Par Timmon Wallis et Vicki Elson, NuclearBan.US
29 JANVIER 2020 : La ville de New York a fait un pas de plus vers le retrait des armes nucléaires cette semaine, après l’audience d’une commission mixte paritaire à la mairie. Au début de l’audience, seul le bureau du maire s’y opposait sur un point de détail, et il manquait encore une voix à la commission pour obtenir une majorité sans droit de veto. Mais il semble que les efforts inlassables d’un petit groupe de militants de la ville de New York, qui se font appeler NYCAN, sont sur le point de porter leurs fruits, après près de deux ans de lobbying intense auprès du Conseil municipal.
Après avoir entendu les témoignages d’une soixantaine de personnes, le bureau du maire a rapidement annoncé qu’il « trouverait un moyen » de résoudre ce point de détail, et le membre du Conseil Fernando Cabrera a annoncé son soutien au désinvestissement. Avec le soutien de Cabrera, ces deux résolutions ont maintenant une majorité de soutien au conseil municipal de New York, et avec le retrait de l’opposition du bureau du maire, il est presque certain qu’elles seront adoptées dans les semaines à venir.
Le premier des deux projets de loi, présenté par le membre du Conseil Daniel Dromm, est INT 1621, qui demande la création d’un comité chargé d’enquêter et de faire rapport sur le statut de New York en tant que « zone exempte d’armes nucléaires », statut dont jouit la ville depuis 1983. La seconde, RES 976, demande au contrôleur de gestion d’annuler le fonds de pension des fonctionnaires de la ville de New York « pour éviter toute exposition financière aux entreprises impliquées dans la production et l’entretien des armes nucléaires ». Il appelle également le gouvernement fédéral des États-Unis à soutenir et à rejoindre le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires de 2017.
Le membre du Conseil Dromm a déclaré être « dynamisé » par les témoignages provenant d’un large éventail d’organisations et de personnes âgées de 19 à 90 ans, des descendants des premiers habitants des Lenapes de Manhattan aux lauréats du prix Nobel de la paix, membres de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires.
Les autres intervenants variaient de fiers New-Yorkais à des survivants d’Hiroshima et de Nagasaki, d’un soldat impliqué dans de nombreux essais de bombes nucléaires au Nevada à un parent de Mikhaïl Gorbatchev, de militants âgés qui ont passé plusieurs années en prison pour avoir protesté contre les armes nucléaires à des banquiers et des experts en investissement expliquant pourquoi le désinvestissement des armes nucléaires est bénéfique pour leurs portefeuilles.
Manhattan, l’épicentre de l’invention des armes nucléaires, souffre encore de la contamination radioactive de l’époque. Un Teamster s’est rappelé avoir travaillé dans un entrepôt où se trouve aujourd’hui la High Line, où des barils dégageaient de la chaleur et faisaient fondre l’asphalte du sol. Plusieurs d’entre eux ont parlé de l’horloge de l’Apocalypse, mise à jour en 1947 par les scientifiques du Projet Manhattan, rongés par le remords, et qui est maintenant « réglée » plus près de « minuit » qu’à tout autre moment de l’histoire.
Manhattan est habitée depuis 3 000 ans. Mais les témoignages d’experts ont clairement montré qu’une seule arme nucléaire pouvait effacer toutes les personnes, les animaux, l’art et l’architecture, et que la radioactivité durerait bien plus que 3 000 ans dans le futur. La ville de New York, bien sûr, est une cible de choix pour une attaque nucléaire.
Des personnes du monde entier ont également soumis des témoignages écrits. Parmi eux, le Bureau du Dalaï Lama et la déléguée à la Chambre des représentants des Etats-Unis, Eleanor Holmes Norton de Washington D.C., dont le projet de loi H.R. 2419 prévoit de supprimer le financement des armes nucléaires américaines et de transférer l’argent des contribuables vers les technologies vertes, l’emploi et la réduction de la pauvreté.
Bien que les pensions de la ville de New York aient investi moins de 500 millions de dollars dans l’industrie des armes nucléaires, soit un dixième de son niveau d’investissement dans les combustibles fossiles, le désinvestissement de New York serait extrêmement important pour le mouvement mondial visant à abolir les armes nucléaires et à exercer une pression financière sur les entreprises responsables.
La ville de New York supervise cinq fonds de pension, qui représentent à eux seuls le quatrième plus grand programme public de pensions du pays, avec plus de 200 milliards de dollars d’investissements. En 2018, le contrôleur de gestion a annoncé que la ville avait entamé un processus de cinq ans pour se désinvestir des fonds de pension de plus de 5 milliards de dollars de l’industrie des combustibles fossiles. Le désinvestissement des armes nucléaires est un phénomène plus récent, renforcé par l’adoption du Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires des Nations Unies en 2017.
Jusqu’à présent, deux des plus grands fonds de pension du monde, le Fonds souverain norvégien et l’ABP (le fonds de pension civil national) des Pays-Bas, se sont engagés à se désinvestir de l’industrie des armes nucléaires. D’autres institutions financières en Europe et au Japon, dont Deutschebank et Resona Holdings, ont rejoint plus de 36 autres qui ont décidé de se désinvestir des armes nucléaires. Aux États-Unis, des villes comme Berkeley, CA, Takoma Park, MD et Northampton, MA, se sont désinvesties, de même que l’Amalgamated Bank of New York et le Green Century Fund à Boston.
Traduction de l’anglais, Maryam Domun Sooltangos