Par Gabrielle Lefèvre pour entreleslignes.be

Nos experts le disent sans cesse: la victoire éventuelle sur la pandémie sera due à nos efforts communs de confinement, de « distances sociales », de port de masques, d’hygiène stricte des mains… En somme, nous tenons entre nos mains désinfectées la responsabilité de sauver notre communauté. Nos gouvernants ne font que mobiliser cette formidable énergie de survie, et la guider… Plus ou moins, car l’Histoire nous apprend à quel point le monde politique est coupable de non prévoyance, d’incurie, d’aveuglement criminel. Nos dirigeants savaient. Les scénarios les plus précis de pandémies semblables à celle que nous subissons, étaient connus. Mais les responsables politiques n’ont pas voulu voir ni entendre les avertissements des scientifiques, des militaires, des instances internationales les plus au fait de ces problèmes, comme l’Organisation Mondiale de la Santé.

L’attitude « irresponsable » du président étatsunien Donald Trump est l’exemple parfait de cette incurie, dans un des pays le plus riche au monde, qui a négligé son système de soins de santé, sans solidarité aucune autre que la charité des organisations religieuses y compris les plus obscurantistes.

USA contre le Venezuela de Maduro

Un président qui, au moment où se produit une hécatombe dans sa population, surtout la plus démunie, envoie des forces armées pour régler son compte au président vénézuélien Nicolas Maduro, qualifié de « narcoterroriste». C’est la plus grande opération militaire américaine dans les Caraïbes depuis l’invasion du Panama en 1989 pour arrêter le général Noriega, accusé de narcotrafic. Le gouvernement US offre même 15 millions de dollars à qui arrêterait Nicolas Maduro soupçonné de favoriser le trafic de drogue en connivence avec ses alliés des FARCS de Colombie. Or, le pays qui est le plus impliqué dans le narcotrafic est le Guatemala, allié des USA et donc épargné par eux. « Pas de coronavirus qui tienne, malgré les cas de Covid-19 qui se sont déclarés dans le porte-avions nucléaire américain Theodore Roosevelt : “Les États-Unis tirent parti de cette crise mondiale pour faire à nouveau pression en faveur d’un changement de régime au Venezuela”, titre le New York Times. », repris par le Courrier International.

« Dans le même temps, la Grande-Bretagne, proche de Washington, envoie son bâtiment, le RFA Argus dans les Caraïbes. Ce navire, avec un complément de marins et d’aviateurs, était attendu dans la région pour la saison cyclonique. Équipé d’un hôpital d’une centaine de lits, sa mission serait d’aider les colonies britanniques à faire face au Coronavirus. Londres n’a pas expliqué pourquoi le bateau navigue sans équipe médicale. » souligne avec ironie France TV Info/Martinique.

Le président français Macron, s’est lancé lui-aussi dans une « opération militaire sans précédent », nommée « Résilience », dans le cadre de la « guerre au coronavirus », dit-il. Outre l’appui de l’armée sur le territoire de l’hexagone, un porte-hélicoptères « Dixmude » se positionne dans la zone Antilles-Guyane « en soutien de nos territoires ultramarins », déclare M. Macron. Comme le bateau anglais RFA Angus, « le Dixmude peut jouer le rôle secondaire de navire hôpital avec 69 lits, dont 7 pour thérapies intensives. Le rôle premier de ce grand navire, long de 200m et avec un pont de vol de 5 000m2, est celui de l’assaut amphibie : une fois proche de la côte ennemie, il attaque avec des dizaines d’hélicoptères et véhicules de débarquement qui transportent des troupes et des véhicules blindés. Caractéristiques analogues, bien qu’à échelle moindre, pour le navire britannique RFA Argus, qui a pris la mer le 2 avril vers la Guyane britannique. », écrit Manlio Dinucci dans « il manifesto » du 7 avril 2020.

Une odeur de pétrole

Sous couvert d’humanitaire, s’agirait-il d’une opération militaire en collaboration avec celle des Etats-Unis et avec l’OTAN ? Quoi qu’il en soit, cela fait beaucoup d’armes et de militaires dans la même région, au même moment, sous prétexte de lutte contre le narcotrafic et contre le Covid-19.

Cette opération se passe aussi au moment où l’enjeu pétrolier est exacerbé par la crise pétrolière actuelle : surproduction et donc baisse des prix ce qui rend le pétrole de schiste américain plus coûteux et donc non concurrentiel, d’où l’intérêt de remettre la main sur le pétrole vénézuélien.

Les Etats-Unis affrontent ainsi la Russie et la Chine, tous deux soutiens du régime de Nicolas Maduro et de son industrie pétrolière, une des plus importantes au monde. Les rentrées financières dues au pétrole ont permis au régime vénézuélien d’étoffer le réseau de santé du pays qui affirme accueillir tous les malades du Covid-19. Il bénéficie en outre d’une aide des Nations Unies : le Bureau des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a fait parvenir « 28.000 kits de protection personnelle pour les soignants qui sont en première ligne, des concentrateurs d’oxygène, des lits pour les services pédiatriques, des produits permettant de vérifier la qualité de l’eau et des kits d’hygiène », a précisé OCHA.

Les dons sont destinés « dans une première phase à 14 hôpitaux (…) et à 50 cliniques ambulatoires et centres pédiatriques », a détaillé Herve Ludovic de Lys, représentant de l’UNICEF au Venezuela, selon une dépêche de l’AFP.

Ces dons ne compensent pas les sanctions financières qui empêchent Nicolas Maduro de faire face à l’épidémie : sous la pression des Etats-Unis, le Fonds monétaire international a refusé, le 18 mars, d’accorder à Caracas un prêt d’urgence pour affronter la pandémie de Covid-19.

Alors que le secrétaire général des Nations Unies ne cesse d’appeler à la paix dans le monde afin de lutter contre le véritable « ennemi », cette pandémie mortelle, les 30 ministres des Affaires étrangères de l’OTAN ont chargé, le 2 avril, le général USA Tod Wolters, Commandant Suprême Allié en Europe, de « coordonner l’appui militaire nécessaire pour combattre la crise du coronavirus ». C’est ce même général qui, au Sénat des États-Unis le 25 février, a déclaré que « les forces nucléaires soutiennent toute opération militaire USA en Europe » et que lui-même « soutient une politique flexible de la première utilisation » des armes nucléaires, c’est-à-dire de l’attaque nucléaire par surprise, écrit Manlio Dinucci. (« Le Dr. Folamour veille sur notre santé », il manifesto, 24 mars).

L’argent ne manque pas !

Tout cela représente un véritable camouflet par rapport aux Nations Unies : Etats-Unis, Grande-Bretagne, France se veulent les maîtres du jeu international face à la Chine et la Russie.  Le reste du monde est forcé, sous la menace, de se mettre au pas. Dans ce jeu de menteurs et de dupes, l’Europe de toute évidence n’existe pas. Et son idéal de solidarité sombre dans de confuses tractations financières. Il aura fallu 16h30 de discussions pour que les ministres des Finances de l’UE établissent enfin une liste des mesures de soutien à l’économie, aux travailleurs et aux services publics, soit 540 milliards d’euros.

Pourtant, l’argent ne manque pas. Il échappe seulement à la gouvernance pour le bien commun. Ainsi, les Etats européens ont consacré 281 milliards de dollars (1,50 % du produit intérieur brut des Vingt-Huit) en dépenses militaires en 2018. Aux Etats-Unis, le montant de ces dépenses a atteint 649 milliards de dollars. Pour la Belgique, le montant est très bas, mais nombreux sont les militants de la paix qui demandent de ne pas dépenser les sommes exigées par l’OTAN. La campagne nonukes.be rencontre un beau succès sur les réseaux sociaux.

Plus important encore: l’Union européenne perd chaque année environ 1.000 milliards d’euros en évasion fiscale (les fraudeurs de toutes tailles) et évitement fiscal (notamment par des firmes multinationales). Des sommes gigantesques pourraient être recouvrées très vite si l’on se donnait les moyens politiques et juridiques de le faire.

Enfin, Eric Toussaint, porte-parole international du Comité pour l’Abolition des dettes illégitimes (CADTM), affirme qu’il faut « Suspendre immédiatement le paiement de la dette pour sauver des vies ». Nous vivons une crise sanitaire mondiale. « Il existe un moyen simple de libérer des ressources financières : il consiste à suspendre immédiatement le remboursement de la dette publique. Les sommes libérées pourront alors être canalisées directement vers les besoins prioritaires en matière de santé. »

« Les États peuvent décréter de manière unilatérale la suspension du remboursement de la dette en s’appuyant sur le droit international et notamment sur les arguments suivants : l’état de nécessité, le changement fondamental de circonstances et la force majeure. », explique-t-il.

La solidarité n’est pas un luxe. C’est une nécessité. Nous sommes responsables de sa mise en œuvre, par nos propres actions mais surtout par celles que nous exigeons de nos représentants politiques.

Sources:

https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/donald-trump-envoie-ses-batiments-de-guerre-dans-la-caraibe-819430.html

https://www.courrierinternational.com/article/hostilites-donald-trump-accentue-sa-pression-sur-nicolas-maduro

https://www.courrierinternational.com/article/enquete-rosneft-le-geant-petrolier-russe-au-chevet-du-venezuela

https://www.investigaction.net/fr/lotan-en-armes-pour-combattre-le-coronavirus/

https://www.royalnavy.mod.uk/news-and-latest-activity/news/2020/april/02/200402-argus-bound-for-caribbean

https://ec.europa.eu/taxation_customs/fight-against-tax-fraud-tax-evasion/a-huge-problem_fr

https://nonukes.be/fr/blog-fr/

https://plus.lesoir.be/293586/article/2020-04-09/suspendre-immediatement-le-paiement-de-la-dette-pour-sauver-des-vies

A lire :

Le Monde Diplomatique de ce mois d’avril 2020 et son dossier « Covid-19, et la vie bascula ». https://www.monde-diplomatique.fr/2020/04/

 

Source : https://www.entreleslignes.be/humeurs/zooms-curieux/covid-19-une-guerre-qui-en-cache-une-autre