Rodrigo Mundaca, défenseur du droit à l’eau au Chili, a reçu le mercredi 20 novembre 2019 le Prix Danielle Mitterrand récompensant son combat pour le droit à l’eau, commun du vivant.
Quelques semaines plus tôt, un jury, composé de Gilbert Mitterrand, Christiane Taubira, Philippe Starck, Agnès b, Hindou Oumarou Ibrahim et Jacqueline Madrelle, avait désigné Rodrigo Mundaca comme lauréat de la 7ème édition du prix Danielle Mitterrand.
Un militant pour la « justice de l’eau » au Chili
En 2010, Rodrigo Mundaca cofonde le Movimiento de Defensa por el acceso al Agua, la Tierra y la Protección del Medioambiente (Mouvement de défense pour l’accès à l’eau, la terre et la protection de de l’environnement), MODATIMA.
MODATIMA défend les droits des agriculteurs, travailleurs et habitants de la région de Petorca, victimes depuis les années 1990 du vol et de l’accaparement de l’eau par des entreprises de l’agrobusiness, en connivence avec les politiques. La revendication d’une « justice de l’eau » est apparue face aux abus commis par les puissants, qui sont aujourd’hui couverts par les garanties constitutionnelles relatives au droit de propriété ainsi que par le Code de l’eau qui permet la privatisation de l’eau du pays. Le Chili est ainsi le pays qui va le plus loin dans la marchandisation et la privatisation de ses eaux. Cela empêche de nombreuses personnes de jouir du droit à l’eau pourtant reconnu en 2010 par les Nations Unies.
Le prix Danielle Mitterrand est décerné chaque année à une initiative remarquable pour la démocratie, la justice et la solidarité. Durant une semaine, la Fondation Danielle Mitterrand se donne pour objectif d’accompagner le lauréat, de valoriser son combat et de lui ouvrir de nouvelles opportunités d’action.
C’est ainsi que nous avons accueilli Rodrigo Mundaca à Paris du 17 au 24 novembre, et organisé un programme afin de soutenir sa lutte contre l’accaparement de l’eau au Chili.
Des rencontres inspirantes
Plusieurs rencontres ont ouvert ou renforcé des pistes de soutien et de travail commun avec Rodrigo Mundaca et l’ONG MODATIMA de laquelle il est porte-parole.
Il a partagé avec Valentine Sébile, l’assistante de Michel Forst le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits humains, ses inquiétudes quant à la situation des militants sociaux et environnementaux et souligné notamment les nombreuses violations des droits humains en cours au Chili en lien avec la crise sociale actuelle. Il a également alerté Alexis Corbières, député et président du groupe d’amitié France-Chili à l’Assemblée nationale sur la situation du droit à l’eau au Chili et lui a rappelé l’implication de multinationales françaises dans la privatisation des eaux (notamment Suez) ou la pollution environnementale (notamment les 8 centrales à charbon d’Engie au Chili).
Durant son séjour à Paris, Rodrigo Mundaca a rencontré plusieurs associations françaises, dont Amnesty France, et les nombreuses associations de chiliens mobilisés en France telles que l’association des ex-prisonniers politiques du Chili. Dans une optique de partage d’expériences autour du droit à l’eau, Rodrigo Mundaca a échangé avec plusieurs acteurs français investis sur le sujet, notamment des acteurs de la remunicipalisation de l’eau en France, comme Eau de Paris et la Coordination Eau Ile-de-France.
Des conférences et mobilisations publiques
La cérémonie de remise du prix Danielle Mitterrand a réuni presque 200 participants venus rencontrer Rodrigo Mundaca (à lire un article avec quelques photos et la captation audio de la cérémonie sur notre site internet).
Les interventions de Rodrigo Mundaca lors de conférences organisées par l’IHEAL (Institut des hautes études de l’Amérique latine) ou le CRID (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement) ont permis de sensibiliser un large public. C’était l’occasion pour Rodrigo Mundaca d’expliquer comment le Chili a privatisé tant ses sources d’eau que sa gestion de l’eau, soulignant comment cela empêche l’effectivité du droit à l’eau pour tous et accentue les inégalités. Il a martelé que la sécheresse aujourd’hui dans de nombreuses régions au Chili est le fruit de l’appropriation des eaux par quelques-uns. :« No es sequia, es saqueo » (ce n’est pas une sécheresse, c’est un pillage). Il a aussi donné des clefs de compréhension de la situation politique et sociale dramatique du Chili.
La mobilisation autour de Rodrigo Mundaca et de ses combats est le maître mot de cette semaine intense comme le montre la manifestation réalisée devant l’entreprise Suez, propriétaire d’une grande partie des eaux du Chili.
Un impact médiatique essentiel
De nombreux journalistes ont souhaité rencontrer le lauréat et comprendre la situation inadmissible de la région de Petorca. C’est ainsi que Rodrigo Mundaca a enchaîné plateaux TV, radio et interviews presse pour un large éventail de médias. A lire, « Au Chili, la lutte de Rodrigo Mundaca contre la privatisation de l’eau » dans Le Monde, « Rodrigo Mundaca, le justicier chilien de l’eau » dans Ouest France, ou un podcast à écouter « Chili, le nouvel Eldorado des énergies vertes ? » sur France Culture.
Les centaines de milliers de chiliens mobilisés dans les rues font état des inégalités étouffantes et de la violence que vit la société chilienne. Malgré la répression violente et les violations aux droits humains perpétrées par la police, la population chilienne, comme Rodrigo Mundaca, reste mobilisée contre les inégalités, les privatisations et les conflits d’intérêts public/privé.
Menacé, persécuté, agressé et censuré, Rodrigo Mundaca continue à se battre inlassablement pour l’eau dont personne ne devrait être privé. La Fondation Danielle Mitterrand est fière d’avoir pu soutenir ce grand défenseur des droits humains et restera mobilisée jusqu’à ce que l’eau reprenne sa place de commun au Chili !