« Il y aujourd’hui plus de 60 sociétés de pêche qui exportent nos poissons » Idrissa Kallo.
La pêche artisanale est une activé qui occupe une place importante dans la vie économique et sociale de la Guinée. Mais les acteurs qui évoluent dans le secteur, disent être confrontés à plusieurs difficultés. Des difficultés notamment sur le plan sécuritaire et économique, a appris Pressenza à travers un de ses correspondants résidant à Conakry.
Il est 14h heures locale au débarcadère de Téméné Taye situé dans la commune de Kaloum. Idrissa Kallo, secrétaire chargé des relations extérieures, de la communication et de l’information de la Fédération Guinéenne de la Pêche dénonce les maux dont souffre le secteur de la pêche artisanale en Guinée.
Selon lui, ce secteur compte en son sein 62 mille emplois directs et 200 mille emplois indirects. Neuf mille familles vivent de la pêche artisanale. Mais « il y a suffisamment de problèmes dans ce secteur. Il faut des solutions pour sortir les pêcheurs artisanaux de l’ornière » nous dit-il.
Parlant des difficultés auxquelles le secteur de la pêche artisanale est aujourd’hui confronté, le Chargé de Communication cite entre autres la pêche illégale dans leur zone.
« La pêche artisanale est complètement oubliée par l’Etat. Cependant, les différents marchés du pays sont approvisionnés par les pêcheurs artisanaux. Vous le savez parce que dès que le poisson manque sur les marchés, ça crie. Les pêcheurs industriels, eux, ne font qu’exporter nos poissons ». Il continue : « Ensuite, il y a le non respect des principes et règlements qui régissent le fonctionnement de la pêche en général dans notre pays. Ceux qui ne sont pas autorisés à pêcher dans notre zone de pêche viennent régulièrement y pêcher. C’est illégal et c’est un problème majeur pour nous. »
En guise de preuve, il nous explique qu’au courant de cette année 2020 , 4 navires industriels ont été interceptés dont 2 avec pavillon Guinée Bissau. Au niveau de la pêche artisanale avancée, 9 bateaux ont été arraisonnés et au niveau de la pêche artisanale motorisée, 34 pirogues. Nous sommes victimes de la rentrée de la pêche artisanale avancée et de la pêche industrielle dans nos zones. Tous ceux qui entrent illégalement dans nos zones de pêche, doivent être arraisonnés. Au delà de ça, il y a plus de 200 bateaux de pêche dans les eaux territoriales de la Guinée alors que seulement 60 sont autorisés dans la zone de la pêche artisanale avancée, 64 dans la zone de la pêche industrielle.
Il y a beaucoup d’infractions alors que, au niveau des centres de surveillance de pêche, les balises permettent de voir les tracées des embarcations. Dès l’entrée dans la zone interdite, on est toute suite repéré. Malheureusement, on laisse les gens continuer à pêcher dans les zones qui leur sont interdites, parce que, d’après Idrissa Kallo : « ‘ils sont appuyés par des personnes bien placées en haut. Il y a beaucoup d’arrangement dans cette affaire. Il faut que ça cesse » prévient-il.
Face à cette situation qu’il qualifie de minable, monsieur Kallo estime qu’il faut l’implication réelle du gouvernement dans la sécurisation pour arrêter la piraterie dans les eaux territoriales de la Guinée et que la sécurité des personnes et de leurs biens soient effective en mer.
« Nous, nous avons écrit aux différents ministères concernés par la sécurité maritime. Les personnes et leurs biens ne sont pas en sécurité. C’est le devoir de l’Etat de les protéger. Tous les bateaux et toutes les pirogues de pêche autorisés à pêcher dans les eaux territoriales sont connus. Nous avons exprimé qu’il faut équiper la gendarmerie et la police maritimes en moyens suffisants et efficaces pour empêcher la pêche illégale. Je crois que, ainsi, on va pouvoir arrêter la piraterie ; les pêcheurs et leurs biens seront également en sécurité » fait savoir Idrissa Kallo.
Poursuivant ses explications, ce professionnel de la pêche artisanale de Guinée signale que l’aménagement des débarcadères constitue un autre problème majeur qui assaille le secteur.
» En ce qui concerne les différents débarcadères du pays, la situation est grave. Elle est lamentable. Sur 335 débarcadères, même pas 10 sont aménagés. Tout le monde vient se mettre à l’aise au bord de la mer dans les débarcadères. Par exemple, au débarcadère de Téméné Taye situé au cœur de la ville de Conakry, 800 personnes y travaillent, mais il n’y qu’une latrine pour tout ce beau monde. Cela montre que le secteur est abandonné.
En terme de santé, cela a des impacts négatifs sur la vie des communautés parce que tous ces déchets sont drainés vers la mer. Les produits halieutiques, notamment les poissons, vont consommer ces déchets qui, au final, vont nuire à la santé publique. Tout cela parce qu’il n’y pas de latrines construites dans les débarcadères. Le fait que les débarcadères ne soient pas aménagés, qu’il n’y ait pas de chambre froide , joue sur la commercialisation des poissons et impacte négativement l’économie des pêcheurs.
Il y a aujourd’hui plus de 60 sociétés de pêche qui exportent nos poissons. Ce qui est versé à l’Etat par celles-ci ou par les sociétés minières suffit pour régler tous ces problèmes et aménager les débarcadères.
En terme de solutions à tous ces problèmes, la fédération guinéenne de la pêche artisanale a toujours demandé une aide au département de la pêche. Nous pourrions avoir la possibilité de bien conserver les poissons et de les vendre non seulement en Guinée mais aussi sur le marché de l’Union Européenne.
Aujourd’hui si la plupart des poissons sont fumés c’est parce qu’il n’y a pas de chambre froides.
Dans les débarcadères, il faut qu’on ait des chambres froides, de l’eau propre, et des latrines pour le bon fonctionnement de la pêche artisanale >>.
De Conakry, Mamadou Bhoye Laafa Sow pour Pressenza