L’être humain a pollué la planète d’une manière dramatique, c’est un fait.
Sur ce constat, nous sommes tous d’accord.
Dans toutes les langues, des voix s’élèvent, dénoncent, se révoltent. Nombreuses sont celles qui se rallient à la Nature pour soutenir sa détresse. Il est vrai aussi qu’il est urgent d’être attentifs, soigneux et responsables.
Pourtant, au travers de ces très belles intentions éco-responsables quelque chose commence à me faire froid dans le dos.
Je sens une sorte de dérive antihumaniste prendre forme dans tous ces discours bienpensants. J’entends, dans de nombreuses conversations anodines pleines de grandes phrases toutes faites, des points de vue très dégradés à l’égard des êtres humains. « L’homme est le pire de tous les animaux, il détruit tout ce qu’il touche ! » Certains considèrent même l’être humain comme la race à éliminer de la planète qui, je cite, « vivrait bien mieux sans nous ! ».
Nous en sommes là. L’être humain est devenu un animal stupide et nuisible pour un nombre croissant de personnes, au demeurant bienveillantes et amicales au quotidien.
Que s’est-il passé pour que de bonnes personnes se mettent à détester l’humanité ? Pour que des jeunes prennent le parti des arbres et des ours polaires et tournent le dos aux êtres humains ?
Ces hauts cris dénonçant la destruction de l’environnement deviennent une clameur bienpensante qui couvre les voix signalant combien cette même pollution détruit surtout la vie d’êtres humains – notamment dans les pays les plus pauvres. Légalement, la pollution est devenue plus pénalisable lorsqu’elle touche les animaux que les personnes !
De sommets en nouvelles lois, nous comptons sauver la planète grâce à cette formidable notion de Développement Durable que l’on incorpore maintenant à toutes les entreprises, à toutes les collectivités, à tous les cycles d’études. Des écoles font déjà fortune avec leurs Masters en économie responsable, leur BTS en développement durable… Il n’y a plus une publicité qui ne vienne toucher notre fibre écologique. Cela devient quasiment une nouvelle religion planétaire, honte à ceux qui oublieraient de penser à la sauvegarde de Dame Nature.
Derrière cette « machine de guerre » contre la population et pour le sauvetage de la planète, je vois surtout une nouvelle ouverture économique puissante qui s’appuie, une fois encore, sur la peur du futur, sur une toute nouvelle bienpensance écologique et plus sournoisement sur une sorte de dégout pour l’être humain.
Actuellement, la compassion humaine qui se tourne, en pleurs, vers les arbres abattus et les poules en batterie mais qui continue de détourner le regard des enfants et des adultes exploités sur toute la planète, me crée un vrai malaise. Des films comme HOME qui, vu du ciel et au nom de la planète, jette à la fosse, par omission, tous azimuts l’intelligence humaine et les avancées de la science, la beauté de l’art architecturale, la culture et la bonté humaine, m’inquiètent. D’ailleurs qu’elle a été l’empreinte carbone de ce film ? Combien de grandes entreprises polluantes ont redoré leur blason en mettant de l’argent dans ce documentaire ?
Rappelons-le, la bonté humaine n’est pas perceptible vu du ciel ! Elle ne peut se percevoir que dans les actes désintéressés de chacun, dans cette intention fragile et délicate qui anime nos cœurs. Les vies sauvées par la science ne se voient pas, non plus, depuis un avion. Pas plus que les musiques qui enchantent notre quotidien ne s’entendent depuis un hélicoptère.
Et si au lieu de bannir l’être humain comme un sale gosse irresponsable, nous avions décidé de sauver l’être humain lui-même ? Si au lieu de nous émouvoir sur la fonte des glaciers, nous avions commencé par nous émouvoir réellement pour les personnes qui meurent de faim ou de solitude.
Nous sommes plus touchés par la disparition du tigre de Sibérie que par la disparition des Aborigènes !
Il y a quelque chose d’assez pervers dans ce nouvel ordre collectif du tout pour la nature. Ne nous conditionne-t-on pas à détester les autres, trop nombreux ? À rejeter notre prochain, ce pollueur ? À nous surveiller et nous juger les uns les autres dans notre relation à l’environnement ? Et finalement, à nous détester nous-mêmes de faire partie de cette minable et stupide humanité qui scie la branche sur laquelle elle est assise ?
Attribuer la cupidité insatiable, le manque d’empathie et l’égoïsme sans bornes des quelques dirigeants de l’économie mondiale à toute l’humanité, relève d’un manque flagrant d’honnêteté intellectuelle individuelle. Nous connaissons tous beaucoup trop d’êtres humains, qui ne se conduisent pas ainsi, pour relayer ce discours dégradé sur l’humanité. Sommes-nous face à une nouvelle religion en laquelle il faut croire aveuglément même si elle ne correspond pas à notre expérience quotidienne des autres ?
Tant de voix s’élèvent pour sauver la forêt amazonienne et si peu pour sauver les Amazoniens. Sauver les arbres avant les enfants ! Tout cela est pensable tant qu’il s’agit de préférer les arbres aux enfants des autres… et non pas à son enfant à soi !
Ce discours, de plus en plus fréquent, qui tend à considérer l’être humain comme un animal nuisible, me semble déjà contenir les prémisses qui permettront, une fois de plus, d’accepter la maltraitance et la destruction de milliers de personnes au nom du sauvetage de la planète.
Quand va-t-on enfin mettre l’être humain comme valeur centrale ?
Et non pas Dieu, l’argent, l’État ou comme actuellement la Nature ! Il est urgent d’affirmer enfin, haut et fort, le respect que mérite chaque être humain sans exception.
Remettons les choses à leur place et avouons, enfin, que si l’on apprenait à traiter RÉELLEMENT chaque être humain avec dignité nous ne polluerions plus l’environnement !
Reconnaissons avec humilité et honnêteté que si nous mettions la même énergie à sauver l’être humain qu’à sauver la planète nous aurions les mêmes résultats environnementaux. Si nous traitions les autres personnes comme nous aimerions être traités nous-mêmes, nous ne lui ferions plus manger des poulets en batterie, nous ne ferions plus fabriquer nos chaussures de sport par les enfants des autres, nous ne polluerions plus les rivières où d’autres pêchent et se baignent, nous ne pousserions plus l’autre à la surconsommation, nous ne lui créerions plus de besoins superficiels qui génèrent un gaspillage outrancier, nous ne l’arnaquerions plus avec de l’obsolescence programmée…
Au contraire, si l’être humain était la priorité, nous aurions des Masters en solution humaine durable, des BTS en relations humaines bienveillantes, des CAP en respect des cultures, des colloques sur le bon traitement humain au quotidien, des sommets sur l’interculturel, des cours sur le respect des différences dans tous les cycles d’étude, de l’éducation à la non-violence dès la maternelle, des formations à la non-discrimination dans toutes les entreprises, des documentaires sur le passage de la vengeance à la réparation…
Dit comme ça, c’est presque dégoulinant de mièvrerie. Et pourtant, c’est exactement ce que nous sommes en train de mettre en place pour le sauvetage de la planète.
Mais que ce passe-t-il ? Ne s’aime-t-on pas assez pour revendiquer, en premier lieu, pour nous-mêmes et pour les autres ce que nous demandons, à cors et à cri, pour les poules et les ours polaires ?
Pourquoi ne faisons-nous pas pour l’être humain et ses spécificités, ce que nous voulons faire pour l’environnement et sa biodiversité ?
Soyons courageux et reconnaissons-le, c’est apprendre à traiter les autres comme nous voudrions être traités nous-mêmes qu’il faut enseigner, si nous voulons réellement sauver la planète.
Rappelons-nous, nous avions une planète saine il n’y a pas si longtemps. Pour autant, les guerres, la misère, l’exploitation y faisait rage… Est-ce vers cela que nous voulons nous diriger de nouveau ?
Ne s’aime-t-on assez soi-même et aime-t-on assez les êtres humains en général pour se mettre en marche vers une nouvelle vision de l’être humain et une manière innovante de penser la vie sur terre ?