L’année 2021 s’est achevée sur la disparition de deux grandes personnalités qui se sont illustrées dans la défense des droits humains et de la justice sociale : Desmond Tutu et Roberto Garretón.

Ils ont eu tous les deux une vie bien remplie, dont n’étaient exclues ni les controverses, ni les désaccords. Ils ont dû affronter des systèmes dans lesquels la justice était injuste parce qu’elle s’était adaptée à l’idéologie prédominante dans leur pays respectif, l’Afrique du Sud et le Chili. Issus d’origines et de milieux différents, ils ont opté tous les deux pour une résistance sans violence en faveur des sans-voix, ceux qui souffrent d’être humiliés et exploités.

Desmond Tutu était archevêque de l’église anglicane du Cap. Il était noir et vivait dans une société dans laquelle les Noirs étaient séparés de la minorité blanche. De plus, il venait d’une famille qui vivait dans la pauvreté. En 1989, il a été récipiendaire du prix Nobel de la paix.

Il est impossible de résumer sa vie et son œuvre en une seule phrase ; mais il faut quand même citer une de ses expression favorites — un appel à devenir actif et à rompre avec la passivité et l’indifférence : « Si, dans une situation d’injustice, tu restes neutre, c’est que tu as adopté le point de vue de l’oppresseur. »

Roberto Garretón, de son côté, était originaire d’une famille chilienne de la haute société. Après avoir étudié le droit à l’université du Chili, il est devenu avocat en 1967. Peu après, en 1973, il intègre l’équipe du Comité Pro Paz (comité pour la paix) puis le Vicaría de la Solidaridad (vicariat de la solidarité), qui est sous le contrôle de l’archevêché de Santiago. Sur la scène internationale, il était membre de la Commission des droits de l’homme des Nations unies. En 2020, il a obtenu le prix national des droits de l’homme.

Pour Roberto Garretón, il était important d’accéder à la justice et de mettre un terme aux atteintes aux droits de l’homme. De ce point de vue, il était toujours très attentif au fait que les situations engendrant ces infractions ne devaient pas se répéter. La phrase qui résume le mieux son propos, c’est : « Le pire pour un pays, c’est de ne pas avoir de mémoire. »

Les deux expressions ont un noyau commun : l’appel à l’action sur la base de la raison. Un dialogue pour écouter, pour apprendre, pour résoudre et non pas pour imposer quelque chose aux autres ou pour exercer une contrainte. C’est pourquoi il est si frustrant pour nous, qui
défendons la raison dans les instances de participation — comprises comme un nouveau vivre-ensemble, comme une nouvelle citoyenneté —, de constater que c’est une escalade de la violence qui mène à la raison après avoir abandonné les victimes qui ont cherché à se rebeller contre les oppresseurs ou bien préféré adopter une position de neutralité.

Les itinéraires de Desmond Tutu et Roberto Garretón, qui incarnent aujourd’hui une partie de l’histoire, nous incitent à ne pas oublier ce qu’ils ont réussi à faire pour leurs semblables. Cela confirme le bien-fondé de notre proposition d’une nouvelle constitution chilienne, qui pourrait remplacer l’actuelle devise nationale, celle qui se trouve aujourd’hui sur l’emblème de notre État « Por la razón o la fuerza » (par la raison ou par la force), par une autre beaucoup plus tolérante et plus d’époque :

« Por la fuerza de la razón » (Par la force de la raison).

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Roberto Garretón – Foto derecho.uchile.cl

Traduction de l’allemand, Didier Aviat