Aujourd’hui, la ressource essentielle pour l’humanité n’est plus l’or, le pétrole ou le lithium, ni même l’information… La ressource la plus précieuse dont dépendent la survie et l’évolution future de l’humanité est la bonté.[1]

Ces derniers mois, nous avons été témoins de l’étonnante capacité au rétablissement de la nature, la Pachamama, de la rapidité avec laquelle l’eau et l’atmosphère ont commencé à retrouver leur transparence dans les endroits les plus pollués, de l’habitat des animaux qui avaient été déplacés, et même de l’irritation sonore des villes pour être remplacée par le chant des oiseaux.

Ce pouvoir régénérateur se retrouve également dans les grands cycles de la biosphère.

Il y a eu cinq extinctions massives sur notre planète. Tout cela est dû à des causes naturelles : explosions de supernovas à proximité, fragmentation des continents, éruptions massives, appauvrissement extrême de la couche d’ozone et libération de méthane océanique due à l’accélération du réchauffement climatique. La dernière et la plus connue : la disparition des dinosaures due à l’impact d’une météorite géante.

Dans chacun d’entre eux, nous avons vu comment, même avec la perte de 70, 80 ou même 95 pour cent des espèces (à la fin du Permien, il y a 250 millions d’années), la vie a vite recommencé à germer impétueusement, avec plus de force, plus de capacité d’adaptation, plus de complexité et plus de diversité.

Mais ceci – aujourd’hui, première moitié du 21e siècle – pourrait être le premier événement d’extinction causé par l’espèce humaine, par la négligence humaine. En réalité, nous sommes à une bifurcation de la route, à un carrefour décisif. Il y a, d’une part, la possibilité d’une extinction humaine massive ainsi que d’une bonne partie de la biosphère, si nous continuons dans la direction actuelle ; et d’autre part, la possibilité de faire un saut évolutif sans précédent, dans les domaines physique, mental et social. Pour la première fois, c’est un choix, l’entière responsabilité des êtres humains.

Il existe un précédent, lorsque le développement technologique a mis l’espèce en danger : l’âge du fer. A cette époque, la capacité de détruire et de tuer a énormément augmenté, en ayant pour la guerre un métal plus léger, moins cher, plus dur, plus mortel, sans que l’être humain ait atteint un contrôle proportionnel de ses instincts possessifs, violents, de domination… de ses comportements patriarcaux, dirions-nous aujourd’hui.

Il était nécessaire de faire un saut moral et éthique qui nous permettrait de reprendre le cours de l’évolution de l’espèce. Cela s’est produit dans ce qu’on appelle le « temps axial », le sixième siècle avant notre ère, lorsque simultanément sont apparus Bouddha en Inde, Lao Tse en Chine, Zoroastre en Perse, Pythagore et les philosophes présocratiques dans la Grande Grèce, le culte olmèque à Quetzalcoatl en Méso-Amérique, avec leurs messages humanisants et moralisateurs.

Ainsi, nous arrivons à ce jour. Déjà au XXIe siècle, alors que les impressionnantes avancées technologiques dans des domaines très différents, combinées à un système social en décadence morale accélérée, le néolibéralisme, nous ont mis au bord de l’autodestruction de l’espèce, et de la biosphère en général.

Les armes atomiques sophistiquées et la course à l’armement en général, qui se développent de manière effrénée, on ne comprend pas pourquoi ; les armes chimiques et biologiques qui sont produites et utilisées en dépit des interdictions existantes ; l’utilisation massive de combustibles fossiles et des industries extractives, qui polluent l’atmosphère, l’eau et la terre ; la déprédation agricole, forestière et minière qui ampute et stérilise l’écosystème ; les produits agrochimiques, les aliments transgéniques, les opioïdes de la Big Pharma…

Tous les produits d’un capitalisme consumériste inhumain qui, ayant mis l’argent comme valeur centrale, a fini par dégénérer en spéculation financière et par s’éloigner définitivement de toute valeur morale, de toute notion de dignité humaine, de tout respect de la vie.

Le fait que des pays avec une énorme concentration de pouvoir économique, technologique et militaire, comme les États-Unis ou le Brésil, soient aujourd’hui gouvernés par des personnes d’un niveau intellectuel et éthique lamentable, est un autre exemple de l’absurdité que le système actuel a atteint dans son processus de désintégration irrémissible.

Mais aujourd’hui aussi, une possibilité s’est ouverte, qui comme toute fenêtre d’opportunité sera ouverte pour un temps limité. C’est le moment de réfléchir, de choisir et d’aller de l’avant.

Cette pandémie planétaire, avec toute la tragédie qu’elle entraîne, nous a donné l’occasion de nous arrêter et de réfléchir. Il est impératif que ce soit une réflexion profonde et qu’elle débouche sur une résolution, un changement substantiel dans la direction que nous prenons en tant que société.

Nous pensons que le moment est venu de supposer que – selon les termes de Silo – « le progrès de quelques-uns finit par être le progrès de personne »[2]. Nous pensons qu’il est temps de placer la valeur de l’être humain comme centre de la construction sociale avant l’intérêt économique, le consumérisme du plus grand nombre et l’accumulation du petit nombre. Nous devons faire passer la valeur de la diversité avant l’armement et l’intolérance, la violence raciale, religieuse ou sexiste, et la nonviolence comme mode de relation dans tous les domaines, face à la mondialisation uniforme et au suprémacisme. Placer la sensibilité empathique et horizontale du féminin face aux impositions autoritaires du patriarcat. Faire passer la valeur et l’expérience de la communauté face à l’individualisme, la méritocratie et la compétition.

Nous croyons que les êtres humains doivent apprendre une fois pour toutes à vivre ensemble sur un pied d’égalité, en appliquant dans la pratique quotidienne le principe ultime « Traiter les autres comme vous aimeriez être traité ».

Et il est nécessaire et urgent d’apprendre à vivre ensemble, en synergie positive, également avec la Nature : en prenant soin de la fertilité de la terre, de la pureté de l’eau et de l’air, de la santé intégrale de cette fragile sphère bleue qui flotte, tourne et voyage majestueusement à travers le cosmos infini, abritant maternellement tant de vie, y compris la nôtre.

Si nous y parvenons, une nouvelle espèce s’ouvrira à l’Univers.

 

Auteur :

Hugo Novotny
Centre d’Études du Parc d’Étude et de Refléxion “Carcarañá”, Argentine
hugonov@gmail.com
hugonovotny.academia.edu

 

Notes

[1] Intervention lors du Forum virtuel mondial sur l’eau, la terre, le climat et la diversité, le 5 juin 2020 facebook.com/foromundialvirtual

[2] Silo. Evénements. Punta de Vacas, 2004 www.silo.net

 

D’autres productions du Parc Carcarañá : ce link