Par Joseph Gerson.*
Nous avons été bombardés de reportages et d’annonces du président Biden et du secrétaire d’État Blinken selon lesquels une invasion russe de l’Ukraine est imminente. Le 18 janvier, alors qu’il se préparait à partir pour Kiev, Berlin et Genève, le secrétaire d’État Blinken a déclaré : « Nous sommes maintenant à un stade où la Russie pourrait à tout moment lancer une attaque en Ukraine. » Un jour plus tard, le président Biden a annoncé qu’il s’attendait à ce que le président russe Poutine ordonne une invasion. Et tous deux ont étayé leurs avertissements alarmistes en proclamant sans autre précision l’unité de l’OTAN et en brandissant la menace d’une « réponse sévère et unie » en cas d’invasion russe en Ukraine.
Il est notable que dans toute l’Europe, les craintes d’une invasion russe imminente aient été relativement absentes. On considère que les 100 000 soldats que la Russie a déployés le long de ses frontières avec l’Ukraine sont un outil de négociation. Et lorsque le secrétaire d’État Blinken et le ministre russe des affaires étrangères Lavrov se sont rencontrés à Genève, ils se sont engagés à poursuivre sur la voie de la diplomatie.
Il s’agit d’une crise totalement inutile, alimentée en grande partie par l’insistance des États-Unis à maintenir la politique de la « porte ouverte » de l’OTAN, alors qu’en réalité, il est peu envisageable que la France ou l’Allemagne acceptent que l’Ukraine devienne un État membre de l’OTAN. La résolution de la crise pourrait être accélérée si le président Biden ou le secrétaire d’État Blinken se rendaient à l’évidence : « Nous comprenons qu’il existe de profondes inquiétudes de part et d’autre. Étant donné que nos alliés ne sont pas pressés d’accueillir l’Ukraine dans l’OTAN, nous proposons un moratoire sur les nouvelles adhésions à l’OTAN. Au-delà, nous souhaitons une série de négociations constructives pour établir un cadre de sécurité eurasiatique durable pour le 21e siècle. »
Une telle déclaration éloignerait toutes les forces en présence du bord du gouffre. Au lieu de cela, l’insistance des États-Unis à maintenir la possibilité que l’Ukraine et la Géorgie rejoignent l’OTAN exacerbe la crise aux multiples facettes.
La crise se prépare depuis des années. En 1990, la Charte de Paris sur l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, signée par 34 chefs d’État, « a marqué le début d’une nouvelle ère, les États prenant un engagement sans précédent en faveur des libertés individuelles nationales, de la gouvernance démocratique, des droits de l’homme et de la coopération transnationale ».[1] Sept ans plus tard, elle a été suivie par la signature de l’Acte fondateur OTAN-Russie, qui consacre l’engagement à assurer une sécurité égale et à ne pas rechercher la sécurité au détriment de celle de l’autre. Et en 1999, la Charte de sécurité européenne de l’OSCE engageait ses États membres à « ne pas renforcer leur sécurité au détriment de la sécurité d’autres États ».
Plus que le sort incertain de l’Ukraine, c’est la violation de ces engagements à créer un ordre de sécurité européen de l’après-guerre froide qui est au cœur de la dangereuse crise actuelle. Comme l’aurait dit Malcolm X, les poulets sont rentrés au poulailler.
Plutôt que de reconnaître et de corriger les erreurs commises en cours de route, l’incapacité arrogante des dirigeants des États-Unis et de l’OTAN à reconnaître les préoccupations légitimes de la Russie en matière de sécurité a précipité ce que l’on appelle la crise ukrainienne. Il s’agit en réalité d’une crise transeuropéenne. Contrairement à la violente rhétorique publique de toutes les parties, une invasion russe de l’Ukraine à court terme semble peu probable. Mais elle pourrait être déclenchée par un incident involontaire, un accident ou une erreur de calcul.
Il existe des options diplomatiques de realpolitik et de sécurité commune qui pourraient résoudre la crise et s’appuyer sur la Charte de Paris et l’Acte fondateur OTAN-Russie. Ces options ont été préconisées par l’ancien ambassadeur des États-Unis en Russie, James Matlock, et par d’autres anciens responsables et analystes de sécurité américains, russes et européens menant des discusssions informelles dans le cadre de la diplomatie parallèle (Track II diplomacy).
Trois crises interdépendantes – et non pas une seule
L’élaboration de solutions diplomatiques mutuellement bénéfiques nécessite de démêler ce qui est communément présenté comme une crise unique. Malheureusement, nous sommes confrontés à au moins trois crises imbriquées, et non pas à une seule : 1 la lutte entre les Ukrainiens galiciens (occidentaux) et les Ukrainiens orientés vers la Russie (orientaux) au sujet de l’identité et de l’avenir de l’Ukraine ; 2 la crise des relations russo-ukrainiennes qui a de profondes racines historiques ; 3 les ambitions concurrentes de deux empires en déclin (les États-Unis et la Russie) pour renforcer leur pouvoir et leur influence en Europe, renforcées par l’incapacité des nations européennes à créer un système de sécurité durable pour l’après-guerre froide.
La crise d’identité de l’Ukraine : Étant donné les divisions profondes qui existent aux États-Unis depuis 1619, notre guerre civile et tout le XXe siècle, nous devrions prendre en compte les événements historiques qui se répercutent sur la culture et la politique ukrainiennes. Pour plus de détails, l’ouvrage de Richard Sakwa, Frontline Ukraine, constitue une source précieuse. Pour faire court, la Rous de Kiev et sa conversion en 988 à l’orthodoxie orientale constituent les fondements de la nation russe. Dans les années 1400, l’Ukraine a fait partie de l’empire lituanien, puis polonais. En conséquence, les habitants de l’ouest de la Galicie sont principalement catholiques, orientés vers l’ouest et ukrainophones, tandis que ceux de l’est sont principalement orthodoxes, orientés vers la Russie et russophones. Dans le but de créer un port en mer chaude pour sa flotte de la mer Noire, la Grande Catherine de Russie a annexé la Crimée en 1783. Au cours de trois guerres russo-turques et des divisions de la Pologne durant son règne, l’Ukraine est tombée entièrement sous le contrôle de la Russie.
Au 20e siècle, des millions d’Ukrainiens sont morts de faim dans les années 1930 à la suite de la collectivisation brutale de l’agriculture par Staline. N’aimant ni les Soviétiques ni la Russie, les forces antisoviétiques de l’Ukraine orientale se sont alliées à Hitler et ont participé à sa marche dévastatrice vers l’est. Le premier grand massacre de Juifs de l’Holocauste a été infligé à Babi Yar, un ravin près de Kiev. À la fin de la guerre, l’Ukraine a été réintégrée à l’Union soviétique, et en 1954 Kroutchev a transféré la Crimée à l’Ukraine. Avec la disparition de l’Union soviétique en 1991, l’Ukraine est devenue un État indépendant, renonçant à l’arsenal d’armes nucléaires soviétiques héritées de l’URSS en échange d’engagements solennels de la Russie, des États-Unis et de l’Europe à respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
En raison de ses liens historiques avec la Russie et l’Union soviétique, l’économie de l’Ukraine orientale était profondément intégrée à la Russie, tandis que de nombreux habitants de l’ouest recherchaient la prospérité par le biais de liens avec l’Occident. En 2013, une demande d’adhésion à l’Union européenne a été déposée, mais lorsque l’UE a exigé une relation de type « tout ou rien », qui impliquait la rupture des liens avec la Russie, le Premier ministre ukrainien Ianoukovitch a retiré la demande d’adhésion, ce qui a précipité la crise de Maïdan: des manifestations massives et initialement non violentes au cœur de Kiev. Contrairement à la norme du respect de l’autodétermination nationale des autres pays, le sénateur McCain, la secrétaire d’État adjointe américaine Victoria Nuland et le directeur de la CIA Brennan se sont crus appelés à soutenir la révolte de Maidan. Un compromis consistant à avancer la date des élections, a été trouvé, mais il a ensuite été violé par des manifestants armés, ce qui a conduit le Premier ministre Ianoukovitch à fuir le pays. S’ensuivirent les proclamations de républiques populaires indépendantes de Donetsk et de Louhansk dans l’est de l’Ukraine, renforcées par l’intervention des « petits hommes verts » de Moscou et de forces militaires non officielles. La Russie a récupéré la Crimée et sa flotte de la mer Noire, et une guerre civile d’intensité relativement faible a suivi.
La Russie et l’Ukraine : La dimension russo-ukrainienne de la crise parle d’elle-même. Kiev a joué un rôle central dans la création de la nation russe il y a un millénaire. L’Ukraine orientale est restée une partie intégrante des empires russe et soviétique pendant des siècles (tandis que la Galicie a été gouvernée par la Pologne, la Lituanie et l’Autriche du 13e siècle à la fin de la Première Guerre mondiale). Cette histoire a été renforcée par la responsabilité autoproclamée de la Russie de défendre les Slaves d’Europe, un courant puissant de la culture russe, sans parler de ses liens linguistiques et religieux avec l’Ukraine. La plupart des Russes pensent que la Crimée et l’est de l’Ukraine sont intrinsèquement russes, et nombreux sont ceux qui étendent les revendications russes jusqu’à Kiev.
La plupart des Ukrainiens et une grande partie du monde ne partagent pas ce point de vue. Il existe une longue histoire de résistance ukrainienne à la domination et au pouvoir russes. Le respect de l’intégrité territoriale ukrainienne, promis lors de la renonciation à l’arsenal nucléaire, est un pilier sans équivoque du droit international. Et tout comme les armées du Nord des États-Unis avaient le droit constitutionnel de vaincre les sécessionnistes du Sud soutenus par l’Angleterre dans les années 1860, le gouvernement ukrainien est réputé avoir le droit de réprimer les efforts sécessionnistes. Il y a, bien sûr, des exceptions à cette règle.
Les États-Unis, la Russie et l’OTAN : Depuis la fin de l’alliance américano-soviétique qui a vaincu Hitler, les empires américain et russe se sont disputés le contrôle et l’influence d’une grande partie de l’Europe. Avec la division de l’Europe par Roosevelt, Churchill et Staline à Yalta en 1945 – y compris la division de l’Allemagne – la Russie a transformé l’Europe de l’Est en nations satellites aux régimes autoritaires qui ont servi de tampon, de garantie contre les futures invasions de l’Ouest. Cela n’était pas tout à fait différent de la doctrine Monroe, grâce à laquelle les États-Unis ont maintenu les puissances concurrentes à distance et, à quelques exceptions près, ont maintenu en place les dirigeants nationaux obéissants pendant plus de 200 ans.
Pour leur part, les États-Unis ont lancé le plan Marshall pour assurer la stabilité politique et économique en Europe occidentale. Avec la création de l’alliance militaire de l’OTAN en 1949 et les troupes américaines basées dans une grande partie de l’Europe, Washington était assuré de pouvoir, comme l’a fait remarquer le premier secrétaire général de l’Alliance, « maintenir l’Allemagne à terre, la Russie en dehors et les États-Unis à l’intérieur ». Le statut contesté de Berlin en a fait le point chaud le plus dangereux de la guerre froide. Et conformément à l’accord de Yalta, les États-Unis ne sont pas directement intervenus pour soutenir les révoltes polonaises, hongroises ou est-allemandes contre le pouvoir soviétique, et les Soviétiques se sont gardés d’intervenir directement aux côtés des communistes pendant la guerre civile grecque ou en réponse à la subversion américaine des élections françaises et italiennes.
Le refus de Gorbatchev d’intervenir pour conserver les clients soviétiques d’Europe de l’Est et la chute du mur de Berlin marquent la fin de la division de l’Europe établie par Yalta. Le tampon préservant la Russie contre l’Ouest disparut, ouvrant une période d’espoir et d’incertitude. Pendant une brève période, sur la base du paradigme de la sécurité commune (la compréhension du fait que la sécurité ne peut être obtenue contre une nation rivale, mais seulement avec elle, qui a jeté les bases de la fin de la guerre froide et du traité sur les forces nucléaires intermédiaires) renforcée par les accords de 1990 et de 1997, une vision d’une maison commune de l’Europe a prévalu.
Cette vision et ces engagements ont volé en éclats lorsque les présidents Clinton et George W Bush ont profité du chaos et de la faiblesse post-soviétiques de la Russie sur le moment pour étendre l’OTAN à l’Est. Le traité de réunification de l’Allemagne avait été négocié à la condition qu’aucune force de l’OTAN ne soit basée en Allemagne orientale. Les promesses faites par le président Bush et le secrétaire d’État Baker au cours des négociations, selon lesquelles l’OTAN ne se rapprocherait pas d’un centimètre de la Russie, ont amené l’élite russe à croire ces engagements américains. Le fait que Gorbatchev n’ait pas réussi à obtenir ces engagements par écrit est regretté par les Russes informés de ce fait.
Il est à noter que l’auteur de la doctrine d’endiguement des États-Unis pendant la guerre froide, George Kennan, avait averti à l’époque que l’élargissement de l’OTAN jusqu’à la frontière russe déclencherait une nouvelle guerre froide. Il est vrai que, compte tenu de l’histoire du XXe siècle et des divisions antérieures de la Pologne, les pays d’Europe de l’Est avaient des raisons de rechercher des garanties durables pour leur sécurité nationale, mais d’autres moyens que l’adhésion à l’OTAN n’ont pas été recherchés.
Dans les décennies qui ont suivi, l’OTAN s’est étendue jusqu’à la Russie. Des troupes américaines et allemandes sont désormais basées et effectuent des exercices le long des frontières de la Russie.
La réponse de Poutine
L’identité de la Russie et son statut de grande puissance ont de plus en plus mis Moscou sur la défensive. La Charte de Paris et les garanties de l’Acte fondateur Russie-OTAN sont en lambeaux. Moscou a été ennuyé d’avoir été incapable de défendre la Serbie slave lorsque la Yougoslavie a été démembrée. Il y a un gouvernement pro-occidental à Kiev. Et l’OTAN a signalé la possibilité d’une future adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie, tandis que les forces de l’OTAN effectuent des exercices le long de la frontière russe et que les forces navales et aériennes américaines font pression sur la Russie en mer Baltique et dans la mer Noire. Il n’est donc pas surprenant que Poutine ait réagi dans la tradition selon laquelle la meilleure défense est une bonne attaque.
Il a d’abord défié l’hégémonie déclinante des États-Unis au Moyen-Orient en intervenant militairement en faveur de la dictature syrienne d’Assad. La marine et l’aviation russes se sont engagées dans des confrontations provocantes avec des navires et des avions de guerre occidentaux dans et au-dessus de la mer Baltique et de la mer Noire. L’alliance fonctionnelle de la Russie avec la Chine s’est approfondie. Et Poutine a maintenant défié les États-Unis, l’OTAN et certainement l’Ukraine en entourant le pays de trois côtés avec 100 000 soldats sans doute en mesure de conquérir tout ou partie de cette nation.
Poutine et son gouvernement ont une main puissante, mais pas une main sûre. Comme le secrétaire d’État Blinken et les alliés de l’OTAN l’ont prévenu, les représailles économiques occidentales contre la Russie, si celle-ci envahissait l’Ukraine, pourraient avoir de graves conséquences pour l’économie russe et donc pour le maintien au pouvoir de Poutine. La Russie serait confrontée aux conséquences invalidantes d’une résistance insurrectionnelle ukrainienne prolongée, un peu comme ce que les Soviétiques et les États-Unis ont subi en Afghanistan et au Vietnam. Elle serait confrontée aux restrictions d’un isolement international croissant. Et la crise ukrainienne a déjà conduit à une nouvelle consolidation de l’alliance de l’OTAN et à un alignement plus profond de la Suède et de la Finlande sur l’OTAN.
Le plus inquiétant est peut-être que, si le président Biden et l’OTAN ont pour l’instant exclu une contre-attaque militaire en cas d’invasion de l’Ukraine par la Russie, rien n’est certain en temps de guerre. Tout comme des coups de feu imprévus ont déclenché une guerre mondiale non désirée en 1914, aujourd’hui un incident, un accident ou une erreur de calcul, aggravé par de puissantes forces nationalistes, pourrait conduire à une guerre plus large, entre grandes puissances, et potentiellement nucléaire.
Heureusement, les diplomates russes ont répété que la Russie n’avait pas l’intention d’envahir l’Ukraine, et la diplomatie reste à l’ordre du jour.
Les alternatives de sécurité commune
Nous pouvons être horrifiés par le régime autoritaire de Poutine, par l’agression militaire passée de la Russie et par les menaces implicites actuelles. Cela ne les fait pas disparaître pour autant. La réalité est que les États-Unis, la Russie et bon nombre de leurs alliés ont pratiqué les relations internationales dans la tradition de la Mafia. L’insistance arrogante, têtue, anti-historique et finalement autodestructrice du président Biden et du secrétaire d’État Blinken à s’accrocher au fantasme d’une éventuelle adhésion future de l’Ukraine à l’OTAN ne fait qu’aggraver la crise. Lorsque les éléphants se battent, ils ne se menacent pas seulement les uns les autres, mais aussi les fourmis et l’herbe en dessous d’eux. Cela fait forcément mal à d’autres.
L’administration Biden ferait bien de commencer par déclarer que, face aux violations par l’Occident de la Charte de Paris, de l’Acte fondateur OTAN-Russie et des accords selon lesquels l’OTAN ne bougerait pas d’un centimètre de plus vers l’est, les États-Unis reconnaissent que les Russes ont plus qu’un petit argument à faire valoir de leur côté.
Malgré le ton belliqueux de la rhétorique publique et de la propagande qui a précédé et suivi les récentes rencontres diplomatiques, certains progrès ont été réalisés. Pour la première fois en deux ans, il y a eu des échanges ouverts et – à défaut d’être chaleureux – quasi « professionnels ». Les lignes rouges de toutes les parties ont été clairement identifiées. Derrière les portes closes, on reconnaît de plus en plus que la résolution de la crise exigera la réciprocité dans les négociations futures sur l’ensemble des questions en suspens. Et des engagements ont été pris pour de futures négociations.
Winston Churchill, tout raciste, colonialiste et alcoolique qu’il était, avait raison lorsqu’il disait :« jaw-jaw is better than war-war » (Mieux vaut discuter que se faire la guerre). Aussi difficiles et complexes que soient les défis du moment, avec une diplomatie rationnelle et de sécurité commune, cette crise peut être transformée en une opportunité.
Comme l’ont conseillé l’ancien ambassadeur des États-Unis en Russie James Matlock et d’autres, il existe une solution évidente à la crise ukrainienne : en s’appuyant sur l’accord Minsk II qui a rendu possible le cessez-le-feu de 2014, les négociations entre Américains, Russes, Ukrainiens et Européens devraient aboutir à la création d’un État ukrainien neutre et fédéral. La neutralité autrichienne, finlandaise et suisse fournit de nombreux précédents et on rappelle qu’il y a longtemps, la Belgique a été créée pour servir de tampon entre les empires français et néerlandais. En outre, dans la tradition des cantons suisses, une fédération permettant une autonomie linguistique, religieuse, culturelle et, dans une certaine mesure, politique, pourrait apporter aux Ukrainiens la stabilité et la prospérité à long terme et, s’ils le souhaitent, la démocratie.
Dans le cadre des discussions parallèles évoquées ci-dessus, de nombreuses autres options, compromis et processus possibles ont été identifiées pour répondre aux sources plus larges d’insécurité dans l’espace eurasiatique. Nous pouvons espérer qu’elles seront adoptées par les responsables au pouvoir et serviront de base aux futures négociations. Ces options les suivantes :
- alors que la Russie insiste pour interdire définitivement l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et que la France et l’Allemagne s’opposent à l’adhésion de l’Ukraine à l’alliance, l’administration Biden pourrait sauver la face en acceptant un moratoire sur les nouvelles adhésions à l’OTAN pour les 15 prochaines années. Cet engagement pourrait ensuite être prolongé d’un commun accord. Un modèle pour un tel accord serait le moratoire fonctionnel de l’Union européenne sur l’examen de la demande d’adhésion de la Turquie à l’UE.
- la Moldavie et la Géorgie, ainsi que l’Ukraine, pourraient devenir des États neutres.
- tout en réaffirmant le droit souverain de la Russie de déployer ses forces militaires là où elle le juge approprié A L’INTERIEUR de la Russie, les deux parties pourraient s’entendre pour limiter les exercices militaires et les patrouilles frontalières.
- reprise des négociations sur la maîtrise des armements, en commençant par le renouvellement des traités INF et Ciel ouvert,
- aucun déploiement de forces de frappe conventionnelles ou nucléaires de l’OTAN dans les pays limitrophes de la Russie et passage à des réductions majeures de leurs arsenaux nucléaires omnicides.
Un ancien officier supérieur de l’armée américaine, aujourd’hui chercheur dans une grande université américaine, note qu’il serait avantageux pour les États-Unis et l’OTAN d’utiliser les accords fondateurs OTAN-Russie comme une base mutuellement bénéfique pour de futurs accords. Ils imposent des limites aux actions de la Russie, ainsi qu’à celles des États-Unis et de l’OTAN :
- ils limitent les déploiements de l’OTAN et de la Russie.
- en 1997, il n’y avait pas d’armes nucléaires russes à Kaliningrad, à la frontière de la Pologne, ni de troupes russes dans le Donbass, en Ossétie du Sud, en Abkhazie et en Moldavie.
- la Crimée faisait partie de l’Ukraine en 1997, et il y avait moins de troupes russes à cette époque. Le nombre de troupes russes en Crimée pourrait donc être réduit, et un référendum sur l’avenir de la Crimée pourrait avoir lieu après la réduction des forces russes sur place.
- les troupes de l’OTAN et de la Russie pourraient être bannies des anciennes républiques soviétiques.
- des échanges pourraient bien sûr être faits pour modifier les limites de 1997 et pourraient inclure la compensation de l’annexion de la Crimée par la Russie par des garanties pour les pays baltes.
Et les Européens impliqués dans ces discussions ont suggéré de négocier des accords sur le non-déploiement de forces de frappe par l’une ou l’autre partie, de négocier une version actualisée du traité INF que Trump puis les Russes ont abandonné, et d’interdire les « défenses antimissiles » potentiellement destinées à la première frappe.
Un autre monde, du moins une autre Europe, plus pacifique et plus juste, est possible. Nous devons faire pression pour que des engagements continus soient pris en faveur des négociations et faire ce que nous pouvons pour que des solutions rationnelles de sécurité commune prévalent.
*Le Dr Joseph Gerson est membre du Conseil mondial d’Abolition 2000 et président de la Campagne pour la paix, le désarmement et la sécurité commune.
[1] Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)
https://www.csce.gov/international-impact/osce-celebrates-30-years-charter-paris?page=58
Traduit par Alain Rouy