Ce jeudi 5 décembre a eu lieu en France une grève interprofessionnelle nationale et générale contre la réforme des retraites.
Cette réforme concerne, entre autres points : l’augmentation de l’âge de départ à la retraite ; la perte du montant de retraite du 20% pour le salaire minimal, du 15% pour la femme fonctionnaire, du 23% pour le salarié du privé ; le budget de la retraite sera plafonné, etc.
La grève a été suivie par différents secteurs : transport public national (trains), transports urbains et routiers de voyageurs, de marchandises, de fonds, taxis, ambulanciers, transport aérien, syndicalistes. Tout le secteur public : enseignants, étudiants, lycéens, participation des policiers et pompiers, l’ensemble des professionnels de justice, infirmiers et urgentistes, des partis politiques.
Le nombre de manifestants dans toute la France était de 806.000 personnes selon le ministère de l’intérieur, plus de 1.500.000 selon le syndicat CGT et 1.143.450 selon le site de comptage Le Nombre Jaune. 245 manifestations ont eu lieu dans toute la France. Il n’y a pas eu autant de mobilisation en France depuis 1995, à ce moment-là le thème était aussi les régimes des retraites.
A Paris, une force tranquille mais déterminée !
A Paris, quelque chose d’unique s’est passée lors de cette manifestation. Dès le début de la matinée, on sentait un calme assez inhabituel dans la capitale. Les rues étaient désertes et silencieuses. Rien n’indiquait l’imminente arrivée massive de manifestants. Vers 11h00, de milliers de personnes ont parcouru à pied les principales artères de la ville pour converger vers la gare de l’Est, lieu de départ du cortège qui devait les amener vers la place de la Nation.
L’ambiance était festive et bon enfant. On sentait l’envie de la rencontre et du partage. La plupart des gens avaient envie d’échanger, de raconter ses difficultés et d’écouter celles des autres. On entendait par-ci par-là des hospitaliers, des éducateurs, des cheminots (transport ferroviaire), des artistes parler de leur détresse. Ils exprimaient tous et toutes leur envie d’accomplir un meilleur travail, mais soulignaient les difficultés spécifiques de leurs métiers : Manque de moyens, de reconnaissance, des salaires insuffisants pour vivre dignement, des horaires à rallonge, etc. Rien qu’en parlant, les personnes ressentaient un soulagement, car elles voyaient qu’elles n’étaient pas seules. Elles étaient écoutées et comprises.
Tout le long du parcours, les manifestants ont dû faire face à de nombreuses difficultés : Une présence massive de CRS (police), des contrôles à répétition, des violences ponctuelles, des blocages, etc. Mais le cortège aujourd’hui était plus déterminé que jamais à continuer son parcours et à maintenir ce sentiment d’union et de calme jusqu’à la fin. Ainsi, une grande partie du cortège a réussi à rejoindre la Place de la Nation en fin de soirée.
Un changement de paradigme est possible
Certains manifestants ont ce soir le sentiment d’avoir avancé. Ils ont pris conscience qu’il n’y a pas vraiment des forces qui s’opposent, mais des énergies qui tentent de prendre progressivement une direction. Par exemple, en écoutant des échanges spontanées entre manifestants, on voyait bien que leurs points de vue et leurs avis divergeaient, mais on observait une concordance lorsqu’ils parlaient autour de l’injustice que représente la modification des régimes des retraites.
Aussi, on a appris ce jour, que des personnes accompagnaient les manifestants à travers de méditations actives. Par leur démarche, ces personnes comptent insuffler du calme, du discernement, et réconforter les gens dans ce processus de prise de conscience.
Le mouvement en profondeur qui est en train de se donner, le changement de paradigme enclenché c’est le passage d’une démocratie formelle, représentative, parlementaire vers une démocratie réelle, participative. La forme de la république (du latin res publica “chose publique”) est en train de changer aussi, l’on perçoit que l’organisation de la vie de l’état peut être aussi exercée par la participation directe de la population.
La réforme de retraites peut être une excuse, une opportunité pour mieux se rassembler et changer les choses en profondeur. Une chance pour renforcer la solidarité, l’écoute, le dialogue et mettre fin à l’individualisme.
Photo-reportage de Pressenza :