La pandémie mondiale de covid 19 touche à présent une grande partie de la planète et les peuples autochtones ne sont pas épargnés.
Elle pourrait être dévastatrice pour les communautés isolées qui manquent de résistance face aux maladies extérieures, notamment au Brésil où le nouveau président encourage depuis son élection les officines religieuses à entrer en contact avec les dernières tribus non contactées.
La situation des autres communautés autochtones, malgré leur isolement relatif, est également préoccupante. En effet, le mode de vie communautaire, l’absence d’information, l’éloignement des services de soins sont à prendre en compte dans la propagation du virus et dans le traitement des personnes infectées.
Face à ce danger, de nombreuses communautés autochtones, décident, lorsque cela est possible, de restreindre les contacts avec l’extérieur.
Des communautés autochtones particulièrement vulnérables au Brésil
Deux femmes de la communauté Pataxó, dans le sud de l’État de Bahia, ont été isolées dans leur village en attendant le résultat de leurs tests. L’une d’elles travaillait dans un hôtel recevant des touristes. Des cas ont également été signalés chez les Kokama et les Tikuna. Plusieurs autres suspicions de cas de Covid-19 au sein de communautés autochtones sont en cours d’investigations.
« Nous sommes très vulnérables », alerte l’avocat Dinamam Tuxá, membre de la Coordination de peuples indigènes du Brésil. « Les équipes de santé ne disposent pas de masques, de combinaisons ni des moyens nécessaires pour empêcher le coronavirus de se propager dans une zone indigène ». Le gouvernement de Bolsonaro tente depuis 2019 de démanteler le système de santé spécifique aux communautés autochtones (le secrétariat spécial de la santé indigène, SESAI), dont bénéficient 760 000 personnes, et a essayé de fermer de nombreux dispensaires. « Nous n’avons reçu aucune communication officielle, ni par courrier, ni par bulletin officiel, du ministère de la Santé et du SESAI sur le sujet. En revanche, de manière non officielle, nous avons été invités à éviter les agglomérations, les aéroports et à rester à l’intérieur des territoires en évitant tout contact avec l’extérieur », a expliqué Dinamam Tuxá à l’association Autres Brésils.
Villages et communautés s’isolent donc des visiteurs extérieurs. Reste à voir si les grands propriétaires terriens – ceux-là mêmes qui ont mis le feu à la forêt amazonienne en août dernier, l’industrie minière ou les promoteurs respecteront cet isolement.
Les communautés natives de l’Amazonie péruvienne dépourvues face à cette crise
Depuis le 15 mars, le Pérou a pris la décision du confinement au niveau national. Les communautés natives de l’Amazonie péruvienne ne sont pas exemptes des règles instaurées et doivent respecter la quarantaine. Aucun étranger ne doit pénétrer dans leurs communautés et si un de leurs membres est en dehors de leurs territoires, il ne pourra pas rentrer.
Comme l’a indiqué l’AIDESEP (Association Interéthnique du Développement de la forêt Amazonienne péruvienne) dans son communiqué adressé aux communautés natives, au gouvernement central, régional et local, aux Nations Unies, à la coopération internationale et à l’opinion publique: « Les communautés natives doivent respecter la quarantaine nationale en fermant l’entrée aux touristes et aux étrangers jusqu’à la diminution de la propagation du virus au niveau national. »
« Nous sommes en isolement, nous respectons la quarantaine, nous avons interdit toutes les visites de personnes étrangères à nos communautés », a indiqué Teddy Sinacay, président de la CECONSEC (Centrale des Communautés Natives de la Selva Central) et chef de la communauté native Asháninka Impitato Cascada.
Cependant, des cas ont déjà été découverts dans des villes de l’Amazonie péruvienne, renforçant ainsi la crainte des peuples autochtones de voir le virus prendre de l’ampleur au sein de leurs territoires. Ceci ne fait que renforcer l’angoisse au sein des communautés natives bien que, comme l’affirme Manuel Alban Salazar, « dans la région de Perené, je pense que les membres des communautés natives sont plus immunisés que d’autres communautés natives beaucoup plus isolées, comme c’est le cas du Gran Pajonal, du Rio Tambo ou encore de l’Ene, en raison de leur contact avec des populations étrangères. Cependant, leur niveau de pauvreté est extrême, l’accès aux services de base et leur système de santé sont précaires, et à cela s’ajoute un taux élevé de dénutrition aussi bien des enfants que des adultes. Au regard de cette situation, ils peuvent être en situation de plus grand risque. »
La situation sanitaire des peuples autochtones est déjà particulièrement fragile en raison des différentes maladies infectieuses et contagieuses qui se sont répandues au sein de leurs communautés. Les taux élevés d’anémie aggravent encore plus la situation, affaiblissent les personnes touchées et les exposent plus facilement à d’autres maladies.
C’est pourquoi, dans une lettre ouverte destinée au Président de la République, l’AIDESEP exige « un plan étatique d’urgence pour les peuples autochtones d’Amazonie péruvienne ».
« Nous sollicitons une prise d’action rapide afin d’empêcher des évènements tragiques voire de nouveaux ethnocides de certains peuples (en particulier les peuples isolés). Aucune entité étatique ne connait mieux que nous les communautés. Il est temps que l’Etat joigne ses forces à celles des organisations autochtones pour ne pas répéter les mêmes erreurs qui pourraient, aujourd’hui, être désastreuses », a expliqué l’AIDESEP.
« Nous n’avons pas encore le rapport du nombre de cas au sein des communautés natives. Cependant, elles n’ont ni masques, ni alcool en gel afin de respecter les règles de protection primordiales. Notre système de santé est complètement insuffisant », a exprimé Roberto Carlos Chavarría, membre du Congrès de la région de Junín.
Au Canada, les communautés autochtones en première ligne face au coronavirus
Les chefs des Premières nations canadiennes ont déclaré l’état d’urgence pour éviter le pire et réclament plus de soutien de la part du gouvernement.
Selon Reporterre, « Historiquement, les communautés des Premières nations ont été dévastées par des pandémies et nous devons prendre immédiatement des mesures décisives », écrivait fin mars le chef de l’Assemblée des Premières nations en Colombie-Britannique, Terry Teegee, alors que celle-ci déclarait l’état d’urgence. Les épidémies de grippe espagnole et de rougeole ont en effet décimé les autochtones.
Mais le passé n’est pas la seule raison pour laquelle les autochtones du pays retiennent leur souffle. « Les Premières nations souffrent de facteurs aggravants qui augmentent le risque de complications face au coronavirus. Beaucoup de leurs membres sont obèses, elles ont trois fois plus de diabète que le reste du pays et trois fois plus de risque d’être opérées pour des infections respiratoires », explique le chirurgien innu Stanley Vollant.
Le coronavirus pourrait donc frapper plus fort cette population. Il se répandrait aussi plus rapidement, selon Sarah Fraser, professeure en santé chez les peuples autochtones à l’Université de Montréal. « Beaucoup vivent dans des maisons surpeuplées. Cela accroît le risque de propagation rapide. Aussi, il n’y a pas beaucoup de magasins dans les communautés, donc en allant tous dans le même, on multiplie le risque de tomber sur des gens qui peuvent l’avoir.»
De nombreuses communautés autochtones comme celles des Inuits du Nunavik, à l’extrême nord du Québec, souffrent du peu de structures médicales. Au-delà du 55ème parallèle, il n’y a pas de véritable hôpital régional, seulement des centres de santé pour des soins longue durée et des dispensaires, comme à Kuujjuaq.
Face au désert médical, les communautés n’ont d’autre choix que de fermer progressivement des villages, comme à Salluit, pour éviter que le risque de propagation ne soit décuplé.
Le gouvernement de Justin Trudeau a déjà annoncé débloquer plus de 300 millions de dollars canadiens pour constituer un fond de soutien pour les Premières nations face à la pandémie. Mais plusieurs chefs estiment que l’aide sera insuffisante et réclament avant tout du renfort de personnel médical dans les communautés.
Selon Radio-Canada, des communautés autochtones ont décidé de s’isoler. Les communautés anichinabées de Kitcisakik et de Pikogan ont fermé leurs portes en raison de la propagation du virus. « Depuis le début de la crise, on a mis en fonction le comité de mesures d’urgence. En collaboration avec le conseil, on a analysé toutes les avenues possibles et on en est venu à la décision que pour la protection de nos membres, on devait fermer les accès à la communauté », affirme la cheffe de la communauté, Monik Kistabish.
Mi-mars, la communauté du Lac-Simon avait décidé de limiter les entrées et les sorties sur son territoire.
Début avril, c’était au tour du conseil de la Première Nation de Long Point, au Témiscamingue, de décréter l’état d’urgence locale pour une période de 20 jours afin d’éviter une contamination parmi ses membres.
Les camps de réfugiés de la frontière birmane-thaïe pour l’instant épargnés
Selon notre correspondante sur place, la Thaïlande et la Birmanie sont encore relativement épargnées par la pandémie. La Thaïlande vient de fermer ses frontières [N.d.E. Cet article a été écrit le 7/4/2020] avec la Birmanie et de nombreux travailleurs birmans (ils sont 3 millions en Thaïlande) ont tenté de rejoindre leur pays avant cette fermeture.
Dans les camps de réfugiés et dans les villages clandestins où s’entassent plusieurs centaines de milliers de personnes à la frontière birmano-thaïe, la situation est sous contrôle et l’épidémie semble rester à distance.
Pour plus d’informations :
• Cartographie de l’avancée de la pandémie dans les Terres indigènes