Pas un jour ne passe sans que l’on entende ou lise des propos enthousiastes quant aux bienfaits de la musique sur petits et grands. Les bébés s’apaisent au son mélodieux de papa/ou maman qui chante, les personnes souffrant de maladie dégénérative telle qu’Alzheimer gardent en mémoire les chants et musiques apprises dans leur jeunesse, l’impact sur le cerveau des petits apprenants se révèle plein de promesses …

Pourtant, force est de constater d’un côté la permanence préoccupante de l’échec scolaire et, d’un autre côté, la disparité (disparition parfois) des pratiques artistiques dans les écoles.

Pendant trois années – sept 2016-août 2019- Une association belge, Educ’Art, a coordonné un vaste projet européen « Art & Apprentissage ».

 

L’originalité du projet

L’originalité du projet consiste dans ses objectifs, le public concerné, l’enjeu politique, son support scientifique :

Les objectifs :

– provoquer une réflexion de fond quant à savoir ce qu’est « apprendre » et le rôle de l’école

– adopter une perspective à la fois préventive et thérapeutique sur les difficultés d’apprentissage

– co-créer des outils concrets, applicables en classe et en consultation, par les enseignants, les professeurs de musique et les professionnels de la remédiation.

– valoriser la musique comme une matière noble au même titre que le français et les maths…

Cela a été possible grâce au décloisonnement entre les domaines scientifique, thérapeutique, pédagogique, avec l’artistique en tant qu’élément fédérateur.

Les enseignants et les thérapeutes, un public privilégié

Mettre la musique au service des apprentissages scolaires, pour tous les élèves, passe par les enseignants et les thérapeutes qui s’occupent des élèves en difficultés. Nous étions en effet attachés à une vision préventive et thérapeutique.

L’enjeu politique    

Introduire la musique à l’école et la traiter comme une matière noble, tout comme le français et les maths, relève du politique. Dès lors, notre démarche fut multiple : inscrire les arts comme priorité politique, informer et former les enseignants aux activités musicales, apporter un cadre théorique scientifique des liens entre musique et l’apprentissage.

Colloque de clôture, en partenariat avec les Ministres de l’Education et de la Culture

Comment passer du laboratoire à la classe ? La pédagogie de la preuve !

L’imagerie cérébrale et les sciences cognitives nous apportent « des faits, un éclairage aussi objectif que possible des mécanismes mentaux » nous ont rappelé Ingrid Honhoorst, logopède et Michel Habib, neurologue.   En effet, les recherches démontrent que la musique, incluant le rythme, le chant et la gestuelle agit sur le climat général d’une classe, le comportement des enfants et les capacités d’apprentissage, en favorisant la mémoire, l’attention, la concentration, la motivation par le plaisir, ce qui pallie les décrochages scolaires.

Qui veut la fin veut les moyens !

Une double nécessité s’est imposée :

– informer les décideurs politiques et les acteurs de l’éducation

– proposer des formations pour les enseignants, les thérapeutes et les professeurs de musique

De l’intention à la réalisation

Les colloques et publications

Cinq colloques ont été organisés et ont suscité un grand intérêt dans le milieu de l’éducation. De nombreux travaux ont été publiés en français et espagnol (voir site www.aaerasmus.educart.be).

Des outils !!

Malgré des programmes scolaires où figurent les matières artistiques- et la musique- les enseignants reconaissent être démunis dans leurs pratiques. Avec eux, nous avons pu :

– définir ce qu’est « l’éducation musicale » à l’école

– préciser quelles activités musicales étaient utiles à quels apprentissages.

C’est ainsi qu’un « canevas d’activités musicales » a été élaboré, reprenant en 7 points une progression d’activités autour d’une chanson. Marielle Vancamp, musicienne et coordinatrice de l’aspect Musique rappelle : « Ce canevas n’est pas une méthode mais un cadre qui invite à une grande créativité ».

Playliste avec des vidéos d’activités musicales

Voici les 7 Points, illustrés sur le site du projet par des fiches pédagogiques et des vidéos 

  1. Chanson du bonjour ou des prénoms (Rituel d’entrée)
  2. Vitamine vocale et
  3. Expression vocale et gestuelle de la hauteur
  4. Apprentissage de la chanson
  5. Jeux rythmiques
  6. a) corps et voix.
  7. b) avec objets
  8. Orchestration de la chanson (ou autre)
  9. Chanson de fin (Rituel de fin).

Et maintenant ? Les conditions pour que « ça marche » ?

Les ressources et les outils existent.

Et maintenant ? Nous avons observé tout au long de ce projet que certaines conditions sont primordiales :

– une volonté claire et concrète à trois niveaux hiérarchiques : politique, institutionnel (direction d’école, conseillers pédagogiques…) et individuel (l’enseignant, le thérapeute).

– Une formation initiale et continuée de qualité et adaptée sur les liens entre la musique et l’apprentissage, les troubles de l’apprentissage.

– Un corps enseignant motivé qui propose des changements structurels à l’école

– Des connaissances de base en psychologie cognitive et en neurosciences

– Une expérimentation intensive, sur la durée

– des outils d’évaluation de l’expérimentation

– une collaboration étroite entre musiciens, enseignants et thérapeutes

En conclusion :

Trois ans, c’est à la fois peu et beaucoup.

Peu ? Aborder le thème de « l’Art à l’Ecole » remet en question les priorités éducatives, concerne les programmes, les pratiques didactiques et le regard face aux troubles de l’apprentissage.

Ces trois années de projet représentent donc une tentative, parmi d’autres, qui a permis l’émergence de belles collaborations mais aussi des sources de conflits, de résistance et même de refus.

L’interdisciplinarité nécessaire déstabilise et provoque soit un grand intérêt de collaboration ; soit des peurs, des résistances. Et cela aussi fait partie du chemin.

Beaucoup ? En nous focalisant sur les liens et interactions entre science, pédagogie, art, thérapie, nous avons pu :

  • définir « la musique à l’école »,
  • créer des synergies entre artistes et enseignants,
  • approfondir les connaissances et diffuser cette démarche interdisciplinaire entre autres par des formations, des colloques, des conférences,
  • renforcer des collaborations existantes,
  • créer des outils audiovisuels et littéraires,
  • toucher de nombreux professionnels.

Nous sommes confiants : en France et en Belgique, des structures politiques et institutionnelles sont sensibles à cette démarche. En Espagne, un effort supplémentaire est nécessaire.

A espérer donc que les moyens humains et financiers seront disponibles pour que l’Art puisse prendre sa place à l’école. De nombreuses collaborations sont possibles, pour autant que l’on sorte de son espace de confort et que l’on soit, à niveau personnel, d’école et d’institution, soutenu un minimum.

Nous constatons sur le terrain, la nécessité d’encourager les projets concrets dans les écoles et en extra-scolaire mais, en même temps, le besoin de poursuivre une réflexion plus profonde sur ce qu’est « éduquer » un enfant, enseigner, dans le monde actuel. Et ce, avec les parents, les enseignants, les chercheurs, les thérapeutes, les artistes.

A suivre donc et surtout à poursuivre !

Tatiana De Barelli,

—————-

Les partenaires

Trois pays sont impliqués: Espagne, France et Belgique.

1/ L’Espagne : Le département de musicologie de l’Université de Grenade (Espagne) nous apporte son expertise et son engagement en matière de politique de l’enseignement musical, en Espagne et en Europe.

Une école inclusive – Colegio Mirasur, à Madrid et très au fait des nouvelles pédagogies ; elle collabore activement aux outils créés pour le projets et appliqués en classe.

2/ En France, les équipes de Résodys (Marseille) et Mélodys (Nice) s’intéressent spécifiquement aux enfants « dys ». Elles ont développé un programme de remédiation cognitivo-musicale des troubles de l’apprentissage et forment de nombreux enseignants et professionnels du milieu paramédical et de l’éducation.

3/ La Belgique : avec un axe orienté vers la formation, la prévention + la coordination du projet

Trois école sont engagées à l’application des outils créés : l’école du Centre d’Uccle, l’école de Chôdes (Malmédy) et le groupe scolaire St-Michel à Tournai.

L’équipe d’Educ’Art, fort de son expérience de travail en réseau, coordonne l’ensemble du projet, les contacts entre les partenaires, la réalisation des outils et des productions intellectuelles, les traductions nécessaires, les évènements et la gestion du budget.

 

Activités principales

Fruit d’un vaste travail de réflexion en commun durant les trois années, différentes productions ont vu le jour : un documentaire audio-visuel, 3 livres, 5 publications dans des ouvrages spécialisés.

Un portfolio pratique et complet disponible en libre accès sur le site https://www.aaerasmus.educart.be/ dans lequel on retrouve:

– un cadre théorique sur base des études neuroscientifiques récentes qui donne sens et validité aux activités musicales proposées.

Les déroulés d’activités ont été mis en œuvre dans des classes des trois pays. Ils ont ensuite été évalués et adaptés en vue de permettre à des enseignants peu formés en musique de pratiquer des activités musicales ciblées.

Un Dispositif d’Evaluation a été co-construit avec plusieurs grilles d’observation concernant les habiletés cognitives, attentionnelles, sociales, musicales et concernant aussi le bien-être à l’école. Ces grilles ont été créées ou sont reprises de ressources existantes. Ce dispositif a été expérimenté dans ces classes.

Site web : www.aaerasmus.educart.be