« Révéler des secrets coupables n’est pas une fraude, mais la sentence que Julian Assange, comme personne d’autre, expérimente… » C’est par ces mots que Yanis Varoufakis a pris la parole pour soutenir le journaliste et lanceur d’alerte lors de la marche de protestation du 22 février 2020 Londres.

Vidéo : Xavier Foreau

Transcription

« Révéler des secrets honteux » n’est pas seulement une phrase, mais aussi une sentence, une sentence que Julian Assange est le seul à risquer pour avoir dévoilé ces secrets.

Julian a gagné le droit de citer un prisonnier, celui d’une autre époque et d’un autre ennemi, Mahatma Gandhi. Tout comme ce dernier, Julian pourrait dire : « Vous pouvez m’enchaîner, vous pouvez me torturer, vous pouvez détruire mon corps mais vous ne pourrez pas emprisonner mon esprit ». Julian, tu as gagné le droit de dire ceci. Mais nous ne pouvons pas simplement être d’accord avec lui. C’est notre devoir de les empêcher de détruire le corps de Julian. C’est notre devoir d’arrêter la torture qu’ils lui infligent.

D’abord, ils se sont pris à Julian. Ensuite, ils se prendront à nos collègues, nos amis et nos voisins. Et après ça, ils se prendront aux honnêtes gens du Guardian, de la BBC et à tous ceux qui oseront défier le droit au pouvoir de leur oligarchie sans frontières, derrière laquelle ils se cachent pour commettre des crimes contre l’humanité en notre nom mais sans nous en informer. Rappelez-vous que quelques mois de cela, Mike Pompeo, – et permettez-moi de vous rappeler qui est cet homme, Trump l’avait désigné comme premier choix de directeur de la CIA et il est actuellement le Secrétaire d’État – avait décrit WikiLeaks comme un service de renseignement non-gouvernemental hostile. Vous savez quoi ? Il a raison. C’est exactement ce qu’est WikiLeaks, mais c’est aussi ce qu’un journal, une chaîne de télévision et de radio dignes de ce nom devraient être – un service de renseignement non-gouvernemental qui se met au service du public qui veut un regard critique de son gouvernement.

Dan Ellsberg, ce dénonciateur formidable, un de mes plus grands héros, et Noam Chomsky, un autre de nos héros, veulent que les journalistes qui échouent si spectaculairement, défendent Julian aujourd’hui. Ils les ont avertis : « Vous êtes les prochains, vous êtes sur la liste noire, en ordre de classement, du Président Trump qui considère que la presse en général est l’ennemi du peuple ».

Quand vous tournez le dos à la torture infligée sur Julian, vous acceptez d’être émasculés. Ceci est notre message à la BBC et au Guardian. Vous n’avez pas besoin que je vous sermonne, car rien qu’en étant présents ici, vous prouvez que vous êtes au courant de tout ça. Mais nous avons tous un devoir – dévoiler tout ça à ceux qui ne sont pas présents ici aujourd’hui. Les pires ennemis de Julian, et de la liberté de la presse, ne sont pas des gens malveillants enfermés dans une chambre pleine de fumée qui complotent contre les bonnes personnes.

Non, le pire ennemi de Julian et de la liberté de la presse est l’apathie, la fatigue, de bonnes personnes qui sont trop fatiguées, exténuées, découragées, et qui travaillent de longues heures, pour dépenser l’énergie que vous et moi avons le privilège de dépenser aujourd’hui. C’est la platitude, ce sont les gens qui ne sont ni bons ni mauvais et qui travaillent dans ces bureaux. Non, ils ne sont pas malveillants, ils sont seulement fatigués, trop fatigués pour se soucier de tout ça. Nous devons les sensibiliser.

Sur une note un peu personnelle, j’ai rencontré Julian Assange il y a quelques années de cela quand il s’est intéressé à moi, certains d’entre vous le savent peut-être déjà, quand j’ai dénoncé la cabale d’un ministre de la finance européen qui complotait en secret contre les intérêts du peuple, non seulement les grecs mais aussi les allemands, les français, bref tout le monde. Et je répète, en cachette.

Dans quelques jours, le 10 mars, un des projets sur lesquels Julian et moi travaillions sortira. Tenez-vous bien, EuroLeaks arrive bientôt. Peu de temps après notre rencontre, avec Brian Eno, qui n’aime pas qu’on l’inclue dans cette clique mais ce n’est pas une clique, comme il le sait, car ce qu’on a commencé en février 2016 avec Julian Assange à Berlin, le mouvement Démocratie en Europe, compte actuellement des dizaines de milliers d’abonnés partout à travers le monde. En ce moment même, une manifestation similaire se déroule à Athènes avec des membres du parlement qui représentent le mouvement que Julian Assange a aidé à mettre en place.

Demain, je vais à Belmarsh pour rendre visite à Julian, avec son père John Shipton. J’irai là-bas avec une appréhension et un sentiment de culpabilité car je vais entrer dans cette prison mais je vais aussi en sortir. Je vais lui transmettre votre esprit, l’esprit de tout le monde dans tous les pays de l’Europe et partout ailleurs car vous sortez peut-être de l’Europe mais vous êtes bien ancrés dans le mouvement progressiste européen.

Mes amis, comme mon ami, et celui de Julian, Philipe… de l’Australie, a récemment dit : « Nous ne les laisserons pas faire de Julian un homme dans un masque de fer ou même un homme oublié dans une cellule en fer. Donc, soyez forts, nous œuvrons pour que la vérité, sincère et pure, ait le dernier mot car nous œuvrons pour créer les circonstances qui permettront que la sentence de Julian se terminera, ni avec un fracas ni avec un gémissement, mais avec un point final splendide. »

Merci.

 

Traduction de l’anglais, Maryam Domun Sooltangos