Le résultat des élections britanniques m’a porté un coup pour plusieurs raisons [N.d.T. Parti conservateur (libéral-conservateur, à droite) : 42,4 % des voix, 317 sièges (de 650) ; Parti travailliste (Centre gauche à gauche) : 40,0 % des voix, 262 sièges]. Peut-être naïvement, malgré les prédictions et les sondages négatifs, j’ai continué d’attendre la fin d’une victoire favorable à Jeremy Corbyn, notamment parce qu’elle aurait un effet perturbateur non seulement sur le pays, mais aussi au niveau international, marquant un changement radical dans des questions comme le désarmement, l’environnement et la migration et mettant un terme à des décennies d’austérité.
C’est peut-être la raison pour laquelle la droite et les médias ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour l’empêcher, ramenant la campagne de dégradation, de mensonges et de calomnies contre le dirigeant travailliste à des niveaux encore plus féroces. Mais surtout, Boris Johnson a pu s’appuyer sur la tendance actuelle à voter (quand on vote) avec les tripes, sans raisonnement ni réflexion logique, mais plutôt sur la recherche de solutions faciles et généralement connexes à la recherche d’un bouc émissaire. De cette façon, tout est résolu avec une catharsis irrationnelle, blâmant ceux qui sont pires et espérant ainsi s’améliorer.
En fait, ce qui m’a le plus frappé lors des élections britanniques, ce sont les pauvres qui se plaignent de l’état désastreux du service national de santé et qui votent ensuite pour ceux qui l’ont détruit et non pour ceux qui proposent, comme premier point à l’ordre du jour, de taxer les riches pour le financer. Ils tombent dans le piège de blâmer l’Europe et les immigrés pour tous les maux et réagissent comme un enfant exaspéré par l’urticaire et prêt à tout faire pour éliminer les démangeaisons. Johnson et les médias n’ont parlé que de Brexit de façon obsessionnelle et ont ensuite présenté le vote conservateur comme la façon d’éliminer le problème. « Devenez Brexit ! – Finissons-en avec Brexit », comme si quitter l’Europe résoudrait par magie tous les maux du pays.
Le programme du Parti travailliste contient des propositions sur la santé, l’éducation, le logement et l’environnement, qui, prises une à une, ont joui d’une grande popularité, impliquant et enthousiasmant des milliers de militants, notamment des jeunes. Corbyn a essayé de toutes les façons de traduire le débat Brexit en questions sociales et, surtout ces derniers jours, a identifié le vote travailliste à la défense du Service national de santé, une question qui affecte la vie de tous (sauf peut-être la vie des riches qui peuvent se permettre des cliniques privées coûteuses). Même ce message apparemment simple n’a pas réussi à atteindre une circonscription qui préférait l’illusion que si elle quittait l’Europe et expulsait les immigrants, les choses seraient meilleures. Les travaillistes devront réfléchir sérieusement aux raisons de cette défaite après des années de régime conservateur, mais sans tomber dans le piège que nous connaissons bien en Italie : celui d’attribuer la défaite à un programme trop radical, puis de désigner des options plus modérées comme salut qui ne sont en fait qu’une version douce de la brutalité néolibérale d’extrême droite.
Il faut aussi rappeler que le vote au Royaume-Uni reflète une tendance générale à voter pour des hommes « forts » comme Trump, Bolsonaro et Salvini, des hommes privilégiés qui se présentent comme les sauveurs du peuple et dirigent leur colère contre l’aggravation des conditions de vie des plus faibles et des plus discriminés.
Alors, comment on s’en sort ? Cherchant une lumière d’espoir dans ce moment sombre, j’ai essayé d’identifier un élément commun dans les phénomènes les plus positifs et encourageants qui se produisent ces derniers temps et je l’ai trouvé dans un mot qui résume un sentiment apparemment élémentaire, mais en réalité profond : Assez !
Assez disent les étudiants états-uniens qui en ont assez des massacres dans les écoles et qui, l’année dernière, ont déclenché des marches et des initiatives contre le lobby de l’armement. Greta, les activistes de Fridays for Future et Extinction Rebellion, qui rejettent un avenir marqué par une catastrophe climatique, disent que c’en est assez. Les Chiliens qui réclament dignité et justice après des années de politiques néolibérales désastreuses disent que cela suffit. Les féministes de MeToo, celles de Ni Una Menos et celles qui revendiquent avec force la violence oppressive de l’État patriarcal et violeur qui a parcouru le monde, en disent aussi assez. Les individus, les organisations et les ONG qui défendent les droits des migrants et sauvent des vies en mer et sur terre, rejetant la fausse rhétorique de l’invasion, en disent déjà assez. Les « sardines » italiennes, qui sont descendues dans la rue pour rejeter les discours de haine, le racisme et le fascisme qui prolifèrent en politique, ont dit que c’en était assez. Et bien d’autres encore…
Mais tous ces mouvements ne représentent pas seulement une dénonciation, mais apportent aussi un canal d’expression d’un besoin et d’un sentiment d’union, d’amour, d’espoir, de solidarité et de communauté. Ce sont des formes créatives, spontanées et horizontales qui correspondent à une nouvelle sensibilité qui se multiplie surtout chez les jeunes, mais qui sait aussi récupérer et valoriser les moments les plus inspirants du passé. Les enfants chiliens qui n’étaient pas encore nés au moment du coup d’État de Pinochet, et qui chantent maintenant avec enthousiasme « Le peuple uni ne sera jamais vaincu », sont une démonstration claire de ce pont générationnel.
Alors c’est peut-être la voie à explorer et à approfondir : celle d’un sentiment qui résonne dans le cœur de tant de gens, y compris et valorisant la diversité, donnant espoir et ouvrant l’avenir au-delà des échecs et des défaites inévitables dans ces moments où un monde nouveau encore fragile et fragmenté tente de se frayer un chemin dans un système violent qui fait appel à tout pour préserver son pouvoir.