Dans la lutte contre la COVID-19, au cours des derniers jours, des décisions économiques et politiques ont été prises dans plusieurs pays qui auraient été inimaginables il y a quelques semaines.
Dans un texte publié le 30 mars dans le Globe and Mail, la Dr Joanne Liu, qui fut la présidente de l’organisation Internationale Médecins Sans Frontières de juin 2013 à septembre 2019, présente les mesures qui devront être prises immédiatement par les responsables du système de santé du Canada pour combattre la pandémie.
Mais, il semble urgent que les gouvernements en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Afrique suivent les recommandations de la Dr. Liu à la lettre afin éviter les pires scénarios catastrophes.
Selon la Dr. Liu, nous devons maintenant faire face à l’inimaginable et nous préparer au pire puisque le Canada est sur le point de subir le pic le plus élevé de la courbe de la pandémie de la COVID-19.
Pourtant, tout comme les Américains, la plupart des Canadiens n’ont aucune idée de l’ampleur d’une pandémie puisque qu’ils n’ont jamais vécu une crise de cette ampleur. À titre d’exemple, la portée et la férocité du SRAS étaient très limitées par rapport à ce que le COVID-19 deviendra.
Joanne Liu est pédiatre à l’hôpital Ste-Justine de Montréal depuis 2000 et au Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Elle est également professeure associée à l’Université de Montréal.
« Le fait d’être travailleur de la santé en temps de pandémie est une question de vie ou de mort, et malheureusement, il y aura inévitablement des travailleurs qui seront infectés et mourront. Les travailleurs de la santé savent que leurs collègues en Chine, en Italie et en Espagne sont morts dans leur combat contre la COVID-19. Le gouvernement est-il prêt à assumer la responsabilité des personnes à charge comme il le fait pour les soldats qui meurent en première ligne? » ajoute la Dr. Liu. (Global Mail)
Avec ces collègues de l’organisation Médecins Sans Frontières (MSF), la Dr. Liu a combattu plusieurs épidémies, donc celle du choléra au Yémen qui avait fait un million de personnes contaminées et l’épidémie dévastatrice d’Ebola en Afrique de l’Ouest, où 28.000 personnes ont été infectées et plus de 11.000 personnes ont perdu la vie.
Pour Dr. Liu, les gouvernements doivent faire tout ce qu’il est possible afin d’éviter les pires scénarios.
«Nous devons être prêts mentalement et sur le plan organisationnel à faire face à des conditions similaires qui secouent présentement l’Italie et l’Espagne. Dans le meilleur des scénarios, nous serons surpréparés, et c’est un petit prix à payer mais dans le pire des scénarios, nous serons prêts à sauver beaucoup plus de vies que si nous n’étions pas entièrement préparés au pire. Il doit y avoir des lignes directrices nationales explicites et préparées dès maintenant pour guider les médecins dans la prise de décision complexe et pénible qu’ils devront faire». (Global Mail)
Au plus fort de la crise, surtout s’il y a des installations mixtes et du personnel qui jouent des rôles mixtes, la COVID-19 doit attirer toute l’attention et monopoliser toutes les ressources disponibles.
«Nous devons, absolument nous assurer que les conditions médicales ne deviennent pas mortelles pour les patients non contaminés, comme par exemple une mère devra avoir un endroit sûr pour accoucher ». (Global Mail)
Selon la Dr. Liu, il est essentiel que les hôpitaux maintiennent les services pour les patients non-COVID-19 mais ayant des besoins aigus.
Selon les spécialistes des pandémies, les politiciens et les gestionnaires des réseaux de la santé doivent faire l’inimaginable dès maintenant parce que toute la force de la pandémie reste à venir en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Afrique.
La pression mentale et l’angoisse auxquelles sont confrontés les travailleurs de la santé est inimaginable. Les gouvernements et les gestionnaires en santé doivent offrir un accès à des conseils psychologiques et à du soutien en tout temps.
Selon la Dr. Liu il faut prendre des mesures, dès maintenant (Ricochet):
- Dédier des hôpitaux ou des sections complètes à la COVID-19
Dans la mesure du possible, nous devons mettre en place des installations médicales dédiées uniquement aux patients COVID-19: des structures autonomes ou un hôpital séparé au sein d’un hôpital. Il est tentant d’essayer de gérer les cas COVID-19 au sein des structures existantes. Cela peut fonctionner lorsque le nombre de cas reste bas. Mais pas quand il devient énorme. Si les lits sont occupés par des patients COVID-19, si toutes les civières dans le couloir sont monopolisées par des patients COVID-19 et si des patients COVID-19 très malades font la queue pour des respirateurs, le chaos prendra le relais et favorisera la contamination croisée.
- Protéger la santé physique et mentale du personnel de la santé
Les membres du personnel de la santé sont notre meilleure et dernière ligne de défense en cas de pandémie. Pour leur bien et pour le nôtre, nous devons protéger leur santé physique et mentale. Nous devons nous assurer que notre personnel médical aura toujours le bon EPI disponible à tout moment.
Dans le pire des cas, nous devons les aider à décider qui périra ou s’en sortira. Il est possible qu’ils ne pourront pas fournir des soins intensifs à tous ceux qui en auront besoin. Un médecin ne devrait pas avoir à prendre, de manière adhoc, la décision atroce de savoir qui obtient un respirateur, le patient ou la patiente de 78 ans atteint-e de diabète et d’insuffisance rénale ou celui ou celle de 55 ans sans antécédents médicaux et qui a trois trois enfants. C’est pourtant ce qui se passe en Europe aujourd’hui.
- Maintenir les soins intensifs pour les patients non COVID-19
Nous devons nous assurer que les soins intensifs aux patients non-COVID-19 sont maintenus pendant la pandémie. Nous ne devons pas créer un statut de second ordre pour les patients non COVID-19 ayant besoin de soins intensifs.
Pour gagner du terrain sur la pandémie, les gouvernements doivent s’unir et agir dès maintenant en mettant en place ces mesures, parce que la pandémie va nous frapper avec une force immense.