Le tribalisme est l’un des problèmes qui touchent le plus la République démocratique du Congo. La situation est marquée par de grands moments d’instabilité, même si, ces dernières semaines, une volonté de lancer des initiatives de dialogue s’est fait jour, notamment chez les jeunes. C’est pourquoi Pressenza a interviewé Odia Nsenda, une Congolaise qui a émigré au Canada, où elle étudie la sociologie et travaille à la protection des droits humains.
Odia, la situation congolaise est-elle encore instable ?
La situation au Congo n’est pas stable, il y a des conflits dans presque toutes les provinces, il y a de l’insécurité. Le Congo est l’un des pays les plus pauvres du monde, le pourcentage est très élevé, et tout cela crée de l’instabilité. Les jeunes sont sans travail, ils sont obligés d’émigrer.
Quelles sont les principales urgences en cours ?
Chaque jour, il y a des cas continus de violence, surtout de violence sexuelle, surtout dans l’Est du pays. Il n’y a pas de paix. La délinquance est au plus haut niveau.
Le tribalisme a toujours caractérisé le pays, est-il encore un obstacle au développement démocratique ?
Oui, le tribalisme est le mal du Congo, et il n’a pas commencé aujourd’hui. Il n’y a jamais eu de véritable réconciliation et il n’y a jamais eu de véritable justice contre ceux qui ont semé la haine et tué à cause du tribalisme. Il n’y a pas de démocratie sans justice. Il n’y a des chemins vers la paix que dans certains territoires, comme dans la ville de Kalemi, dans la province du Tanganyika, où pendant de nombreuses années il y a eu des conflits tribaux contre les Twa et les Bantous.
Ce sont les jeunes qui bougent, montrant qu’ils sont capables de faire de grands pas en avant. Les Twa font partie d’un groupe ethnique de pygmées, les premiers habitants du Congo, un peuple nomade qui vit dans la forêt. Les Bantous, en revanche, constituent un groupe ethnique plus impliqué dans l’agriculture et le commerce. Avec cette migration vers les rivières, les Bantous ont commencé à contrôler le territoire, établissant des lois contre les Twa et créant des inégalités structurelles dans la région, faisant en sorte que la population Twa se sente pauvre et vulnérable.
La discrimination contre un groupe ethnique, les inégalités structurelles et sociales peuvent conduire à la violence, à des conflits meurtriers et à des déplacements en quête de paix. C’est ce qui a poussé ces Twa à chercher refuge dans les villages voisins. Le conflit entre Twa et Bantou a commencé en 2013 suite à la rébellion des Bakata-Katanga, qui font partie de l’ethnie bantoue majoritaire. Il est arrivé à un point culminant. Le peuple Twa était fatigué de se battre, de se déplacer et de subir des violences et des conflits de toutes sortes, et ils ont donc contacté leurs frères bantous pour trouver enfin un terrain d’entente.
Cette initiative de paix des jeunes a été rendue possible grâce à l’Unfra, la Fao et l’Unesco. C’est la voie à suivre pour rendre possible un Congo différent et plus démocratique. C’est un exemple à suivre tant pour ceux qui sont restés au Congo que pour ceux qui vivent à l’étranger à cause de la diaspora.
L’un des grands problèmes du développement du Congo est l’exploitation des ressources naturelles. Comment est-il géré ? S’agit-il d’une urgence nationale ?
Le Congo dispose de nombreuses ressources naturelles, comme l’eau, le pétrole, les mines de cuivre, de cobalt, de diamants, d’or. Pour certains, cette richesse est la « malédiction » des Congolais. Comme l’a dit Denis Mukwenga lorsqu’il a reçu le prix Nobel de la paix, « mon pays est plein de la complicité de gens qui prétendent être nos dirigeants. Pillé pour son pouvoir, sa richesse et sa gloire. Pillé aux dépens de millions d’hommes, de femmes et d’enfants innocents, plongés dans une misère atroce, tandis que les profits de nos minéraux finissent dans les comptes obscurs d’une oligarchie prédatrice ».