La surexploitation des ressources halieutiques et plus généralement les problèmes environnementaux causés par la pêche posent un réel problème. Mais, comme pour de nombreuses politiques, rien ne prouve qu’une intervention des autorités soit la solution. Celle-ci pourrait être même une des principales causes qui poussent les acteurs de la pêche commerciale à surpêcher et à porter atteinte à l’environnement et au développement durable. Il y a de sérieuses questions éthiques qui intéressent le pêcheur à la ligne lambda, comme la pêche par drone, par exemple.

Article rédigé par Coty Perry

Il y a un autre point commun entre la surexploitation des ressources halieutiques et les questions environnementales au sens large. Les entreprises des pays occidentaux sont en effet les plus concernées par les mesures mises en place pour lutter contre la surpêche alors qu’elles ne sont pas les plus fautives. Les coûts associés à la surpêche sont supportés de manière disproportionnée par les pays où les pratiques de pêche portent le moins préjudice aux efforts qui sont mis en œuvre pour rendre la pêche commerciale plus durable tout en encourageant la protection de la biodiversité des espèces aquatiques.

Toutes ces questions sont importantes pour les pêcheurs professionnels et pour toutes les personnes qui s’intéressent à la protection de l’environnement et au développement durable. Elles touchent également les pêcheurs récréatifs et, d’une manière générale, tous les consommateurs de produits de la mer. La planète va de pair avec les océans. Il est donc essentiel que chacun s’informe sur les causes de la surpêche, sur ses répercussions et sur les mesures positives pouvant être mises en place. Les solutions doivent être concrètes, elles ne doivent pas être de simples propositions qui donnent l’impression d’agir.

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En effet, plus de trois milliards de personnes dans le monde dépendent du poisson comme principale source de protéines. Environ 12 % de la population mondiale dépend de la pêche sous une forme ou une autre, dont 90 % sont des pêcheurs artisanaux – pensez à un petit équipage dans un bateau, pas un navire, utilisant de petits filets ou même des cannes, des moulinets et des appâts pas trop différents de ceux que vous utilisez probablement.

On compte 18,9 millions de pêcheurs dans le monde et 90 % d’entre eux sont des pêcheurs artisanaux comme ceux décrit précédemment.

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Contenu de l’article :

La définition de la surpêche : Quand parle-t-on de surpêche ?

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Tout d’abord, rassurez-vous : en tant que pêcheurs plaisanciers, il est fort à parier que vous n’êtes pas responsable de la « surpêche ». Le problème trouve son origine dans la pratique industrielle lorsque les navires traînent leurs chaluts au fond de l’océan équipés de filets massifs. Ils peuvent ainsi attraper suffisamment de poissons pour gagner leur vie et subvenir aux besoins de leurs familles. Il convient de distinguer cette activité de celle du pêcheur récréatif qui souhaite profiter d’un peu de silence et de tranquillité le week-end.

La surpêche est, en quelque sorte, une conséquence logique à l’augmentation de la demande en produits de la mer. Aujourd’hui, la majorité de la population consomme environ deux fois plus de denrées alimentaires qu’il y a 50 ans. Or, la planète compte actuellement quatre fois plus d’habitants qu’à la fin des années 1960. Ces chiffres expliquent en partie pourquoi 30 % des eaux concernées par la pêche commerciale sont surexploitées. En d’autres termes, les stocks dans les zones accessibles s’épuisent plus vite qu’ils ne se reconstituent.

Il existe une définition claire et précise pour désigner une zone dite « surexploitée ». Il ne s’agit pas seulement d’un périmètre où « trop » de poissons ont prélevés. On parle de surpêche lorsque le nombre de reproducteurs est si faible que le stock de poissons ne parvient plus se reconstituer.

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Dans le meilleur des cas, le nombre de captures va diminuer l’année suivante En revanche, dans le pire scénario, une espèce halieutique ne pourra plus être pêchée dans une zone spécifique pour une durée indéterminée. Ceci va de pair avec certaines méthodes de pêche qui gaspillent les ressources halieutiques. Les chaluts capturent non seulement les espèces ciblées, mais aussi tous les autres organismes marins qui sont suffisamment grands pour être piégés. Plus de 80 % des poissons sont en effet pêchés par ce type de filets qui ratissent tout sur leur passage.

Un nombre considérable de dégâts sont causés par la surpêche. Elle est néfaste car elle est épuise les stocks halieutiques. Ce seul argument explique sans nul doute pourquoi cette pratique est mauvaise, mais d’autres peuvent être également cités :

  • Une présence accrue des algues dans l’eau: Les algues sont utiles, mais comme pour beaucoup de choses, leur présence est très problématique lorsqu’elles se multiplient en trop grand nombre. S’il y a moins de poissons, les algues ne sont pas mangées. Elles sont alors plus nombreuses qu’elles ne devraient être. Ceci va accroître l’acidité des océans et impacter non seulement les poissons encore présents, mais aussi les récifs et le plancton.
  • Destruction des communautés de pêcheurs : La surpêche peut totalement détruire des populations de poissons et les communautés qui en dépendaient. Ceci est particulièrement vrai pour les communautés insulaires. Il est important de rappeler que de nombreuses régions du monde sont isolées. La pêche n’y est pas seulement le moteur de l’économie. C’est également la principale source de protéines pour ces populations. Si l’un ou l’autre de ces paramètres fait défaut, ou les deux, la communauté disparaîtra également.
  • Une pêche plus compliquée pour les petits pêcheurs: Si vous aimez les petits pêcheurs, vous devriez vous intéresser à la surpêche. En effet, les grands navires sont les principaux responsables de la surexploitation des ressources halieutiques. Ceci complique la tâche des exploitants plus modestes lorsqu’ils veulent atteindre leurs quotas. Il s’agit d’un problème sérieux puisque plus de 40 millions de personnes dans le monde dépendent de la pêche pour leur alimentation et leur subsistance.
  • La pêche fantôme : Ce terme est utilisé pour qualifier les déchets abandonnés en mer. Les réglementations et les subventions mal définies conduisent des pêcheurs à pratiquer leur activité de manière illégale. Ils laissent alors souvent leurs outils de travail sur place dans l’océan, ce qui est une source de pollution. Ceci attire les animaux charognards qui se retrouvent alors prisonniers des déchets et qui n’ont alors plus la possibilité de remplir leur fonction pourtant vitale dans les océans.
  • Des espèces au bord de l’extinction : Lorsque nous apprenons qu’une espèce halieutique est menacée d’extinction, nous pensons souvent qu’elle pourra être trouvée ailleurs dans l’océan. Ce n’est donc pas si grave. De nombreux animaux sauvages sont pourtant en voie de disparition à cause de la surpêche. C’est le cas de plusieurs espèces de morue, de thon, de flétan et même de homard.
  • Prises accessoires : Si vous vous souvenez de l’époque où les images de dauphins piégés dans les filets de thoniers avaient mobilisé l’opinion publique, vous savez alors ce que sont les prises accessoires. Ce terme est employé lorsque des organismes marins non recherchés par les pêcheurs commerciaux sont piégés et deviennent alors des sous-produits. Le risque de prises accessoires augmente considérablement en cas de surpêche.
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  • Gaspillage : La surexploitation des ressources génère des gaspillages au sein de la chaîne d’approvisionnement. Aux États-Unis, environ 20 % des poissons sont perdus dans le processus de distribution à cause de la surpêche. Cette proportion atteint 30 % dans les pays en développement en raison du nombre insuffisant de systèmes de congélation. Autrement-dit, même si le volume de poissons pêchés n’a jamais été aussi élevé, les pertes sont tout aussi considérables.
  • Des poissons mystères : Du fait de la surpêche, vous trouverez chez votre poissonnier et dans les rayons de votre supermarché local, de nombreuses espèces de poissons non conformes à leur étiquetage. Ce n’est pas parce qu’un poisson est estampillé « cabillaud » qu’il l’est réellement. À titre d’exemple, seuls 13 % des « Vivaneaux rouges » vendus sur le marché sont réellement des Vivaneaux rouges. La majorité des erreurs ne sont pas délibérées. Elles s’expliquent par le volume important des captures. Un certain nombre d’entre elles sont pourtant volontaires et cachent une réalité peu glorieuse de la pêche à grande échelle qui consiste à proposer des produits de qualité inférieure à des clients non avertis.

 

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Alors pourquoi sommes-nous confrontés à des situations de surpêche ? Ceci s’explique par différents facteurs que nous allons les détailler ici. Voici une vue d’ensemble présentée ci-dessous :

  • La réglementation : La législation est très difficile à appliquer même si elle est élaborée avec soin et ce n’est pas souvent le cas. Peu de réglementations ont été mises en place dans les principaux pays responsables. De plus, aucune de ces règles ne s’applique dans les eaux internationales qui sont en réalité un véritable Far West.
  • Pêche non déclarée : De nombreux pêcheurs sont contraints de pêcher « au noir » pour pouvoir dégager des bénéfices à cause des réglementations actuelles. C’est surtout vrai dans les pays en développement.
  • Transformation à bord : Cette pratique consiste à traiter le poisson avant même son retour au port. Les conserves sont préparées alors que le navire est encore en mer. Cette forme de conditionnement occupe une place de plus en plus importante sur le marché des produits halieutiques et ce, au détriment du poisson frais.
  • Subventions : Les subventions agricoles n’encouragent pas la production d’aliments sains, bien au contraire, et toutes les personnes habituées à ce système d’attribution le savent. Il en va de même pour les aides accordées au secteur de la pêche. Elles ne profitent généralement pas aux petits pêcheurs qui seraient à priori ceux qui en auraient le plus besoin. Ces subventions sont en général accordées aux gros navires qui consomment beaucoup de carburant.

Par ailleurs, ces aides encouragent la surpêche car elles sont versées quoi qu’il arrive : plus vous pêchez, plus vous gagnez d’argent ! Aucun plafond tenant compte de l’impact environnemental n’est fixé dans la législation.

Selon l’organisation non gouvernementale, Fonds mondial pour la nature, les subventions publiques favorisent la pêche illégale, qui est étroitement associée aux actes de piraterie, à l’esclavage et au trafic d’êtres humains. Les conclusions d’une étude menée par l’Université de la Colombie-Britannique montrent que 22 milliards de dollars (soit 63 % de toutes les subventions à la pêche) servent au financement de mesures qui encouragent l’exploitation excessive des ressources halieutiques.

Les aides gouvernementales sont donc les premières responsables de la surpêche. Il est donc utile de prendre quelques minutes pour dissocier cette question des autres et lui accorder une attention particulière.

Plus d’information sur la surpêche et sur les subventions publiques

Overfishing - "Fishing boats on the water with asian writing on the sides"

Les subventions qui favorisent la surpêche sont particulièrement lucratives. Chaque année, partout dans le monde, les pouvoirs publics versent plus de 35 milliards de dollars américains aux pêcheurs ce qui représente environ 20 % de la valeur de l’ensemble des poissons pêchés à des fins commerciales sur la planète pendant un an. Ces subventions contribuent souvent à réduire les coûts des entreprises qui pratiquent la grande pêche hauturière. Elles leur permettent notamment de financer leur consommation importante de carburant, les équipements nécessaires pour capturer du poisson et parfois leurs propres navires.

Ce système permet aux grandes entreprises de pêche commerciale de pénétrer le marché ou de se recapitaliser à des niveaux nettement inférieurs à ceux en vigueur. Elles sont ainsi avantagées de façon disproportionnée par rapport à leurs concurrents de taille plus modeste.

Cet avantage qui profite aux grandes sociétés de pêche est identifié comme l’une des principales causes de la surpêche et des pratiques non respectueuses du développement durable. Au final, cela se traduit non seulement par un épuisement des stocks, mais aussi par une baisse des rendements à long terme. Le prix du poisson sur le marché diminue également. Ceci qui présente quelques avantages pour le consommateur, mais empêche les petits exploitants de dégager des bénéfices.

Ces subventions publiques pourraient offrir une aide aux petits pêcheurs. Cependant, elles sont généralement structurées de telle sorte qu’elles favorisent la consolidation du marché et vont à l’encontre des efforts de conservation.

Quel rôle joue les fermes d’élevage ?

Farmed fish

Aujourd’hui, l’élevage du poisson est considéré comme une évidence. Pourtant, il s’agit d’une méthode révolutionnaire qui permet d’extraire le poisson de l’eau pour le faire arriver dans nos assiettes. À l’origine, cette activité était conçue pour protéger les populations de poissons sauvages. Le raisonnement était le suivant : nous allons consommer du poisson d’élevage en attendant que les stocks sauvages se reconstituent.

Cette activité visait également à offrir de nouvelles sources de revenus aux communautés frappées par la surpêche alors confrontées à un marché de plus en plus concurrentiel. La logique était de satisfaire les besoins en protéines des populations vivant dans les pays du tiers monde sans porter atteinte à l’environnement. Grâce à l’aquaculture, le monde entier aurait été gagnant sur toute la ligne.

Seulement voilà, comme bien souvent, la réalité s’est avérée un peu différente. Rassembler des milliers de poissons dans un espace réduit, hors de leur milieu naturel, présente de nombreux inconvénients. Les zones situées aux alentours des fermes piscicoles ont commencé à être polluées, essentiellement par des excréments de poissons, par des restes de nourriture et par des poissons morts. Les exploitations piscicoles, comme n’importe quelle ferme, utilisent beaucoup de pesticides et de traitements médicamenteux puisque la forte concentration de poissons favorise la transmission de parasites et de maladies.

Bien évidemment, les produits chimiques utilisés dans les élevages se retrouvent hors des zones où ils ont été initialement utilisés. Ils se dispersent dans les cours d’eau environnants puis se mélangent au système hydrographique mondial. Leur concentration augmente alors avec le temps. Par ailleurs, les poissons d’élevage grandissent souvent dans des zones déjà très polluées. C’est de là que vient la recommandation de ne pas consommer trop de poisson de peur d’être contaminé par des polluants comme le mercure.

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Qui plus est, les poissons que nous consommons ne sont pas les seuls présents dans les zones de pêche. Souvent, les consommateurs préfèrent les espèces carnivores qui ont besoin de manger de grandes quantités de poisson pour atteindre leur taille de commercialisation. On parle alors de « poissons de faible valeur » ou de « poissons de rebut ». Ces espèces doivent néanmoins bénéficier de la même considération que leurs prédateurs.

Au total, il faut 26 livres d’aliments pour produire une seule livre de thon. L’aquaculture est donc un mode de production alimentaire particulièrement inefficace. Aujourd’hui, 37 % des ressources halieutiques mondiales sont utilisées comme aliments pour les poissons d’élevage, contre 7,7 % en 1948.

 

Overfishing infographic "26 pounds of feed = 1 pound of tuna"

Plus grave encore, les poissons d’élevage n’ont tout simplement pas les mêmes qualités nutritionnelles que leurs homologues sauvages car leur chair perd presque toute sa teneur en acides gras oméga-3. C’est pourtant cet élément qui fait du poisson un aliment si précieux de notre alimentation moderne.

Ainsi, le saumon n’est sain que lorsqu’il est sauvage. Ceux élevés en pisciculture sont considérés comme de la malbouffe. Le régime alimentaire des poissons d’élevage y est pour beaucoup car il est riche en graisses, il contient des substances génétiquement modifiées et le soja constitue la principale source de protéines. Les substances toxiques provenant des fermes d’élevage s’accumulent dans les tissus gras des saumons. Les concentrations de PCB, un produit chimique nocif, sont huit fois plus élevées chez les poissons issus l’aquaculture que chez les saumons sauvages pêchés de façon traditionnelle.

Bien entendu, les pesticides ne sont pas utilisés à tort et à travers. Ils servent à lutter contre la prolifération des parasites causée par la forte densité de poissons présents dans les élevages. Les poux de mer en sont une illustration. Ils peuvent dévorer un saumon vivant jusqu’à l’os.

Ces parasites ne cantonnent pas aux fermes piscicoles et se propagent rapidement dans les eaux environnantes. Ils s’attaquent aussi bien aux saumons sauvages qu’à ceux élevés en pisciculture. Par ailleurs, les poissons d’élevage s’échappent souvent des exploitations. Ils entrent alors en concurrence alimentaire avec la faune locale et deviennent des espèces invasives.

Les subventions versées par les pouvoirs publics sont variables selon les pays et il n’existe que peu de statistiques détaillées sur les montants distribués aux fermes piscicoles. Les problèmes associés à la surpêche se sont déplacés des océans vers des espaces clos. L’aquaculture ne règle donc rien et créé même de nouveaux défis qui ont au moins autant d’impact sur l’environnement.

Quels sont les principaux pays responsables de la surexploitation des ressources halieutiques ?

Countries that are overfishing

Comme évoqué précédemment, les principaux responsables de la surpêche ne sont généralement pas les pays occidentaux développés. Certains pays riches et quelques régions d’Asie figurent néanmoins parmi les mauvais élèves. Les États-Unis sont la seule puissance occidentale inscrite sur la liste dite « de la honte » qui a été établie par l’organisation non gouvernementale Pew Charitable Trusts et que l’on appelle également les Six du Pacifique. On y retrouve le Japon, Taiwan, la Chine, la Corée du Sud et l’Indonésie.

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Cette liste ne concerne que les pays qui surexploitent les stocks de Thon rouge. Elle donne néanmoins un aperçu du problème de la surpêche à l’échelle mondiale. Selon les informations collectées, ces six pays pêchent 80 % des Thons rouges et ont capturé à eux seuls 111 482 tonnes pendant la seule année de 2011.

La Chine est le leader incontestable sur la question des subventions néfastes. Une étude menée par une université de Colombie-Britannique a révélé que Pekin était le pays qui offrait le plus d’aides publiques encourageant la surpêche. En 2018, 7,2 milliards de dollars ont ainsi été distribués, soit 21 % de l’ensemble des aides mondiales. Les subventions qui offrent davantage de bénéfices que d’effets négatifs ont de leur côté diminué de 73 %.

 

Overfishing infographic " 111,482 tons of bluefin tuna in 2011"

L’impact de la surpêche n’est pas seulement hypothétique et observable dans des régions lointaines. Des pêcheries se sont déjà effondrées ici même aux États-Unis et les conséquences ont été dévastatrices pour les populations locales. Au début des années 1990, la surexploitation des stocks de cabillaud a entraîné la disparition des emplois dans les communautés de pêcheurs de la Nouvelle-Angleterre. Lorsque cette situation se produit, il est extrêmement difficile d’inverser la tendance. L’écosystème marin est directement impacté ainsi que les habitants qui vivent de la pêche.

Le secteur de la pêche au Japon est un autre exemple du caractère instable du marché des produits de la mer. Les pêcheurs japonais ne parviennent plus à capturer autant de poissons qu’auparavant. Ce pays consomme donc aujourd’hui davantage de produits de la mer importés que par le passé et ils viennent fréquemment des États-Unis. La situation est donc perverse car les Américains exportent leurs meilleurs saumons vers d’autres pays, tout en consommant quelques-uns des pires saumons d’élevage du monde actuel.

La surpêche est-t-elle si grave ?

La surpêche ne peut pas être si grave que cela, ne pensez-vous pas ? Les océans contiennent des tonnes de poissons. Il faudrait une éternité avant que tous les stocks ne commencent à disparaître, ne croyez-vous pas ?

Fish on dry land

Détrompez-vous. Les poissons sont exploités à des niveaux biologiquement insoutenables. Le Thon rouge du Pacifique, comme évoqué précédemment dans l’article, a vu sa population chuter de 97 %. Ceci est grave car cette espèce se situe à la fin de la chaîne alimentaire océanique dont il est l’un des principaux prédateurs. En cas d’extinction, l’ensemble de la filière aquacole sera touché irréversiblement.

Dans un écosystème, les poissons de grande taille sont les premiers à disparaître. Ils ont une durée de vie plus longue, atteignent leur maturité reproductive plus tardivement et sont les plus demandées par les consommateurs. Lorsque les stocks sont épuisés, la destruction des ressources halieutiques se poursuit dans la zone. L’effort de pêche se concentre alors sur des espèces moins appréciées qui sont situées à un maillon inférieur de la chaîne alimentaire, comme les sardines ou les calamars. C’est ce qu’on appelle « pêcher sur le réseau trophique ». Cette pratique détruit peu à peu l’ensemble de l’écosystème en éliminant d’abord les prédateurs avant de s’attaquer aux proies.

Cette pratique n’impacte pas seulement les stocks halieutiques, elle touche plus largement les écosystèmes marins des océans Atlantique et Pacifique. De nombreuses espèces de petits poissons se nourrissent des algues qui poussent sur les récifs coralliens. En cas de surpêche, elles auront tendance à proliférer et les coraux seront à leur tour menacés. De nombreuses formes de vie marine sont ainsi dépourvues de leur habitat naturel, ce qui entraîne un bouleversement important des écosystèmes océaniques.

Quelles sont les alternatives existantes aux mesures mises en place par les autorités publiques ?

Protecting fish

Il existe certainement des solutions politiques pour remédier à cette surpêche généralisée, mais elles ne viendront peut-être pas toutes des pouvoirs publics. De nouvelles innovations technologiques vont par exemple permettre de réduire les prises accessoires, le gaspillage et les dommages qui découlaient.

Des innovations simples basées sur des technologies existantes, comme Fishtek Marine, permettront de protéger les mammifères marins qui sont capturés dans les filets de pêche tout en améliorant les bénéfices commerciaux. C’est un scénario gagnant-gagnant. Ce dispositif est compact et peu coûteux. Ce n’est donc ni un fardeau supplémentaire pour les grands navires de pêche commerciale ni une contrainte pour les petits pêcheurs qui tentent de gagner leur vie dans un contexte économique de plus en plus difficile.

Il faut aussi reconnaître que la réglementation actuelle ne fonctionne tout simplement pas. Une mesure extrême avait poussé les autorités à limiter la pêche d’une espèce de thon à trois jours par an. Cette décision n’a eu absolument aucun impact sur les stocks car les grands exploitants ont mis en place des méthodes pour capturer en trois jours autant de poissons qu’ils en attrapaient habituellement en un an.

Ceci s’est traduit par une augmentation des prises accessoires et des rejets car les pêcheurs n’ont pas pris le temps de vérifier si les espèces capturées étaient bien celles souhaitées. La quantité a donc été privilégiée au détriment de la qualité lors de cette saison de pêche écourtée. Les conséquences de cette mesure étaient prévisibles.

Les quotas, et plus particulièrement le système de « quotas individuels transférables », ont été adoptés dans de nombreux pays, dont la Nouvelle-Zélande. Néanmoins, ils ne semblent pas produire les effets escomptés et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ces quotas sont, comme leur nom l’indique, transférables. Les petits pêcheurs peuvent donc estimer qu’il est plus rentable de les céder à une grande entreprise de pêche commerciale que de travailler. C’est donc un retour au point de départ.

D’une manière générale, les systèmes de quotas semblent favoriser le gaspillage des ressources halieutiques. Voici comment cela fonctionne : chaque pêcheur est autorisé à prélever un certain tonnage pour une espèce donnée. Toutefois, tous les poissons ne sont pas identiques. Lorsque les pêcheurs trient leurs captures, ils peuvent constater que certaines prises sont de qualité supérieure à d’autres. Ils vont alors jeter les poissons de plus faible valeur pour ne garder que les meilleurs spécimens. Ceci génère énormément de gaspillage. Les rejets peuvent représenter 40 % des prises.

Une alternative au système actuel serait de trouver un équilibre entre une vision à long terme des écosystèmes et la demande importante en produits de la mer, qui rappelons-le, constituent une source de protéines à l’échelle mondiale. L’objectif serait de pouvoir disposer de la même quantité de poisson aujourd’hui et demain en construisant un modèle durable qui permettrait de nourrir la population mondiale et de créer des emplois. Une façon d’y parvenir serait de coupler les subventions aux efforts de conservation et de durabilité au lieu de donner des chèques aux grandes entreprises de pêche commerciale qui utilisent cet argent pour construire de nouveaux bateaux et acheter de nouveaux équipements. Ce système favoriserait les petites pêcheurs par rapport aux grands. Diversifier l’origine des poissons à l’échelle mondiale permettraient également d’améliorer la résilience des écosystèmes.

Les droits d’usage territoriaux dans les pêcheries sont une solution alternative possible. Grâce à ce système, les pêcheurs, à titre individuel ou dans le cadre d’un collectif, disposent de droits pour pêcher dans un périmètre prédéfini. Ceci signifie qu’ils ont un rôle important à jouer puisqu’ils ne veulent pas surexploiter la zone, sous peine de tuer leur poule aux œufs d’or. Par conséquent, ils ne capturent pas plus de poissons que ce qui est écologiquement viable. Dans leur intérêt direct et sur le long terme, ils doivent s’assurer qu’il n’y a pas de surpêche dans les pêcheries où ils sont autorisés à exercer.

Ce système rend non seulement la pêche durable plus attrayante, mais il permet également de réduire les lourdeurs et les formalités administratives. Les pêcheurs bénéficiant de droits TURF sont autorisés à pêcher autant qu’ils le souhaitent. C’est à ce moment précis que le développement durable entre dans l’équation. En effet, les pêcheurs détenteurs de droits souhaitent préserver les ressources halieutiques non seulement pour l’année à venir, mais aussi pour la prochaine génération et la suivante. La mise en place de ce modèle au Chili a été un succès. Il a permis d’éviter la surpêche et d’assurer la durabilité de la pêcherie. C’est pourtant l’un des pays les plus libres au monde sur le plan économique (plus encore que les États-Unis). Ce modèle est axé sur le marché. Il favorise les petits producteurs qui jouent leur survie face aux gros conglomérats transnationaux.

Le Bélize, le Danemark et même les États-Unis ont mis en place des systèmes de gestion des pêches fondés sur les droits d’usage territoriaux des pêcheurs qui donnent de très bons résultats.

Il est certes intéressant de défendre le petit pêcheur face aux grandes entreprises. Nous supportons sans aucun doute la pêche durable et les mesures de conservation. Néanmoins, il y a peut-être une autre motivation plus importante et plus concrète qui nous pousse à soutenir les réformes mises en place pour lutter contre la surpêche : la sécurité alimentaire. Le jour où il n’y aura plus de Thon rouge par exemple, il sera impossible de le faire revenir. Le thon en conserve aura donc disparu des rayons de votre supermarché local.

Cette situation est grave pour les habitants des nations les plus riches mais elle l’est encore plus pour ceux vivant dans les pays en développement. Si les principales sources de protéines sont définitivement épuisées, la concurrence va s’intensifier pour les ressources qui restent. Des tensions vont également apparaître dans les pays qui ne sont pas en mesure d’être compétitifs sur le marché mondial à cause d’un manque de capital et d’économie d’échelle. Même si vous ne vous sentez pas concernés par la surpêche, sachez que les problèmes qu’elle engendre seront bientôt à votre porte à moins que des mesures de protection ne soient prises à temps.


À propos de l’auteur

Coty n’a pas eu un coup de foudre pour la pêche à l’achigan. Il lui a fallu quelques (milliers) de tentatives avant de devenir obsédé par la maîtrise de tous les styles, les techniques et les leurres de pêche possibles. Fils et petit-fils de pêcheurs à la ligne, il a accumulé une pléthore de connaissances et d’expériences sur l’eau qu’il adore partager.

 

Traduit de l’anglais par Amélie D.