Par Jordi Jiménez.

Le temps est le plus grand domaine de l’univers. La méthode structurelle dynamique est une méthode selon laquelle on pourrait étudier, en principe, tout phénomène connu, en décrivant sa structure statique et en décrivant son processus dynamique. Chaque « objet » d’étude est contenu dans une structure plus large qui à son tour, possède une structure interne ou composée. La plus grande structure de l’objet est également contenue dans une autre encore plus grande (comme les poupées russes) et elles sont toutes reliées les unes aux autres. Eh bien, en remontant d’espace en espace vers des structures de plus en plus grandes, on arrive à l’Univers connu comme étant la structure la plus grande qui contient tout. A ce moment, une question demeure en suspens : quelle serait alors la taille maximale d’un tel Univers ?

Dans le monde macroscopique (des atomes vers le haut), le temps n’est pas absolu et il est affecté par la gravité des corps. Une horloge qui au cours de son voyage passe près d’une grande masse gravitationnelle- comme par exemple le Soleil- sera plus lente que celle qui est restée sur Terre et, si elles sont réglées à la même heure, elles marqueront des temps différents au retour du voyage de la première. Il en va de même avec une horloge qui est sur Terre et une horloge qui est en orbite loin de l’influence de la gravité terrestre. C’est le cas des satellites de communication et des satellites GPS. Leurs horloges sont plus rapides que celles de la terre et c’est pourquoi tous les signaux GPS ont une correction dans leurs algorithmes laquelle tient compte de cette différence dans le passage du temps. Einstein a prédit dans sa relativité générale que le temps, ou plutôt le continuum espace-temps, serait affecté par la gravité des masses et cela s’observe dans l’expérience quotidienne.

C’est la même chose avec la vitesse. Si vous faites voyager une horloge à une vitesse très élevée, cette horloge va plus lentement qu’une horloge statique qui va plus vite. Le temps est également étroitement lié à la vitesse. Cependant, cela ne nous dit rien sur son origine et sa nature. Il nous montre seulement qu’il y a une influence entre la masse (ou la gravité), la vitesse, et le temps, comme s’il s’agissait d’éléments de la même sphère de conditionnement.

En fin de compte, le temps de Kronos qui semble si défini, si clair, si fiable, si régulier, semble être affecté par plusieurs éléments qui le déforment, l’étirent ou le compriment. Et nous ne parlons pas du temps psychologique, mais du temps des horloges. Même dans le monde des phénomènes physiques, nous ne pouvons parler d’un temps standard unique. Le passage du temps est relatif aux conditions locales (de portée), de gravité, et de vitesse. Une seconde ne dure pas une seconde si les conditions changent. Les oscillations du temps s’allongent ou se raccourcissent selon le champ de conditionnement dans lequel se trouve l’observateur.

En fait, nous n’avons jamais pu mesurer le temps directement. On compte les oscillations des éléments naturels avec des cycles plus ou moins stables. Nous installons un pendule et comptons ses oscillations en disant, par exemple, que toutes les dix oscillations sont une minute. Mais c’est une valeur arbitraire, pas absolue. Maintenant, soyons plus sophistiqués et comptons les oscillations énergétiques d’un atome de césium, qui sont beaucoup plus précises et stables, mais nous disons la même chose : toutes les X oscillations sont une seconde. Ce sont des mesures arbitraires, pas absolues. Nous ne pouvons pas mesurer le temps, nous ne comptons que les oscillations qui se produisent dans la nature. Et ce sont ces oscillations naturelles qui sont modifiées en présence de la gravité ou de la vitesse. Nous ne savons même pas si le temps se modifie.

Comme si cela ne suffisait pas, la théorie de la gravité quantique est actuellement en cours d’élaboration dans le domaine de la physique des particules. Selon cette formulation, seuls les champs gravitationnels existent dans le monde subatomique, mais on ne peut pas dire que l’espace existe et, par conséquent, on ne peut pas non plus dire que le temps existe. Le continuum espace-temps n’existe pas au-delà des limites subatomiques. Nous avons expliqué que le temps, en réalité, n’est pas directement observable, il ne l’est qu’en référence aux oscillations qui servent de référence. Mais dans le domaine de l’infiniment petit, il n’existe pas de telles références. Les particules et leur activité sont définies par rapport à l’état et à l’activité d’autres particules sans qu’il soit nécessaire de disposer d’une référence temporelle. Le temps n’est pas nécessaire. Les changements d’un objet sont définis par rapport à l’état des autres objets. Seules les relations entre les objets à l’intérieur des domaines de conditionnement demeurent.

Alors, d’où vient le temps macroscopique, celui qui « court » même s’il est flexible ?

Émergence du phénomène temporel ou temps thermique

Lorsqu’une pièce de métal est chauffée, nous pouvons mesurer sa température et la comparer à celle qui était la sienne avant qu’elle ne soit chauffée. Cette chaleur que nous percevons au niveau macroscopique est le résultat de la plus grande mobilité des atomes et des molécules du métal, qui libèrent ainsi de l’énergie. Mais si nous observons chaque molécule et chaque atome séparément dans ce métal chaud, nous n’observerons aucun phénomène de chaleur. Les atomes ne sont pas chauds, les atomes n’ont pas de température. La chaleur du métal est un phénomène émergent résultant de l’addition d’atomes qui ont augmenté leur mobilité. La température est un épiphénomène qui émerge au niveau macro mais qui n’existe pas au niveau de l’atome. Elle apparaît, elle émerge, grâce à la structure de la matière.

C’est la même chose avec le temps. Le temps est un épiphénomène macroscopique qui n’est pas observable au-delà du niveau atomique, et qui est donné par la somme (par la structure) des particules. Si nous pouvions observer directement le monde subatomique, il n’y aurait pas de temps (et pas d’espace). Comment le temps que l’on connaît se forme-t-il alors ? La théorie est qu’il apparaît dans un contexte thermique, c’est-à-dire dans un environnement où se produisent l’entropie et l’échange d’énergie et, par conséquent, il y a une direction irréversible des phénomènes, une flèche du temps. Dès qu’une direction, un sens, un « vers quelque chose » apparaît, le temps macroscopique apparaît. Ce macro temps est appelé « temps thermique » car il dépend du phénomène thermodynamique de refroidissement. « Le temps apparaît quand quelque chose est sujet à l’entropie. »

Pour faire une brève digression : il existe d’autres phénomènes émergents, dans la conscience humaine par exemple, qui semblent résulter d’une structure neuronale suffisamment complexe. Si nous regardons un neurone, ou un groupe de neurones, nous n’y verrons jamais la pensée ou le Moi. Ces phénomènes n’apparaissent que par la somme et la structure des circuits de conscience, mais pas dans l’individualité de leurs composantes. Ce sont des épiphénomènes comme ceux que l’on rencontre en physique. Pourquoi seraient-ils différents s’ils appartiennent au même domaine important ?

Des expériences similaires ont été faites avec des circuits de réseaux neuronaux (artificiels) qui, en devenant plus complexes et plus grands, ont commencé à donner une réponse inattendue aux mêmes inputs. Serait-il possible de faire émerger artificiellement un tel épiphénomène ?

En ce qui concerne la dimension humaine, peut-être qu’à l’avenir tous les habitants de la planète se connecteront les uns aux autres, et formeront un seul réseau planétaire humain. Peut-être qu’à ce moment-là, un nouveau phénomène émergent s’exprimera par la somme des consciences, et que la planète en tant qu’entité unie sera pour la première fois, consciente d’apparaître comme une nouvelle entité à part entière, un nouvel épiphénomène, un Je global et collectif : La naissance de Gaia ?

Pour en revenir au sujet qui nous occupe, dans le monde subatomique, il se pourrait que les phénomènes ne suivent pas une ligne de temps unique, ce qui est conforme à la théorie de la gravité quantique et de la « non-existence » temporelle. Si dans ce plan, la matière se crée et se détruit, il y a quelque chose qui le fait bouger. S’il y a de l’activité, il y a de la dynamique. Ce n’est donc pas qu’il n’y ait pas de temps pour cette échelle, mais c’est un autre type de temps. Et ce genre de Temps Pur est un temps créatif qui semble être chaotique, il semble être dominé par le hasard. Il serait paradoxal et fascinant de voir comment, à partir du hasard, l’exposant maximum de la liberté, tous les phénomènes matériels et tous les enchaînements sont créés.

Juillet 2020

 

Traduit de l’espagnol par Ginette Baudelet

L’article original est accessible ici