La Suisse a manqué deux occasions d’aller vers un monde plus juste. Le week-end dernier, 28-29 novembre, les électeurs suisses se sont prononcés sur deux référendums, qui ont tous deux été rejetés.
La première question du référendum, une initiative populaire « Pour des entreprises responsables – pour protéger les êtres humains et l’environnement », a en fait recueilli une majorité de « oui » (50,73 %), mais seule une minorité de cantons l’a approuvée, alors que pour ce type de référendum, une majorité à la fois des voix et des cantons est requise. Ce sont principalement les petits cantons de Suisse alémanique qui ont voté contre, tandis que le référendum a remporté la majorité dans les grandes villes, les cantons francophones et le Tessin.
Ce référendum demandait que les entreprises suisses soient obligées de veiller à ce que leurs activités commerciales respectent les droits humains et les normes environnementales, même lorsqu’elles sont réalisées à l’étranger. Elles auraient été obligées de contrôler non seulement leurs propres activités, mais aussi celles de leurs filiales, de leurs fournisseurs et de leurs partenaires commerciaux.
Les multinationales basées en Suisse sont souvent impliquées à l’étranger dans des scandales de déchets toxiques qui provoquent de graves maladies,
les conditions de travail inhumaines dans les usines textiles et le travail des enfants dans les plantations de cacao. Afin d’empêcher cela et de donner du pouvoir aux entreprises concernées, le référendum aurait introduit des règles et des sanctions contraignantes. Les mesures volontaires, qui existent déjà, sont absolument insuffisantes. Le référendum visait donc la cohérence et rendrait les entreprises basées en Suisse responsables devant la loi si elles permettaient le travail des enfants, polluaient les rivières ou pratiquaient l’accaparement des terres en chassant les populations indigènes de leurs terres.
Selon Amnesty International Suisse, « la Suisse a perdu l’occasion d’imposer des règles efficaces pour la protection des droits humains de l’environnement aux nombreuses grandes entreprises internationales qui opèrent dans le pays. Cependant, le choix du peuple est un succès historique. C’est un appel clair de la majorité des électeurs au Conseil fédéral et au Parlement : les violations des droits humains par les entreprises suisses à l’étranger ne peuvent plus être tolérées ».
La deuxième question du référendum concernant l' »interdiction de financer les producteurs de matériel de guerre » a été rejetée par la majorité des votants (57,45%). Ce n’est que dans le canton de Bâle et dans trois cantons de Suisse romande, généralement plus progressistes, que la proposition a obtenu une majorité de oui.
L’initiative, lancée par le Parti vert et le Groupe pour une Suisse sans armée (GswA) aurait interdit à la Banque nationale suisse, aux fondations et aux fonds de pension d’investir dans des entreprises qui réalisent plus de cinq pour cent de leur chiffre d’affaires dans la production de matériel de guerre. Des milliards de francs sont investis chaque année par la place financière suisse dans le secteur de la guerre. L’initiative visait également à garantir que les banques et les compagnies d’assurance soient soumises aux mêmes conditions.
La loi suisse actuelle interdit le développement, la production ou l’achat direct de matériel de guerre interdit, une catégorie qui comprend les armes nucléaires, biologiques ou chimiques, les mines antipersonnel et les bombes à fragmentation. Toutefois, il existe une lacune dans la loi concernant le financement indirect de ce matériel, qui est pratiqué à grande échelle. Les investissements suisses dans le secteur des armes nucléaires sont immenses et en constante augmentation (près de 8,3 milliards d’euros en 2018).