Souvenons-nous des contributions du dramaturge à la culture latino-américaine et à la classe ouvrière
Daniel Giovanaz
Un véritable théâtre brésilien et latino-américain dans lequel les ouvriers s’approprient les moyens de production artistiques, et dans lequel la frontière entre acteurs et spectateurs s’efface. C’était l’objectif de Augusto Boal, né il y a 90 ans le 16 mars à Rio de Janeiro.
Boal a noué des liens avec les organisations de la classe ouvrière aussi bien à la campagne qu’en ville, et c’est ce dont nous devons nous rappeler aujourd’hui avec émotion. Seules les contributions qu’il a apportées à la culture brésilienne et latino-américaine surpassent le sentiment de vide laissé en 2009 après son décès.
Boal est né en 1931 et est le fils d’un boulanger et d’une femme au foyer. Dès son plus jeune âge, il jouait au directeur de théâtre. Il obtint son diplôme d’ingénieur chimique, continua à écrire des œuvres théâtrales et suivit des cours d’art dramatique. Il abordait des sujets tels que les conditions de travail précaires et le racisme.
Dans les années 50, tout en poursuivant un doctorat en ingénierie aux États-Unis, Boal suivit des cours d’introduction au théâtre soviétique.
C’est à partir de 1955, dans le théâtre Teatro de Arena que Boal consolide une dramaturgie concentrée sur des personnages et des problématiques nationales ou populaires qui n’existaient pas jusqu’ici dans le théâtre brésilien.
À cette époque, on incluait des thèmes comme le football, la corruption, les problèmes liés aux terres, les débats sur l’impérialisme et la souveraineté nationale. C’est dans ce contexte que Augusto Boal a abordé les Ligues de Paysans et a produit des pièces sur ceux « d’en bas » et leur combat pour leur terre.
« Il se peut que le théâtre en lui même ne soit pas révolutionnaire, mais n’ayez aucun doute, c’est une répétition avant la révolution ! 16 mars 1931, naissance de Augusto Boal, le dramaturge visionnaire derrière le ‘Théâtre de l’Opprimé’ ».
Boal a été persécuté lors de la dictature civile militaire qui dura entre 1964 et 1985, et a été contraint à l’exil pendant des années. Il s’est rendu en Argentine, au Pérou, en Équateur, au Portugal et en France, et est resté actif dans son militantisme culturel et politique. Le théâtre image, le théâtre forum, le théâtre presse et le théâtre invisible sont autant d’expressions de ce cadre théâtral né en plein milieu des dictatures qui balayaient l’Amérique Latine.
Le livre « Théâtre de l’Opprimé et autres poésies politiques » publié au Brésil en 1974 est le chef d’œuvre de Boal. Une méthode de théâtre naissait ainsi, elle mélangeait des exercices, des jeux et des techniques théâtrales pour démocratiser les moyens de production théâtraux et transformer la réalité au travers de dialogues.
Boal a proposé de casser les frontières entre art scénique et pratiques politiques, entre acteurs et spectateurs, afin de former des êtres sociaux qui deviendraient des promoteurs du combat pour les droits et la citoyenneté.
Depuis 2017, le Brésil célèbre officiellement la journée nationale du Théâtre de l’Opprimé. La date retenue est le 16 mars, en hommage à son fondateur.
Nommé « Ambassadeur du Théâtre » par l’UNESCO, Boal s’est battu contre sa leucémie et est décédé d’une insuffisance respiratoire en mai 2009 à Rio de Janeiro.
Publié par : Poliana Dallabrid