Selon notre correspondante sur place, la Thaïlande et la Birmanie sont encore relativement épargnées par la pandémie. La Thaïlande a instauré le 24 mars l’état d’urgence et le confinement pour une durée d’un mois.

A la frontière birmano-thaïe, à l’ouest de la Thaïlande, dans les camps de réfugiés et dans les villages clandestins où s’entassent plusieurs centaines de milliers de personnes, la situation est sous contrôle et l’épidémie semble rester à distance.

Afin d’essayer de réagir rapidement et à notre échelle à une éventuelle arrivée de la pandémie dans la région où vivent les réfugiés, appartenant pour beaucoup au peuple Karen, nous avons décidé, à la demande de notre correspondante sur place, de participer au soutien de ces populations démunies par l’achat préventif de masques de protection, de gel hydro-alcoolique, de vitamines.

Ces populations seraient sans aucun doute fortement touchées en cas d’arrivée de la pandémie. En effet, ces réfugiés s’entassent dans des camps où au sein de villages clandestins isolés où la promiscuité est de mise, souffrent de malnutrition souvent sévère et parfois de pathologies graves (tuberculose, diabète, etc.). L’offre médicale est quasi inexistante. Le virus pourrait alors se propager rapidement sans que les personnes infestées et malades puissent être prises en charge dans de bonnes conditions.
Nous avons également décidé de l’achat d’une centaine de sacs de riz : en effet de nombreuses familles des villages clandestins n’ont plus aucun revenu. Les membres de ces familles qui travaillaient dans les usines et les champs sont confinés chez eux et ne peuvent ainsi toucher leur maigres salaires. Seuls les manoeuvres sur les chantiers de construction continuent à travailler. Le prix du riz est en augmentation, les réfugiés vont devoir s’endetter sur les prochains mois de travail. La faim commence à se faire sentir! Notre correspondante et ces deux aides infirmiers distribueront ce riz aux plus nécessiteux lors de leurs tournées médicales dans les villages.

Nous venons de débloquer une première aide d’urgence (500 euros) qui a été envoyée par virement bancaire à notre correspondante sur place.

 Si vous aussi vous voulez participer à cette campagne de soutien, merci de nous envoyer vos dons par chèque (avec mention soutien Karen au dos) ou par virement bancaire (coordonnée bancaire; IBAN : FR76 3008 7336 6500 0222 6540 180; code BIC : CMCIFRPP) avec vos coordonnées postales (pour l’envoi du reçu fiscal) et en mentionnant soutien Karen en message. Par avance merci!

Rappel : A la demande de ces réfugiés, notamment Karen et Karenni, ICRA a mis en place depuis une vingtaine d’années plusieurs programmes de soutien : en 1993, un programme d’aide à l’autosuffisance alimentaire est initié dans un camp de réfugié Karenni et depuis 2002 plusieurs programmes de soutien (scolarisation, aide alimentaire) en faveur des enfants Karen et des populations Karen sont menés en Thaïlande et en Birmanie.

Contexte : Les Karen, un peuple sans terre

Fuyant depuis plusieurs décennies les combats et les exactions en Birmanie, des centaines de milliers de personnes, appartenant pour beaucoup au peuple Karen, ont trouvé refuge en Thaïlande le long de la frontière birmane, soit dans des camps de réfugiés, soit dans des villages clandestins.

En effet, si une partie des Karen fuyant la dictature birmane a trouvé refuge dans les camps de réfugiés le long de la frontière thaïlandaise où s’entassent aujourd’hui environ 150.000 réfugiés dans des conditions de vie difficiles (forte densité, produits de première nécessité fournis par des organisations caritatives, mise en culture des terres interdite, sorties des camps très contrôlées, oisiveté, alcoolisme, etc.), de nombreux Karen ont choisi, depuis une vingtaine d’années, de s’installer en dehors des camps qu’ils considèrent comme des prisons, dans des villages de fortune près de la frontière.

Camps de réfugiés Karen, 2014.

La vie dans ces villages clandestins demeure précaire et les familles sont bien souvent à la merci des propriétaires thaïlandais qui leur ont mis à disposition des terres pour construire de petites maisons. Les hommes et bien souvent les femmes travaillent dur pour un très faible salaire dans les champs des propriétaires thaïlandais, cultivant notamment le maïs, la canne à sucre, le riz, le manioc. Ces communautés demeurant assez éloignées des villes, les commerçants en profitent très souvent pour leur vendre le riz, base de l’alimentation, à un prix très élevé. Quand elle le peut, notre correspondante, médecin, lors de ses visites médicales régulières dans les villages, leur apportent du riz à prix coûtant afin de les aider à réduire leurs dépenses alimentaires. 

Dans les villages proches de la frontière, certains réfugiés passent régulièrement la frontière pour travailler leurs champs en Birmanie mais regagnent leur village avant la nuit. En Thaïlande, beaucoup de Karen ont même été obligés de quitter leur terre car n’ayant pas de titre de propriété, les autorités leur ont demandé de racheter leur terre, ce que la plupart, faute de moyen, n’ont pu réaliser. 

“Avant, ce territoire était Karen” affirmait une vieille dame Karen “qui avait toujours vécu en ces lieux”. “Les Karen y pratiquaient l’agriculture sur brûlis dans la forêt qui était luxuriante à l’époque, c’était notre terre. A présent, l’armée karen a perdu ce territoire, les thaïlandais ont tracé des routes, pris les terres et coupé les arbres : nous avons perdu notre mode de vie et nous sommes à présent exploités sur nos propres terres”. 


Village clandestin, 2014.

Notre correspondante, secondée par ses aides médicaux, visitent régulièrement bon nombre de ces villages clandestins pour y prodiguer les soins médicaux nécessaires et apporter conseils et réconfort à des familles isolées et précarisées. Les pathologies sont nombreuses et le plus souvent assez lourdes : tuberculose, malaria, épilepsie, diabète, etc. Les villages sont parfois éloignés des routes, il faut alors porter les lourdes pharmacies contenant tout le nécessaire et les traitements qui ont été préparés à l’avance pour les patients que l’on va rencontrer dans la journée. 

En Birmanie, la situation est toujours très tendue. Des négociations ont commencé il y a deux ans entre le gouvernement et les principaux mouvements de résistance Karen. Celles-ci n’avancent que très lentement car le gouvernement refuse toute discussion sur la présence de l’armée birmane sur le territoire Karen. Les troupes Karen sont à présent très affaiblies après des décennies de lutte et perdent petit-à-petit le contrôle du pays Karen, laissant le champ libre à l’armée birmane qui trace des routes et exploite sans vergogne l’ensemble des ressources du sol et du sous-sol. Pourtant, les Karen contrôlent encore certaines zones comme le 5ème territoire où les habitants luttent notamment contre la réalisation d’un barrage hydroélectrique sur la Salween qui doit produire de l’électricité pour les industries de la Thaïlande voisine. Dans certaines régions, notamment dans les montagnes isolées, les Karen maintiennent leur mode de vie ancestral d’agriculteur sur brûlis… Il y a donc de l’espoir malgré un présent difficile. 

L’article original est accessible ici