Par Claudia Mónica García
La série « Des féministes qui humanisent » est une séquence d’entretiens dans laquelle des personnes impliquées dans différents aspects de la construction d’une santé intégrale racontent comment le féminisme a changé leur vision, leur manière d’agir et leur conception des pratiques de santé. Cette série vise à susciter des réflexions sur le genre, le féminisme et la santé, en plus d’être un espace de réflexion et d’autonomisation.
On peut lire les articles précédents de la série ici :
Des féminismes qui humanisent. 01- Nidia Kreig
Des féminismes qui humanisent. 02- Diana Bañuelos González
Des féminismes qui humanisent. 03- Alejandra Romo Lopez
Des féminismes qui humanisent. 04- Entretien avec María Belén Echavarría
Des féminismes qui humanisent. 05- Entretien avec Sara Cruz Velasco
Sara est titulaire d’un diplôme de psychologie sociale et d’un master d’enseignement supérieur de l’Université Nationale Autonome de Mexico. Depuis près de trois décennies, elle travaille comme universitaire dans l’établissement où elle est entrée à l’âge de 15 ans pour préparer le baccalauréat.
Elle a appris très tôt que ses parents avaient migré vers la capitale mexicaine dans le but de faire étudier leurs enfants. Cela a déterminé en elle une disposition très importante pour l’école et les études. Depuis son enfance, elle appréciait son parcours scolaire, était curieuse et aimait raconter des histoires. C’est peut-être pour cette raison qu’elle a étudié la psychologie ; de plus, elle croit profondément en l’amitié et a eu des amis à différents moments de sa vie.
Elle est mariée, mère d’une fille et d’un garçon, et sa famille est un pilier très important dans sa vie.
REHUNO : ¿Que représente pour toi le féminisme ?
Sara Cruz : Pour moi, c’est un mouvement personnel que j’ai entrepris très jeune, au début je l’ai assumé comme une rébellion contre l’establishment social, et plus tard j’ai compris que c’était une lutte permanente pour mes droits en tant que femme ; Aujourd’hui, je le considère comme un mouvement international qui exige l’égalité des droits et des chances pour les hommes et les femmes, l’élimination de la violence contre les femmes et l’éradication du patriarcat.
REHUNO : Dans ta formation académique, as-tu eu des sujets liés au thème du féminisme ?
Sara Cruz : Oui, pendant mes études en Master, j’ai eu un cours sur la philosophie de l’éducation, enseigné par une universitaire féministe très connue, et j’ai eu l’occasion de lire des textes sur le féminisme et de participer à un séminaire intéressant.
REHUNO : A partir de quel événement es-tu devenue féministe ou comment as-tu appris à connaître le féminisme ?
Sara Cruz : Je ne m’étais jamais posé cette question, c’est peut-être à la fin de mes études secondaires quand j’ai décidé de faire des études universitaires, et de m’en tenir à cette décision, parce que ma mère m’avait suggéré de faire une carrière courte car elle pensait que mon destin serait comme celui des jeunes filles de ma génération : Elles se mariaient très jeunes, par conséquent cessaient d’étudier et se consacraient à plein temps à leur famille. Alors m’opposer et prétendre que je voulais aller à l’université et faire quelque chose de différent pour mon avenir a peut-être été mon premier acte féministe.
Heureusement, je suis d’une génération qui a apporté des changements féministes à bien des égards (par exemple : l’utilisation de la contraception, le travail en dehors du foyer, les études, le divorce), et j’ai eu l’occasion d’étudier dans un lycée ayant un modèle éducatif critique et participatif. Ainsi, dès mon plus jeune âge, j’ai commencé à participer à la politique et j’ai compris que je n’étais pas faible que ma voix avait la même valeur que celle de mes compagnons.
J’ai appris à connaître le féminisme organisé pendant mes études en licence, c’était le moment historique de la fin des années 70, nous les femmes faisions sentir notre présence dans les universités ; cela a donné un modèle pour l’émergence de plusieurs groupes de femmes universitaires, j’ai assisté à divers évènements du mouvement féministe. Plus tard, lors de ma maîtrise, j’ai eu une professeure féministe et, grâce à elle, j’ai compris le mouvement d’un point de vue plus théorique.
REHUNO : De quelle façon, le fait d’être féministe a-t-il transformé ta vie ?
Sara Cruz : En fait, je crois que ma pratique sociale en tant qu’étudiante, épouse, mère, travailleuse, compagne, sœur et professionnelle m’a façonnée en tant que femme avec une idéologie féministe.
J’ai maintenant 65 ans et je suis une féministe de ma génération ; je vois des expressions féministes très différentes, même les commémorations du 8 mars sont différentes ; je vois maintenant des positions intéressantes et plus radicales. Dans ma pratique féminine, j’ai essayé d’être cohérente car on ne peut pas être féministe à l’université et soumise à la maison, avoir une relation de domination ou reproduire les pratiques patriarcales dans l’éducation de mes enfants.
Par conséquent, je considère que je n’ai pas réalisé une transformation totale dans ma vie, mais je me considère plutôt comme étant dans un processus de désapprentissage permanent. Bien sûr, je m’identifie au mouvement féministe dans la lutte pour l’égalité des sexes, et en tant que Mexicaine, c’est un défi constant. Dans mon pays, il existe des fléaux tels que la discrimination des sexes, la misogynie et le féminicide, qui sont une réalité douloureuse depuis plusieurs décennies. Il y a beaucoup à faire et parfois la peur me saisit, mais ce qui est important, c’est que je ne me sens pas seule, nous vivons un moment où un collectif de femmes s’est uni pour briser le silence, pour exiger et dénoncer.
REHUNO : Tu connais le mot sororité ?
Sara Cruz : Bien sûr, je le connais et je le pratique. Ma vie personnelle et professionnelle est caractérisée par la solidarité féminine. J’aime, je nourris et j’alimente cette pratique.
REHUNO : Selon toi quelles pourraient être les modalités de diffusion du point de vue féministe ?
Sara Cruz : Je crois que la perspective féministe doit promouvoir une pratique féministe intégratrice, une authentique sororité, combattre aussi les pratiques patriarcales, ainsi que dénoncer tous les types de violence de genre.
REHUNO : Considères-tu que le féminisme soit affaire de femmes ?
Sara Cruz : C’est une erreur de penser de cette façon, je pense le contraire. Je suis convaincue que dans mon existence en tant que femme des hommes étaient présents qui ont été très importants : mon père, mon mari, mon fils, mes amis, mes frères ; J’ai appris d’eux et ils ont appris de moi, nous nous sommes soutenus et reconnus les uns les autres.
Tout comme le machisme est une idéologie que nous devons combattre, je trouve qu’un féminisme qui exclut les hommes est contradictoire. Les deux sont des idéologies d’exclusion.
REHUNO : Sara, merci beaucoup pour cet entretien.
Sara Cruz : J’ai été très heureuse de partager avec toi mon expérience féminine, surtout pour m’avoir amenée à des réflexions que je n’avais pas en tête. Je te remercie de me faire participer à ce collectif d’entretiens.
Traduction de l’espagnol, Ginette Baudelet
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