Ce jeudi 11 novembre a eu lieu la validation finale d’une directive sur la transparence fiscale. Le combat mené depuis plus de 5 ans par les ONG s’achève par un texte au rabais, loin des ambitions initiales portées par le Parlement européen. Ce texte, qui aurait pu marquer une réelle avancée, a été vidé de sa substance. Le Parlement européen a cédé face au Conseil et s’est arrêté au milieu du gué, manquant une occasion historique de se donner les moyens de lutter réellement contre l’évasion fiscale.
Mesure simple, le reporting pays par pays public consiste à obliger les multinationales à publier les informations de base sur leurs activités et les impôts qu’elles payent dans chacun des pays où elles opèrent. Cette transparence permettrait de vérifier que les impôts payés correspondent à des activités réelles et d’identifier les montages d’évasion fiscale. Mais l’accord final validé par le Parlement européen comporte de nombreuses clauses et restrictions.
Ainsi, les multinationales n’auront à publier des informations que pour un nombre restreint d’États : les pays européens, les pays sur la liste noire européenne (qui ne comporte que 9 États) et ceux sur la liste grise depuis au moins 2 ans (4 États). Près de 80% des États dans le monde sont ainsi exclus, dont la quasi-totalité des paradis fiscaux les plus notoires (Bahamas, Suisse, Îles Caïman, etc.). De plus, avec la “clause de sauvegarde” les multinationales se gardent le droit de ne pas publier les informations qu’elles considèrent comme “sensibles”. Bref, une transparence à trous qui permettra aux évadés fiscaux de passer à travers les mailles du filet.
La France porte une responsabilité toute particulière dans cette occasion manquée puisqu’elle a pesé de tout son poids au Conseil pour vider le texte de sa substance. Les révélations de la presse ont permis de comprendre pourquoi : la position française a été calquée directement sur une note rédigée par le Medef, le lobby des grands patrons.
Pour Manon Aubry, co-présidente de la Gauche au Parlement européen et rapporteure pour son groupe sur ce dossier, “Comment prétendre lutter contre l’évasion fiscale quand les multinationales pourront encore cacher leurs activités dans près de 80% des États dans le monde ? Il leur suffira de choisir les îles Caïmans ou les Bahamas pour continuer à réaliser leurs montages d’évasion fiscale ! ”
“La politique des petits pas ne suffit plus dans la lutte contre l’évasion fiscale quand nous perdons chaque année des centaines de milliards d’euros au niveau européen, qui pourraient financer nos écoles, hôpitaux ou notre protection sociale” conclut Manon Aubry, qui a par ailleurs mené la bataille pour le reporting pays par pays public à Oxfam avant d’être élue au parlement européen.
Note
● La liste noire de paradis fiscaux ne compte que 9 États : les Samoa américaines, les Fidji, Guam, les Palaos, le Panama, le Samoa, Trinité-et-Tobago, les Îles Vierges américaines, le Vanuatu.
● Les pays ajoutés depuis au moins 2 ans sur la liste grise de paradis fiscaux sont au nombre de 4 : la Jordanie, la Thaïlande, le Botswana et la Turquie.