Pour les peuples autochtones du Brésil, la lutte pour leurs terres est essentielle. Une décision historique sur leurs possibilités futures sera prise ce mercredi 25/08(*), par la Cour suprême du Brésil. Le tribunal se prononcera sur le principe dit du « Marco Temporal » (Cadre temporaire) : selon ce principe, les peuples autochtones ne peuvent revendiquer un territoire que s’ils peuvent prouver qu’ils y vivaient déjà avant l’entrée en vigueur de la constitution brésilienne. Pour l’Association pour les peuples menacés (APM), ce critère n’a jamais été conçu comme une règle ; il était destiné à faciliter la démarcation d’un seul territoire autochtone, mais s’il devient une règle, la démarcation de nombreux territoires est en jeu.
Dans le cadre d’un procès d’expulsion contre le peuple Xokleng, il sera décidé ce jour (25/08) si le critère sera également appliqué à l’avenir. S’il reste en vigueur de manière permanente, la démarcation de quelque 250 territoires est menacée. Environ 200 000 autochtones vivent dans ces territoires, qui couvrent une superficie totale de 11 millions d’hectares. Si ces zones ne sont pas délimitées en tant que territoires autochtones, les personnes qui y vivent risquent d’être expulsées de leurs terres traditionnelles, qui sont inextricablement liées à leur culture. Une expulsion forcée conduirait à l’extinction de la culture de ces peuples.
L’action d’expulsion du gouvernement de Santa Catarina contre les Xokleng affecte le territoire indigène d’Ibirama-La Klãnõ, qui abrite également les peuples Guarani et Kaingang. En 2019, la Cour suprême du Brésil a donné à l’affaire le statut de « précédent général » : la décision servira de ligne directrice pour toutes les futures procédures de démarcation. Une trentaine de ces procédures sont en attente de la décision car leur issue dépend directement de la validité du « Cadre Temporaire ». Les manifestations de masse qui ont lieu actuellement à Brasilia soulignent l’importance de la décision pour les peuples indigènes du Brésil. Depuis l’entrée en vigueur de la constitution en 1988, il n’y a pas eu autant d’autochtones dans les rues. Plus de 6 000 personnes issues de 173 peuples manifestent depuis lundi 23/08 contre le « Cadre Temporaire ».
En même temps, les protestations sont dirigées contre plusieurs lois prévues avec lesquelles le gouvernement Bolsonaro veut faciliter l’exploitation économique des zones protégées telles que la forêt amazonienne. Outre les règlements sur la délimitation de nouvelles zones, cela concerne, entre autres, la loi sur l’accaparement des terres et les règlements sur l’hydroélectricité et l’exploitation minière. En outre, la fenêtre d’opportunité pour le Brésil de se retirer de la Convention 169 de l’OIT va bientôt s’ouvrir. Cette convention de l’Organisation internationale du travail est le seul ensemble de règles internationales contraignantes pour protéger les peuples autochtones. Bolsonaro va certainement essayer de profiter de cette opportunité. Le mouvement indigène au Brésil a donc encore d’autres combats à mener.
(*) Note de Pressenza le 30 août :
La Cour suprême a reporté au 1er septembre la décision sur l’avenir de la démarcation des terres autochtones.
Ce ‘Cadre temporaire’ établit que les peuples autochtones ne peuvent réclamer que la démarcation des terres sur lesquelles ils se trouvaient déjà avant la promulgation de la Constitution de 1988, ne reconnaissant pas la permanence historique des peuples autochtones sur leurs territoires.