Au-delà du Che, de Marx, Engels, Lénine, il y a d’autres symboles iconographiques des révoltes : Malcolm X, Mao, Martin Luther King, peut-être même Gandhi. Cela saute aux yeux : ce ne sont que des hommes. N’y aurait-il aucune figure féminine révolutionnaire, mise à part quelques exceptions comme Rosa Luxemburg et Angela Davis? Dans la mémoire collective de l’histoire de la gauche s’inscrivent surtout des hommes. Le collectif néo-zélandais Queen of the Neighbourhood essaie d’apporter son soutien sur ce sujet, il a publié un magazine il y a quelques temps, puis un livre contenant des portraits de révolutionnaires, édité par PM Press. Aujourd’hui, ce livre sort en allemand.
Pour les auteures, les chercheuses, les rédactrices et les designers graphiques de ce collectif, il ne s’agit pas de surfer sur la vague du glamour du Che, mais de transposer cette représentation typique et d’exposer les trente photos les plus connues des femmes révolutionnaires des 150 dernières années. Il est clairement mentionné dans l’introduction que la représentation inconographique exagérée dans le style du Che est satirique. En fin de compte, le vrai travail est réalisé par la communauté et des gens qui se soutiennent les uns les autres.
Ainsi les photos de ces révolutionnaires ne sont pas seulement de la nourriture pour l’industrie de la culture, mais elles peuvent donner une impulsion et de la force pour tout combat au quotidien. Le livre est remarquablement fait : d’un côté, des rues, des places, des maisons magnifiées par des pochoirs et des pulvérisations, de l’autre, des connaissances sur les révoltes et les combats de gauche. Chaque photo est accompagnée d’une courte biographie de la personne représentée tenant sur deux pages.
Des biographies impressionnantes
Aux côtés de révolutionnaires connues telles que Rosa Luxemburg, Emma Goldman, Angela Davis et Louise Michel, on trouve de nombreuses biographies impressionnantes de femmes qui nous sont plus ou moins connues. Par exemple Marie Equi, une anarchiste nord-américaine. Au début du 20ème siècle, elle faisait partie d’un groupe de médecins, femmes et hommes, à Portland qui pratiquait des avortements. Marie était aussi activiste du mouvement des travailleurs, membre du syndicat Industrial Workers of the World (IWW), et anti-militariste durant la Première Guerre Mondiale.
Beaucoup d’activistes anti-racistes y sont représentées. C’est le cas par exemple de Harriet Tubman, une jeune activiste noire qui s’est engagée au 19ème siècle auprès du réseau Underground Railroad, un réseau qui aidait les esclaves du sud des Etats-Unis à retrouver leur liberté. Anna Mae Aquash était quant à elle pédagogue et activiste du American Indian Movement (AIM).
Elle est née dans une réserve de la tribu Micmac au Canada et sa scolarité en dehors de la réserve a été ruinée par des insultes racistes et des remarques insultantes. Lorsque sa mère les a quittées, ses frères et sœurs, elle a travaillé dans des fermes puis dans des usines à Boston. C’est ainsi qu’elle s’est engagé à Boston dans le Indian Council puis qu’elle a rejoint le AIM. En 1973, elle participe au siège armé qui dure 71 jours à Wounded Knee, une localité de la réserve de Pine Ridge dans le Dakota du Sud, localité où en 1890 eut lieu un terrible massacre perpétré par l’armée américaine.
En 1975, Anna Mae retourne à la réserve de Pine Ridge, elle n’est alors plus active au AIM. Elle est emprisonnée par le FBI à deux reprises en automne 1975 car on la soupçonne d’avoir des informations sur une tuerie dans laquelle deux agents du FBI et un membre de l’AIM auraient trouvé la mort. Anna Mae meurt peu de temps après, à l’âge de 30 ans. Avant de mourir, elle disparait, parce que le FBI la menace de mort dans l’année à venir si elle ne coopère pas. Une autopsie a été menée sous l’autorité du FBI, les conclusions en sont que Anna Mae serait morte par hypothermie. Une seconde autopsie indépendante a été réalisée suite à des protestations, elle révèle qu’elle aurait été tuée. Par qui ? Cela n’a jamais été élucidé.
Une envie de révolution
Bon nombre de ces femmes ne sont pas mortes de mort naturelle, elles ont été assassinées. Une seule exception : Ondina Peteani. A 17 ans, elle était déjà une partisane antifasciste sous le régime de Mussolini, elle a été plusieurs fois emprisonnée, puis déportée dans les camps de concentration de Auschwitz et Ravensbrück où elle sabotait la production pendant ses heures de travail forcé. En 1945, elle a réussi à prendre la fuite lors d’une marche forcée.
Marquée physiquement et mentalement par les expériences vécues, elle s’est engagée dans le Parti Communiste Italien, dans des syndicats, en tant que sage-femme et activiste contre le racisme. C’est à elle que l’on doit les mots : « Contre toute forme de racisme, d’oppression et d’attaques racistes, qu’elle soit sociale, culturelle ou religieuse ! Résistons, aujourd’hui et pour toujours : Résistance ! » (P. 68)
Dans « Des Femmes Révolutionnaires », on ne fait en aucun cas le portrait uniquement de femmes qui sont exemptes de contradictions. Toutes les biographies de ce livre sont liées par le féminisme, même s’il apparaît sous différentes formes. Le livre tente de proposer un pont entre toutes les formes de féminisme : « De représentations révolutionnaires prudentes, simples, fondamentales et généreuses aux revendications tenaces, dangereuses, ardentes « La révolution maintenant ! » » (p. 16). C’est parfaitement réussi, et les deux objectifs principaux des éditrices sont atteints : « Tout d’abord donner un grand coup de pied aux histoires patriarcales profondément ancrées, deuxièmement, faire connaître la joie de femmes fortes et l’envie de faire la révolution. » (p. 16)
Queen of the Neighbourhood Collective (Hg.): Femmes révolutionnaires. Biographie et stencils. Edition Assemblage, Münster 2011. 128 pages, ISBN 978-3-942885-05-