
L’État n’a jamais répondu et a ignoré les recommandations.
Traduction de l’anglais par Camilo Morales